Publié le 19 Apr 2014 - 19:21
ARCHITECTURE ET VALEURS

Cambérène baigne entre tradition et modernité ?

 

Cambérène, c'est l'histoire des huttes qui marquent sa singularité, mais c'est aussi  les ''maas'' ou classes d'âge, mis en place par Mame Seydina et qui avaient pour fonction d'être des structures d'apprentissage de la vie. Mais le vent du modernisme a fini par dénaturer, aux yeux de certains, cette belle architecture et ces belles valeurs qu'il  urge aujourd'hui de restaurer.

 

Dans la capitale religieuse des Layènes, les maisons ont été construites sous le signe de U qui symbolise l'Union. D'autres parlent de ''Ëtt''. Tout au début, il n y en avait que 7, au fil des ans, leur nombre est nettement passé à la hausse.

Explications de Libasse Hanne, membre du comité de pilotage des 100 ans de Cambérène : ''l'habitat tel que conçu par Seydina Issa Rohou Lahi est structuré sous forme de 'ëtt' et schématisé en U. Dans un 'ëtt', les maisons se font face sur deux rangées avec au fond la maison du chef qui fait office de siège, de refuge pour les nouveaux arrivants et où se prennent toutes les décisions.

Dans chaque maison se trouve une cour et toutes les portes y donnaient. Faisaient référence au principe de l'unité, les membres du 'ëtt' s'entre-aidaient et il n'y avait pas de sens interdit, tout se partageait. Et à cette époque chaque 'ëtt' prenait le nom de son chef.'''

Mais le vent du modernisme a fini par dénaturer, aux yeux de certains, cette belle architecture. Les ''huttes'' ou ''ëtt'' ont fini par épouser l'air du temps. Les portes ne donnent plus sur le voisinage mais sur la rue.
 
Cette ouverture vers l'extérieur traduit, pour les traditionalistes, une rupture d'avec le voisinage, balisant la voie à l'individualisme. La vie en communauté en subit un sacré coup, pense pour sa part Abdoulaye Hanne.
 
Cambérène  a pu survivre jusqu'en 1987 avec ses valeurs, mais il n'a pas pu préserver son système de ''Maas''. ''Mame Seydina avait mis en place les ''maas'' ou classes d'âge qui avaient pour fonction d'être des structures d'apprentissage de la vie, des structures d'entraide et de solidarité.
 
Dans la constitution des ''maas'', il était question de combattre les velléités de catégorisation sociale. Ainsi lorsqu'un membre d'un ''maas'' avait besoin d'une case pour son mariage, c'était le groupe qui s'en chargeait. Ainsi un ''maas'' comme ''compagnie des bérets'' avait pu réaliser pour le compte de Seydina Issa des cases à Cambérène, Yoff et Dakar.''
 
Restaurer les valeurs ! 
 
Autre temps, autre réalité. Cambérène s'adapte à l'ère du renouveau. Dans ce village religieux, où le folklore, les cérémonies mondaines, la consommation d'alcool, entre autres, étaient méconnus, les réalités basculent. En guise d'exemple, tiennent à rappeler les habitants de Cambérène, ''du vivant de Seydina Issa Laye, on n'osait pas traîner le pas lors de funérailles ou baptêmes, tout le monde se dispersait après avoir accompli l'essentiel.''
 
Aujourd'hui, cette belle tradition a été ensevelie. Et 100 ans après, Cambérène est sur le point de flirter avec le déracinement. Les fils du ''terroir'' ont décidé de retrousser les manches pour redresser la barque avant qu'elle ne sombre dans les méandres de la modernité.
 
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