Publié le 27 Jan 2015 - 00:17
BATHIE CISS (PORTE-PAROLE DE L’ANCP)

“L’Afp est confrontée à un problème de succession”

 

Porte-parole de l’Alliance nationale des cadres du progrès (ANCP), une structure affiliée à l’Alliance des forces du progrès(AFP), Bathie Ciss n’y va pas par quatre chemins pour assener ses vérités sur la crise qui secoue le parti de Moustapha Niasse.Pour ce responsable, la question fondamentale qui se pose à l’Afp est un problème de succession. Entretien.

 

L’AFP, votre parti, est secouée par une crise. Comment appréciez-vous cette situation ?

Ce qui se passe à l’AFP est une situation qui nous désole tous. Parce que le parti ne mérite pas ce traitement perpétré par des militants de l’AFP, il faut le reconnaître, mais il y a aussi des nervis que des gens sont allés recruter pour les amener dans le parti. Il y a une semaine de cela, une partie des jeunes avait tenu une réunion à Bandian. C’est d’ailleurs une réunion qui a été annulée par le parti parce que les motivations n’étaient pas claires.

Alors quand des camarades ont quand même décidé de la tenir, le parti avait décidé de les écouter et de prendre les décisions qui s’appliquent en de telles circonstances. On les a convoqués, ils sont venus, et nous avons constaté avec désolation qu’ils étaient venus avec des nervis et des lutteurs. La situation étant compliquée, il avait été proposé que la réunion soit reportée afin qu’on puisse saisir la commission de discipline et de conflit pour statuer sur la question de ces jeunes qui ont défié le parti en allant tenir leur réunion à Bandian. C’est le doyen Madieyna Diouf qui a fait cette proposition.

Est-ce que cette commission s’est réunie ?

Cette commission ne s’est pas encore réunie. Mais après que cette proposition a été faite, des jeunes se sont montrés très violents et très virulents à l’égard de certains camarades doyens qui étaient présents à la réunion. Finalement, la séance a été levée parce que la proposition de Madieyna a été acceptée par la majorité. Mais des jeunes sont restés à la permanence pour dire qu’ils vont donner leur position par rapport à ce qui s’est passé  alors qu’il n’était pas question d’en  faire un débat. Il s’agissait d’appeler les jeunes et de les entendre par rapport à la défiance qu’ils ont faite au parti. A la tête de ces jeunes, il y avait celui qui était leur secrétaire général national, Malick Guèye.

Mais qu’est-ce qui s’est passé par la suite ?

Les cadres ayant planifié leur activité bien avant cela, ont décidé de maintenir leur activité du 22 janvier qui consistait en une cérémonie de présentation de vœux suivie de débat thématique. Il s’est trouvé que des cartons d’invitations ont été confectionnés et que seuls des membres du bureau politiques ont été invités. Mais à notre grande surprise, nous avons constaté une grande mobilisation de militants qui n’ont pas été conviés et qui voulaient entrer de gré ou de force. Ce que nous avions refusé. Malheureusement des gens sont venus avec des nervis et des lutteurs pour forcer la porte. Et quand ils ont forcé la porte, un certain nombre de camarades sont entrés et ont voulu remettre en cause la décision du bureau politique du 10 mars.

Est-ce que cette décision n’est pas unilatérale ?

Ce que les gens ne rappellent pas souvent, c’est que cette décision du 10 mars fait suite à la résolution du Comité directeur du 13 février 2013. La résolution a été envoyée à toute la presse et disait en substance que l’AFP continue son compagnonnage avec Macky Sall.

Est-ce que les dissidents du parti avaient entériné cette résolution ?

La résolution du 13 février ? Oui ! Tout le monde était là-bas. En son temps, Malick Gackou était le ministre du Commerce et il avait même fait un discours. Malick Guèye lui-même, responsable national des jeunes, était sur le présidium et le secrétaire général national l’avait chargé de prendre la liste des intervenants. Il y a eu plus de 56 intervenants. C’est à la fin de ces interventions qu’une proposition de déclaration a été faite. Et toutes les interventions sont allées dans le sens  de faire de Macky Sall, le candidat de l’AFP. Seules deux responsables étaient contre. Il s’agit de Woré Diaw, responsable du parti à Grand Yoff et de Mamadou Goumbala

L’objectif majeur d’un parti politique n’est-il pas la conquête du pouvoir ? 

