Publié le 21 Apr 2015 - 00:04
COMMERCE DE FRUITS A POUT

La Clémentine fait bouillir la marmite des ménages 

 

Pout. Une paisible commune dans le département de Thiès, à quelque 54 km à l’Est de la capitale, Dakar. Une localité qui se distingue à travers son dynamisme dans la production et le commerce de produits agricoles. Particulièrement, en ce qui concerne les fruits et légumes. Un  secteur rentable pour les braves femmes poutoises qui s’investissent dans ce créneau porteur. Visite dans ce lieu de prédilection des voyageurs et autres routiers.

 

A quelque 13 km de Thiès, tout près de l’usine de fabrique de batteries Sigelec, on aperçoit une rangée d’étals sur lesquels sont exposés, à travers des caisses superposées, toutes sortes de fruits. On est bien dans la commune de Pout qui abrite le centre commercial le plus riche de la zone centre. Localité où le commerce reste la principale activité. Particulièrement, la vente de fruits et légumes occupe plusieurs centaines de jeunes et de femmes de ladite localité.

Au marché de la gare routière, sur la route nationale n°2, le soleil est déjà haut dans le ciel. Marème Faye, vêtue d’une taille basse juste sur le corps qui moule son torse robuste et d’un pagne noué sur le côté droit, se dirige d’un pas pressé vers son étal.  ‘’Ici, celui qui est le plus rapide écoule mieux sa marchandise’’, confie-t-elle. Tout près d’elle, une de ses camarades, Nar Mbaye, une femme courte sur pattes, chauve, bourre ses sachets en plastique de mandarines « Clémentine » achetées non loin, à Diamnadio. Le front plissé de rides, notre vaillante dame a la mine d’une femme fatiguée. Elle confie, le sourire aux lèvres : ‘’Je ne me rappelle pas exactement la date où j’ai commencé à m’intéresser à ce petit commerce de fruits. Je me souviens juste que je suis née et j’ai vu les gens se livrer à ce commerce, et je me suis embarquée.’’

Ça marche plus les week-ends

Nar Mbaye indique que le commerce de fruits, particulièrement la Clémentine, marche plus pendant les week-ends et lors des événements religieux et nationales. ‘’Chaque jour que Dieu fait, j’arrive sur les lieux de travail avant 10 h pour ne rentrer qu’au-delà de 21h. Je suis aidée dans le travail par ma fille cadette, et parfois, surtout les week-ends et les fins de mois ou autres événements (religieux, nationaux), ensemble, nous vendons plus de 5000 F CFA. Toutefois, il arrive des fois qu’on rentre avec de modiques recettes : 1000 ou 2000 F CFA. Je rends grâce à Dieu, parce que cela me permet de régler certaines dépenses quotidiennes’’.

En cette fin de campagne commerciale de la clémentine, Nar dit acheter la caisse à 12 000 CFA, ‘’parce que ça manque petit à petit’’, dit-elle. ‘’La campagne démarre juste après l’hivernage. Il n’y a pas de clémentine pendant la saison des pluies’’, ajoute brusquement Ndiémé Sène. La lumière du jour est cruelle pour cette grande dame sèche comme un tronc d’arbre. Ce sérère bon teint de faire remarquer pouvoir écouler facilement une caisse acquise à 12000 F. Et de poursuivre : « Il m’arrive de rentrer souvent avec 10 000
F, parfois avec 3 000 F, mais rarement bredouille ». Yacine Ndiaye, une autre vendeuse de renommée, soutient : « Depuis 3 ans, la vente de Clémentine est au ralenti à Pout. Je ne vends pas par jour plus de 2500 F, alors qu’auparavant, je pouvais facilement m’en sortir avec plus de 5000 F/jour.

Maigres bénéfices

Confortablement assise sur une chaise, dans l’entente d’un client, Yacine Ndiaye est visiblement débordée, depuis le rappel à Dieu de son mari. Aujourd’hui, elle se sent seule avec ses enfants et s’est résignée à assumer la nouvelle responsabilité de chef de famille. En 11 ans, elle a eu le temps de mesurer et d’apprécier, à sa juste valeur, le poids de telles responsabilités. ‘’Aujourd’hui, je suis méconnaissable. Le dur labeur dans ce commerce m’a usée’’, lâche-t-elle. Le dos vouté, notre pauvre commerçante, lorsqu’elle marche, ressemble à une vieille femme. L’agréable exaltation, comme l’euphorie qui l’avait envahie dès le début, n’est maintenant qu’un lointain souvenir. ‘’Je ne pouvais pas imaginer rentrer un jour sans un sou et regarder en face les enfants. Je devais continuer de me battre et de jouer mon rôle de mère. Je devais tenir bon. Dieu merci, ils ne leur manque de rien malgré mes maigres bénéfices’’. Pour cette habitante de Pout Mbayène, « la vente de clémentine se porte à merveille, malgré quelques petites difficultés ».

Un produit périssable

Les difficultés sont liées surtout au pourrissement du fruit. ‘’La Clémentine pourrit vite. Elle ne peut rester plus de quatre jours dans un sachet en plastique. En période de chaleur surtout’’. Raison pour laquelle Nar Mbaye dit acheter une seule caisse par jour. ‘’Si j’en achète beaucoup, la marchandise risque de pourrir sans être vendue’’. Marième Faye soutient elle que cela leur cause beaucoup de problèmes. ‘’Nous avons un bénéfice de 3000 F par caisse. Si donc une partie de la caisse pourrit, nous courons des pertes énormes. Et cela, malheureusement, arrive très souvent’’, dit-t-elle. Ainsi, les femmes de Pout insistent-elles sur la  nécessité d’installer des chambres froides. Elles souhaitent l’électrification de leur lieu de commerce.

Sécurité mais pas d’électricité

A en croire ces braves dames, leur lieu de travail ne souffre d’aucun problème de sécurité. La brigade de la gendarmerie demeure tout près du marché. Toutefois, ces dernières ne manquent pas de déplorer le manque d’électricité. ‘’Avec le poste de gendarmerie à côté, il n’y a presque plus de voleurs. A cela s’ajoute la construction de dos d’ânes pour le renforcement de la sécurité routière. Avant, il y avait beaucoup d’accidents mortels, à cause de la course-poursuite entre les marchands et les voitures, mais depuis l’installation des ralentisseurs, nous ne connaissons plus beaucoup d’accidents. Aujourd’hui, seulement l’électricité nous manque’’, insiste Marième Faye. Et soudain, notre interlocutrice d’interrompre la conversation pour aller s’occuper d’un client plein aux as, à bord d’une rutilante 4x4 qui vient juste de se pointer tout près de l’unique poteau d’électricité qui alimente le marché.

Sur tout un autre registre, Diémé Sène demande la finition de la construction des cantines en zinc entamée par la mairie. ‘’En période d’hivernage, nous souffrons beaucoup du fait des intempéries. Nous sommes tout le temps trempées et les fruits pourrissent. C’est un projet qui est resté inachevé, délaissé à tort, aussitôt après les élections’’, lance-t-elle à l’attention de la mairie dirigée par Moustapha Sarr.

Après la Clémentine, la mangue s’installe. Pour simplement dire que les commerçantes  de Pout, particulièrement celles des villages de Mbissao, Gap, Palale, Lelo, Sagnafil, Khodoba, Laine, Khinine ne chôment guère.

NDEYE FATOU NIANG (THIES)

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