A Dahra, les maladies bucco-dentaires constituent un véritable problème de santé publique. Surtout que le district sanitaire de la localité ne dispose que d’un  chirurgien dentiste. D’où les longues heures d’attente  des patients dont certains parcourent plus de 90 km pour venir se faire extraire une dent.

Il est 10 heures au centre de santé Elisabeth Diouf de Dahra. Les couloirs en face du bureau du chirurgie dentiste de la structure sanitaire Djibril Antoine Thiam sont bondés de patients assis sur les bancs en dur. La plupart d’entre eux ont la joue enflée. Visiblement, ils sont  très affectés par la douleur.

Devant le portail du spécialiste de la dent, une gencive y est bien dessinée, peut-être pour mieux indiquer les lieux aux illettrés qui fréquentent cette structure. Une image vaut mille mots ! Sous le dessin, il est bien mentionné ‘’une dent malade menace tout votre organisme‘’. Sur les lieux, le vrombissement du moteur de la « turbine » (machine qui sert à arracher les dents) avec une vitesse moyenne de 2 000 tours/mn, fait froid dans le dos et attire votre attention. Une quarantaine de patients attendent d’être consultés.

‘’Les maladies bucco-dentaires constituent un véritable problème de santé publique’’, informe le docteur Thiam en guise de préambule. Après avoir fini une extraction sur une dame à la quarantaine sonnée, il nous reçoit dans son bureau embaumé par l’odeur caractéristique de l’éther. À côté de lui, un arsenal de matériels est mis en évidence sur un plat. Ce matériel est jalousement gardé par l’assistante qui lui obéit au doigt et à l’œil.

Il tente de définir les maladies bucco-dentaires.  ‘’On entend par santé bucco-dentaire la santé de la cavité buccale, y compris la dentition et les tissus qui la soutiennent. Elle est caractérisée par l’absence de toute maladie et le fonctionnement optimal de la bouche et de ses tissus, qui font la grande fierté de celui qui en jouit’’, explique-t-il. Avant d’ajouter : ’’Les affections bucco-dentaires touchent tous les êtres humains, quels que soient leur milieu, leur pays, leur race’’.

Bien que bon nombre de ces affections ne soient pas nécessairement mortelles, elles constituent néanmoins un grave problème de santé publique en raison de leur prévalence élevée, leur poids sur l’individu en termes de douleur, gêne, effet sur la qualité de la vie et l’incidence financière très importante, à en croire  le Dr Thiam.

Rencontrée sur les lieux,  Mbène Diop, habillée en tissu « djezner », berce son enfant qui n’a pas la possibilité de dormir tranquillement. Elle compare ‘’l’atrocité de l’extraction d’une dent à l’accouchement’’. ‘’Tu exagères‘’, réplique une autre femme assise à côté d’elle.

Lui emboîtant le pas, Marie Faye, issue d’une famille démunie et sans soutien, avoue avoir raté sciemment son rendez-vous de la semaine passée à cause de la douleur. Mais aujourd’hui,  elle dit avoir  pris son courage à deux mains malgré ‘’l’atrocité de l’extraction.’’ Pour ne rien arranger, elle se lamente contre  la cherté des médicaments prescrits par les blouses blanches.

Des propos battus en brèche par le chirurgien dentiste Thiam qui affirme qu’‘’avec la couverture maladie universelle, les malades se soignent d’abord avant de payer. Certains patients ne reviennent même plus’’.

Une fille de 14 ans souffrant d’une carie dentaire meurt sur les lieux

Ces infections peuvent donner lieu à des complications. À cet effet, un triste souvenir hante le spécialiste. Il y a de cela quelques années, une fille de 14 ans a perdu la vie. Elle souffrait  d’une carie dentaire. Dr Djibril Thiam se souvient du cas avec beaucoup de regrets. ‘’ Quand on l’avait consultée, nous avions diagnostiqué une cellulite. Nous lui avions prescrit une ordonnance. Au lieu de l’acheter, ses parents l’ont amenée chez un guérisseur. Au bout d’une semaine, l’enfant  a succombé’’.

Selon des sources sanitaires, les femmes souffrent plus des maladies bucco-dentaires  que les hommes au niveau du district sanitaire de Dahra. Et certaines parcourent plus de 90 km pour rencontrer le seul chirurgien dentiste du district sanitaire.

Avec la pléthore de patients qu’il reçoit quotidiennement, le médecin exige des autorités médicales l’élargissement du service, la réparation du fauteuil en panne et l’affectation d’un technicien pour amoindrir la longue attente qui dure parfois 8 tours d’horloge.

‘’Notre santé bucco-dentaire a un rôle important à jouer dans notre état de santé générale. Des recherches approfondies montrent le lien entre une mauvaise santé bucco-dentaire et d’autres affections systémiques telles que le diabète chez les personnes de tous âges, les maladies respiratoires surtout chez les personnes âgées, les cardiopathies et la prématurité de l’insuffisance pondérale à la naissance’’, conclut-il.

Mamadou Ndiaye (Linguère)