Publié le 3 Jan 2022 - 15:08
CHRONIQUE PAR PHILIPPE D’ALMEIDA

La paix plus qu'un impératif

 

En rejetant l'offre de signature de la charte de non-violence proposée par le Cadre unitaire de l’islam au Sénégal (Cudis), dans le cadre des prochaines élections locales, l'opposition radicale, réunie dans la  coalition Yewwi Askan Wi, se réserve, ipso facto, le droit d'user de cette violence, si elle advenait à estimer que les consultations ne se déroulent pas selon ses règles, en clair, dans le style et dans la forme qui lui assureraient la victoire.

Aussi, alimente-t-elle le postulat de l'impopularité de la majorité et de son illégitimité. Mais cela ne suffit pas : il lui faut nourrir une rhétorique populiste qui accrédite l'immoralité du pouvoir, son "arrogance", son "mépris".

Ainsi, comme Ousmane Sonko et la coalition Yewwi Askan Wi, le M2D ne voit pas la pertinence du projet de charte de non-violence initié par le Cadre unitaire de l’islam au Sénégal (Cudis), en collaboration avec plusieurs organisations de la société civile, et évoque, pêle-mêle, l'absence de suite donnée par le chef de l'État  au mémorandum remis par le Mouvement pour la défense de la démocratie aux émissaires du khalife général des mourides, Serigne Mountakha Mbacké, suite aux tragiques événements de février-mars 2020, la non-ouverture d'une enquête afin d'élucider les circonstances de la mort des 13 jeunes qui ont trouvé la mort au cours de ces événements, pour ne citer que ces arguments.

Ceux-ci ne manquent pas de pertinence : toute perte de vie humaine dans de tels contextes, doit susciter une enquête afin que les responsabilités soient situées dans une conjoncture qui a généré mort et détresse. Aussi, à toute main qui se tend dans une démarche de dialogue et dans un souci de compréhension, il faut répondre. C'est le devoir de l'État. C'est l'idée qu'on se fait de la responsabilité de celui-ci.  Un Etat qui se tait est une faction.

Mais l'opposition ne saurait prendre en otage la sécurité des Sénégalais, par ces considérations : les rancœurs qu'elles cèlent, les conflictualités qu'elles essaiment, les intentions qu'elles recèlent, discréditent leur légitimité et les transforment en menaces. De plus, la paix n'a pas de prix ; la violence qui la précarise ne peut être une arme de conviction politique. Et ce postulat devrait être le premier principe commun. Le dogme le mieux partagé.

Cela est si vrai que la réaction de tous les autres acteurs de la politique sénégalaise a été spontanée, quasi-pavlovienne : la démarche de Jammi Rewmi, qui s'inscrit dans un souci de pacification de l'espace public en cette période tourmentée de campagne électorale et de menaces de violence à peine voilée, a été favorablement accueillie par le PDS, la maire de Dakar, les socialistes, le président de la République lui-même, pour ne citer que ceux-là. Le Sénégal républicain a tout naturellement adhéré à cette vision de la force que constitue le vivre ensemble ; des devoirs qu'il impose à chacun, des avantages qu'il induit pour tous et de la grandeur qu'il confère à la nation.

Macky Sall ne s'y est pas donc trompé qui  s'est aussitôt ‘’engagé à l'appuyer pour qu'elle se traduise par un code de conduite ou une charte partagée par tous les acteurs’’.  Aussi, dans son message à la Nation, vendredi 31 décembre, a-t-il appelé à la "non-violence". Message parfaitement bien reçu par le président du Parlement qui, pour en souligner le bon sens et le mettre en exergue, a fort pertinemment rappelé la "compatibilité parfaite entre la volonté d’assurer le commun vouloir de vivre ensemble et le respect du principe de la diversité qui est source d’enrichissement."

Enrichissement dont, apparemment, l'opposition s'échine à atténuer la vertu. Comme si la paix, à l'instar des us et coutumes du monde syndical, était inscriptible sur une liste de moyens de pression. "Notre victoire ou la violence !", semble-t-elle lancer à l'adresse du peuple, comme au temps jadis, les marginaux qui, dans l'obscurité des bourgs et des faubourgs, menaçaient : "Ta vie ou ta bourse !"

Il faut sortir d'une logique qui hypothèque la paix. Celle-ci n'est pas une option. Elle est un impératif. De survie en tant que peuple. De raison en tant que peuple...

 

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