Publié le 28 Aug 2014 - 20:42
ASSANE SÈNE (APR DE NGOUDIANE, CT AU MINISTÈRE DES FORCES ARMÉES)

“Tant qu’on continue à faire du masla…”

 

Quelle lecture faites-vous de la crise universitaire ?

Cette situation ne m’a pas surpris étant issu du milieu universitaire. J’ai été délégué à la Faculté des Lettres et des Sciences humaines puis le président de l’amicale des stagiaires de l’Ecole normale. Donc, les revendications des étudiants ne sont pas nouvelles. Avant l’affaire Bassirou Faye, on a connu l’affaire Balla Gaye et jusqu'à présent, l’autorité n’est pas parvenue à prendre de mesures idoines.

Où se trouve le problème ?

J’entends dire que les étudiants traînent 10 mois d’arriérés de bourse. Je précise que le Ministère (de l’Enseignement supérieur) a fait un travail d’évaluation d’octobre jusqu’à aujourd’hui. L’audit a révélé que des bourses étaient octroyées à des non-ayants droit.

Pourquoi attendre deux ans pour déceler ces failles ?

Lorsqu’on arrive dans un secteur, il est nécessaire de faire l’Etat des lieux. Cela peut prendre un an ou deux ans. Mais rien n’explique la mort de Bassirou Faye. Je peux comprendre que les forces des l’ordre soient allées à l’université pour garantir la sécurité des étudiants, quand le recteur en formulent la demande. Mais, qu’elles aillent jusque dans les chambres des étudiants, c’est trop. C’est ce qui est à l’origine de cette violence.

Vous êtes donc contre les franchises universitaires ?

Bien sûr ! Il y a incompatibilité entre les forces de l’ordre et les humeurs des étudiants. Donc, si vous installez une police à côté de l’universitaire, vous créez des conditions d’une violence permanente. Le gouvernement, à travers le président de la République, a promis de faire toute la lumière sur ce crime odieux qui ne devrait plus se répéter à l’avenir.

Certains parlent d’infiltration. Est-ce une piste sérieuse ?

C’est une question complexe. L’infiltration a existé dans l’histoire. L’université est un temple du savoir qui regorge d’amicales, de structures politiques et autres. Et les opposants n’ont pas intérêt à ce que les choses marchent. Par conséquent, on peut bien soupçonner cette infiltration. Mais puisque la justice est en train de faire son travail, attendons de voir.

Seydi Gassama d’Amnesty International a été convoqué par le procureur de la République par rapport à l’affaire Bassirou Faye. Cela ne risque-t-il pas d’envenimer les choses ?

Je ne crois pas. Avant Seydi Gassama, il y a un étudiant qui dit avoir été témoin de ce commandant qui aurait tiré et il a été entendu. Si quelqu’un déclare  qu’il a des preuves que ce sont les policiers qui ont tiré, il est pertinent que le procureur le convoque. Il n’y a pas de danger. Il faut juste aller répondre et apporter ses preuves.(…)

En plus de la crise universitaire, il y a l’opposition qui est de plus en plus offensive. Comment le pouvoir gère-t-il tout ce bouillonnement social ?

Ce bouillonnement social s’explique par le fait que nous avons un régime qui a une volonté de rupture radicale par rapport à ce qui existe. Le Sénégalais est réfractaire au changement. Tout changement entraîne des changements ; ils peuvent être positifs comme négatifs. Par conséquent, il faut que le gouvernement prenne ses responsabilités pour contrecarrer toutes ces manœuvres et lobbies qui ont tendance à embarquer le Sénégal dans la déperdition.

Tant qu’on continue à faire du ‘’masla’’, et à maintenir les Sénégalais dans la facilité déconcertante, on ne pourra jamais se développer. J’en profite pour répondre à ceux qui politisent la crise universitaire. Abdoulaye Wade et son régime ont été vomis par les Sénégalais. C’est parce que le président Macky Sall s’est inscrit dans cette volonté de rupture qu’ils ne veulent pas sa réussite. Et toute l’opposition est dans cette logique(…).

Mais tout n’est pas positif avec Macky Sall.

Oui, ce que je déplore par contre, c’est la brutalité des réformes engagées dans le domaine des institutions, de l’enseignement, de la bonne gouvernance. Il faut aider les populations à s’adapter progressivement au changement. C’est à ce niveau qu’il y a faille.

Pouvez-vous donner un exemple ?

Par exemple au niveau de la gare des Baux maraîchers, il était, à mon avis, plus pertinent de libérer d’abord la gare de Pompier et habituer les Sénégalais à aller progressivement à la gare des Baux maraîchers. Au niveau de l’université, on ne peut pas en une seule année engager toutes les réformes. Cela va engendrer des conséquences. Il fallait utiliser une méthode humaniste qui permettrait à l’autorité, dans une logique consensuelle, de poser les jalons progressifs qui vont aboutir à des conclusions idoines. Lesquelles seraient bénéfiques aussi bien pour l’Etat que pour les étudiants.

Dans l’affaire du colonel Aziz Ndaw, certains accusent le ministre des Forces armées dont vous êtes le conseiller, d’avoir pris position en faveur du général Abdoulaye Fall, accusé de malversations par le premier nommé. Que répondez-vous ?

On colle beaucoup de procès au ministre Augustin Tine. Ce que je ne cautionne pas. En tant qu’autorité des Forces armées, il n’a fait que dire ce que prévoit le règlement en cas de défaillance. C’est une posture de responsabilité qu’il a adoptée en disant que force restera à la loi. 

Vous êtes de la région de Thiès, comme votre ministre. Comment expliquez votre défaite aux locales face à Idrissa Seck ?    

C’est vrai que la coalition Benno Bokk Yaakaar a perdu les élections locales au niveau de la coordination de Thiès à la tête de laquelle se trouve le ministre (Augustin Tine). Cette défaite est liée à la désunion de responsables avec les listes parallèles particulièrement à Thiès commune. Mais, si vous faites le cumul des voix obtenues par l’APR dans deux localités, cela dépasse de loin celles du candidat Idrissa Seck. Cela veut dire qu’il a été malmené bien qu’il contrôle administrativement le département de Thiès.

Mais avec tout ce que l’APR compte comme autorité à Thiès (deux ministres, un vice-président de l’Assemblée nationale), ce n’est pas un résultat fameux…

C’est vrai que ce n’est pas fameux. Le fait qu’on ait perdu, c’est quelque chose qu’il faut condamner. On aurait dû gagner. Toutes les conditions avaient été réunies. Le président avait tout donné à Thiès, particulièrement Thiès commune. Il y a des PCA, des Dg, un ministre, un député. Comme je l’ai dit, la désunion a causé notre défaite. A ce niveau, des leçons ont été tirées. Au niveau du département, ce qui a prévalu comme situation, en dehors du ministre Augustin Tine, maire de Fandène, c’est qu’il n’y a pas de responsabilisation au niveau de la zone rurale. Les jeunes qui se sont engagés auprès de Macky Sall sont désarmés face à la réalité du terrain.  (…) C’est le Président qui est interpellé !

PAR DAOUDA GBAYA

 

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