Publié le 25 Jan 2015 - 04:32
AFRIQUE DU SUD

A Soweto, des émeutiers pillent les commerces tenus par des étrangers 

 

Ils visent les étrangers. Je crois que je ne suis plus en sécurité ici!" Les larmes aux yeux, Nazil Munssi contemple sa boutique ravagée par les pillards, à quelques kilomètres de Soweto, dans cette zone de townships autour de Johannesburg secouée par des violences urbaines depuis lundi.

 

A l'intérieur de son magasin de bricolage, les sacs de ciments éventrés et les pots de peinture en vrac jonchent le sol. "J'ai de bonnes relations avec tout le monde ici. Je me sens mal. Je ne m'attendais pas à ça", soupire cet Indien de 43 ans, installé en Afrique du Sud depuis 26 ans avec sa famille.

Vendredi matin, la police sud-africaine affirmait avoir procédé à 153 arrestations depuis le début des pillages à Soweto, l'immense township de 1,3 million d'habitants aux portes de Johannesburg, cœur historique de la révolte des Noirs contre l'apartheid à la fin du XXe siècle. C'est là, dans cette ville où vécurent Nelson Mandela et Desmond Tutu, que les troubles ont commencé en début de semaine, lorsque le gérant somalien d'une échoppe a tiré sur un groupe d'adolescents qui venaient le cambrioler. Un garçon a été tué, déclenchant la fureur d'habitants du quartier et une vague de pillages, qui s'est étendue aux localités voisines. Une autre personne à été tuée mercredi soir, mais les circonstances de ce décès ne sont pas claires.

A chaud, l'Indien Nazil assure qu'il ne reconstruira pas et qu'il va quitter la région. Alors qu'il constate les dégâts en compagnie de policiers armés, un petit groupe observe la scène: "Je n'aime pas ça, ça détruit notre image", lance Lesetja Mahlangu, 44 ans. Un peu plus loin, une épicerie a également été vandalisée, comme quelque 80 boutiques de la région.

"Les nyaopés, ils sont venus", se désole Tshegofatso Mogalo, dans une allusion à une drogue qui se répand dans le pays -- la nyaope--, souvent associée à la criminalité. "J'ai eu peur, ils nous ont menacés", ajoute cette jeune femme de 22 ans, élégamment habillée dans sa tenue de réceptionniste.

‘’Nombreux lycéens’’

"La police a dispersé la foule, ils ont tiré deux ou trois balles en caoutchouc mais les pillards se sont enfuis et la police n'a pas pu les attraper", témoigne Boitumelo Modisane, sa collègue de 26 ans. Plus loin, les tenants bangladais d'un supermarché chargent leur stock sur la plate-forme d'un camion: bouteilles de soda, sacs de maïs et barres de chocolat s'entassent pour être évacués, dans l'espoir d'échapper à un nouveau pillage.

Vendredi, d'importants renforts de police étaient déployés dans les zones de violences et un calme précaire régnait. Mais les forces de l'ordre étaient sur le qui-vive pour l'après-midi, à l'heure de la sortie des écoles, car de nombreux lycéens ont participé aux pillages après les cours ces derniers jours.

De violentes émeutes contre les étrangers avaient fait 62 morts en Afrique du Sud en 2008. La situation s'est nettement calmée depuis, mais des incidents sporadiques n'ont jamais cessé dans les townships, visant surtout des Bangladais, Somaliens et Ethiopiens, dont les magasins sont régulièrement pillés.

Les autorités sud-africaines ne pensent cependant pas que les violences qui ont secoué Soweto cette semaine avaient un caractère particulièrement xénophobes.

Le chef de la police provinciale Lesetja Mothiba a estimé que "des jeunes drogués" avaient "profité de cette situation". "Ils s'intéressent à des objets spécifiques dans les boutiques: des cigarettes, des recharges téléphoniques et de l'argent", a-t-il insisté.

"De nombreux objets, dont des réfrigérateurs et des provisions, ont été saisis lors des arrestations", a aussi noté le policier, alors que les chaînes de télévision sud-africaines ont surtout montré des gens ordinaires venus se servir de tout et n'importe quoi.

(jeuneafrique.com)

 

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