Nous, notre position est ceci : nous sommes dans un gouvernement, nous sommes à l’Assemblée nationale, nous avons des présidents de conseil d’administration, des présidents de conseil de surveillance, des directeurs généraux, des députés qui ont été élus sur la base de la coalition BBY. Nous avons des maires qui, aujourd’hui, contestent la décision du bureau politique et qui ont bénéficié de la subvention de BBY.

Maintenant si on doit présenter un candidat, il faudra demander à toutes ces personnes de démissionner, demander à Moustapha Niasse de démissionner de l’Assemblée nationale avec tous ceux qui travaillent dans son cabinet, dire à Alioune Sarr de démissionner du gouvernement, à Mata Sy Diallo de quitter la présidence du conseil d’administration de la SNR, à Madieyna Diouf de démissionner du conseil de surveillance des aéroports du Sénégal, dire à Malick Diop de démissionner de l’ASEPEC, à Cheikh Mbaye de démissionner de l’Agence de la couverture de la maladie universelle. Mais aussi demander à nos députés et à nos maires qui ont été élus sur la base des listes de la coalition BBY de démissionner et de se préparer pour les élections de 2017.

Sur quelle base l’AFP va-t-elle négocier avec ses alliés lors des élections législatives de 2017 si elle ne se présente pas à la présidentielle ?

Si nous posons à l’intérieur du parti la question de savoir quelle stratégie nous devons travailler pour avoir la position que l’AFP mérite dans le cadre d’une coalition, cette question est pertinente. Mais il ne faut pas voir cette question sous forme d’approche de chantage parce qu’en définitive, ce ne sont pas les postes et les positions qui intéressent l’AFP. Parce que nous avons été dans l’opposition pendant 12 ans. Ce qui nous intéresse, c’est un projet politique et la question fondamentale aujourd’hui est de savoir : est-ce que le projet politique que le président Macky Sall est en train de dérouler nous satisfait en tant que parti ou ne nous satisfait pas nonobstant les positions politiques que nous avons ? Mais à l’AFP, la question fondamentale qui se pose est une question de succession. Aujourd’hui Malick Gackou n’a pas un problème fondamental avec Niasse, il a un problème avec Alioune Sarr.

Qu’est-ce qui oppose les deux hommes ?

Si vous voyez bien, pendant longtemps, il y a eu des démissions au sein de l’AFP, des gens qui partaient parce que tout simplement il y a des responsables qui régentaient la vie du parti et qui prenaient tous les privilèges que le parti offrait. Quand il s’est agi de dire que ça suffit, les gens ont utilisé d’autres méthodes. Parce que s’il n’y avait pas cette résistance, on allait pousser Moustapha Niasse à prendre des décisions impopulaires pour leur propre bonheur et leur propre égoïsme. Aujourd’hui, le problème essentiel, c’est que quand Malick Gackou a senti qu’il lui était devenu difficile de dérouler en roue libre parce que les gens ont organisé une opposition contre cela, il y a eu un éclatement.

Tant qu’il n’y avait pas une opposition à l’intérieur, ces gens-là pouvaient faire ce qu’ils voulaient. Je rappelle qu’au dernier congrès de l’AFP, la position numéro 2 de Malick Gackou n’a été discutée dans aucune structure du parti. Personne n’a contesté cette décision et pourtant, les gens n’étaient pas d’accord et ont accepté par respect au secrétaire général national. Alors pourquoi aujourd’hui, après que vous avez bénéficié de cette prérogative que nous avons donnée au secrétaire général pour avoir un poste de numéro 2, vous voulez remettre en cause cette prérogative que le secrétaire général a de décider, en tant qu’individu, que lui ne va pas participer à des élections ?

Est-ce que le parti ne va pas tout droit vers une scission ?

Quand Moustapha Niasse était au PS et qu’il n’épousait plus les idées, l’orientation et la démarche du parti, il a pris ses responsabilités, il est parti et il a créé son parti avec d’autres Sénégalais. Moustapha Niasse l’a dit de façon claire et nette, il a dit que lui n’est pas candidat mais celui qui veut être candidat n’a qu’à dire : ‘’moi je suis candidat.’’ Si quelqu’un dit qu’il veut être candidat et que le parti ne veut pas qu’il soit candidat, il peut être candidat en utilisant un autre parti ou aller ailleurs.

Donc selon vous, les dissidents sont libres d’aller créer leur propre parti ?

Ils sont libres d’aller créer leur propre parti. D’ailleurs, tout Sénégalais, et ça c’est la constitution qui le permet, a la possibilité de créer une association privée. Je veux vous diriger par la force, cela n’existe nulle part.    

PAR ASSANE MBAYE

 

 

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