Publié le 28 Mar 2015 - 00:10
AN 3 DE MACKY SALL

Un secteur éducatif en ébullition 

 

Trois ans après l’arrivée du président Macky Sall au pouvoir, la copie rendue par son gouvernement dans le domaine de l’éducation est pleine de ratures. Le front social ne cesse de chauffer : la faute à des engagements non tenus.

 

‘’A en juger par le bouillonnement actuel, tout indique que 2014 n’a été que le calme qui précède la tempête. 2015 s’annonce déjà mouvementée’’. Cette chute de l’article qu’EnQuête avait consacré à la rétrospective 2014 dans le domaine de l’éducation n’avait rien de prémonitoire. Surtout que  l’article en question était titré : ‘’Le calme avant la tempête revendicative.’’ A l’heure de faire le bilan de l’éducation des trois ans de Macky Sall à la tête du pays, nous constatons hélas que le temps a confirmé ce qui était plus une crainte, fondée sur des faits, plutôt qu’un souhait.

2015 est diamétralement opposée aux années qui l’ont précédée. Elle s’est installée au cœur de la zone de turbulence, avec de multiples actions d’envergure. Dès le 9 janvier, le Grand cadre qui regroupe une bonne partie des syndicats d’enseignants avait donné le ton en déposant un préavis de grève pour exiger le respect du protocole d’accords signé le 17 février 2014. Jusqu’à l’épuisement de celui-ci, l’organisation syndicale affirme n’avoir eu aucune réaction de la part du gouvernement. Ce qui fait qu’en début février, elle a entamé ses premiers mouvements d’humeur. Depuis lors, elle multiplie les plans d’action. La dernière en date est un abandon des classes durant toute la semaine du lundi 23 mars au vendredi 27.

A l’image du grand cadre, le CUSEMS aussi est dans la rue. Elle a organisé une marche et compte durcir le ton. Les enseignants dirigés par Abdoulaye Ndoye réclament l’alignement de l’indemnité de logement et le respect des accords. L’entrée en action du Syndicat unitaire et démocratique des enseignants du Sénégal (SUDES) est la preuve qu’il n’existe presque pas d’étoiles dans le ciel nocturne du système éducatif. Ce syndicat connu pour sa modération a déposé un préavis de grève ‘’qui couvre la période du 27 février au 31 décembre 2015’’ soit presque toute l’année.  Les camarades de Amadou Diaouné, à l’image des autres enseignants, exigent ‘’la mise en œuvre intégrale des points du protocole d’accord du 17 février 2014 aux échéances convenues (dans l’immédiat, tous ceux liés à la suppression des lenteurs administratives)’’.

Cette situation actuelle traduit aux yeux des syndicalistes le manque de volonté des gouvernants. ‘’L’Etat reste insensible à nos demandes. Aucune réaction des pouvoirs politiques’’, s’indignait le coordonateur du Grand cadre, Mamadou Lamine Dianté, lors d’une conférence de presse. Et ce dernier de renchérir : ‘’Nous irons jusqu’au bout sans écarter aucune éventualité. Car le leitmotiv des enseignants, c’est cette année ou jamais’’. Ces éventualités en question, c’est la rétention des notes du 1er semestre et le boycott des conseils de classes…

Le coordonnateur de la COSYDEP Cheikh Mbow avait fait remarquer qu’il y avait une pause observée par les enseignants pendant deux ans. Une pause qui s’expliquait par l’arrivée de nouvelles autorités avec des engagements pris. Les enseignants avaient d’ailleurs qualifié cette trêve de ‘’sursaut patriotique’’, parce que ‘’ce temps de grâce’’ n’étant soumis à aucune condition. Mais deux ans après, M. Mbow se demande ‘’si le Sénégal en a suffisamment profité. Parce que quand il y a une période de deux ans de pause, elle doit être marquée par un dialogue franc permanent qui permette de vider certaines questions définitivement. A ce niveau-là, ça laisse à désirer’’.

En réalité, comme le suggèrent les propos de Cheikh Mbow, si le dialogue est devenu aussi difficile, c’est que l’Etat n’a pas joué le jeu. A vrai dire,  le gouvernement n’a pas respecté ses engagements. Et apparemment, la tenue des Assises de l’éducation n’a rien changé. Depuis le conclave, rien ne bouge. Pas de comité de suivi, pas de conseil présidentiel. Les enseignements ont le sentiment d’être ‘’méprisés’’ (sic). Ce qui ne fait que rendre le dialogue plus difficile et l’avenir des enfants moins certain.

Une volonté brouillée par la méthode

Les récents accords signés entre le gouvernement et le SAES reflètent le conflit permanent entre le monde universitaire et le ministère de l’Enseignement supérieur. Mais contrairement à l’enseignement pré-bac, le supérieur n’est pas secoué par des accords non respectés, mais plutôt par une méthode cavalière qui ne convient à aucune des composantes du sous-secteur.

La tutelle a certes envie de bien faire et surtout d’innover, de corriger. Toutefois, son péché consiste à croire que les réformes peuvent être menées sans le consentement des acteurs. C’est ce qui explique qu’il y ait des mois de combat avec les étudiants relatif à la hausse des frais d’inscription, des critères d’attribution des bourses… une confrontation qui avait débouché sur une session unique qui a du mal à être bouclée dans certaines facultés. L’année académique 2015 tarde en effet à être effective à l’Ucad.

Et à peine cette brèche fermée, le ministère en a ouvert une autre. Cette fois-ci, il est question d’une loi dite des réformes sur les universités. Les enseignants ainsi que l’ancien ministre Amadou Tidiane Ba ont accusé le ministre Mary Teuw Niane d’avoir falsifié la dernière mouture pour ‘’livrer l’université au monde de l’entreprise’’. Avec une parité (50-50) entre les différentes parties de l’université d’une part et les capitaines d’industries d’autre part. Aujourd’hui le calme est revenu, même si les deux parties ne sont pas totalement en phase sur certaines questions. Notamment sur le mode de nomination des recteurs. Il reste à espérer que les prochaines mesures auront le temps de la concertation nécessaire à un consensus. 

BABACAR WILLANE

 

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