Publié le 8 Dec 2019 - 00:36
CONTINUITE DU SERVICE PUBLIC DE L’EAU

Macky réquisitionne le personnel de la Sde

 

Macky Sall a décidé de réquisitionner l’ensemble du personnel de la Sénégalaise des eaux (Sde) pour assurer la continuité du service public de l’eau potable dans le périmètre affermé confié à la Sde, pour tout le mois de décembre. Le chef de l’Etat l’a acté à travers un décret publié hier.

 

Les perturbations notées dans la distribution de l’eau, suite au mouvement d’humeur enclenché par les travailleurs de la Sde, incommodent le président de la République. Macky Sall, après les menaces récemment formulées par le ministre de tutelle, a utilisé, hier, les gros moyens. Il a décidé tout simplement de réquisitionner l’ensemble des travailleurs de la Sde jusqu’à l’épuisement du contrat d’affermage toujours en vigueur de la Sénégalaise des eaux.

‘’Sur proposition du ministre de l’Eau et de l’Assainissement (…) est réquisitionné, à compter du 6 décembre 2019 à 20 h, jusqu’au 31 décembre 2019, l’ensemble du personnel de la Sénégalaise des eaux (Sde) pour assurer la continuité du service public de l’eau potable dans le périmètre affermé confiné à la Sde’’, écrit le chef de l’Etat dans un communiqué lapidaire transmis hier à ‘’EnQuête’’.

Les travailleurs de la Sde ont entamé une grève, depuis le 2 décembre dernier, pour exiger 15 % des parts du capital de la nouvelle société Suez. Ils ont, à cet effet, provoqué des perturbations dans la distribution de l’eau dans la capitale sénégalaise, avec des pénuries dans beaucoup de quartiers. Pourtant, relève l’autorité étatique, dans un communiqué du ministère de tutelle, le gouvernement a été très ouvert jusqu’ici.

‘’Dans le cadre de la mise en place de la société qui sera chargée, à compter du 1er janvier 2020, de la gestion du service public de la production et de la distribution d’eau potable en zone urbaine et périurbaine, et à la suite d’une demande des travailleurs du secteur de l’eau et de l’assainissement, le gouvernement a décidé de porter la part des travailleurs dans le capital de 5 à 10 %, tout en précisant, dans un souci d’équité, pour tenir compte de l’unicité du secteur’’, écrit la porte-parole du gouvernement Ndèye Tické Ndiaye Diop, dans une autre déclaration rendue publique hier.

Ces 10 %, précise la note, sont répartis entre tous les travailleurs de l’hydraulique urbaine et périurbaine. C’est-à-dire, outre ceux de la Sde qui détiennent 7 %, ceux de l’Office national de l’assainissement du Sénégal (Onas) et ceux de la Société nationale des eaux du Sénégal (Sones) qui se partagent 3 %.

Cependant, cette proposition a été ‘’rejetée’’, selon la porte-parole du gouvernement, par les travailleurs de la Sde. Ces derniers exigent que ‘’l’intégralité des 10 %’’ leur soit réservée, au détriment des deux autres composantes.

C’est ainsi qu’ils ont entamé un mouvement de grève qui dure depuis le 2 décembre 2019 avec, selon le gouvernement, des ‘’actes de sabotage inacceptables’’. ‘’Malgré le caractère illégal et illégitime de la grève, parce que des travailleurs ne peuvent déclencher une grève pour exiger une participation au capital d’une société privée, le gouvernement a tenu à poursuivre les négociations jusqu’au dernier moment. C’est ainsi que le ministre de l’eau et de l’assainissement a encore reçu les représentants des travailleurs de la Sde, le vendredi 6 décembre 2019, à compter de 15 h 45. Ces consultations se sont poursuivies jusqu’à 19 h 20, sans qu’aucune avancée ne soit notée’’, indique le communiqué.

La même source explique que la décision du président de la République, actée par le décret n°2019-2067 qui réquisitionne le personnel de la Sde, se justifie par l’application des dispositions de la Constitution et de l’article L.276. Qui précise que ‘’l’autorité compétente peut, à tout moment, procéder à la réquisition des travailleurs du secteur privé qui occupent des postes indispensables à la sécurité des populations et des biens, au maintien de l’ordre public, à la continuité des services publics et à la satisfaction des besoins essentiels de la nation’’.  

Etant conscient de la vitalité de l’eau et de son rôle dans le bien-être et la santé des populations, l’Etat admet qu’elle est un droit humain fondamental. ‘’Le gouvernement appelle donc, encore une fois, les représentants syndicaux de la Sde au sens des responsabilités, afin qu’il soit mis fin à cette grève et se doit de rappeler que tout manquement à cette réquisition sera puni conformément à la loi’’, prévient le gouvernement. 

DETENTEURS DES PARTS DU CAPITAL RESERVE AU SECTEUR PRIVE NATIONAL

L’Udc veut la publication des règles qui présideront à la sélection

L’Union des cadres de la Sénégalaise des eaux recommande à l’Etat, ‘’par souci de transparence et en vertu des principes de bonne gouvernance’’, d’édicter et de publier les règles qui présideront à la sélection des détenteurs des parts du capital réservées au secteur privé national.

L’Union des cadres de la Sénégalaise des eaux (Udc) regrette que les négociations entre les différentes parties n’aient pas pu aboutir, suite au mot d’ordre de grève lancé par l’Intersyndicale des travailleurs de la Sde, dont elle s’associe aux revendications portant sur l’augmentation de la part du personnel dans le capital de la future société d’exploitation.

Dans une déclaration rendue publique hier, elle rappelle que le processus de la réforme et les négociations avec les partenaires sociaux ont été lancés depuis 3 ans. Elle est d’avis que ‘’l’argument selon lequel l’actionnariat du personnel n’est pas un droit, est totalement réducteur et rétrograde’’. Cela témoigne d’’’un manque manifeste d’ambition des personnes qui le défendent, alors que la vision politique de renforcement de la participation du personnel était déjà un acquis depuis la réforme de première génération intervenue 20 ans plus tôt’’. Cette mesure, selon l’Udc, traduisait la reconnaissance, par l’Etat, du mérite de cette composante majeure du système qui constitue, avec les consommateurs, les parties intéressées les plus constantes et les seules dont les intérêts vitaux sont totalement engagés. Dans le même registre, l’Udc recommande à l’Etat, par souci de transparence et en vertu des principes de bonne gouvernance, d’édicter et de publier les règles qui présideront à la sélection des détenteurs des parts de capital réservées au secteur privé national. Elle souligne que ce point demeure encore l’une des grandes inconnues du processus de recapitalisation et contribue, malheureusement, à alimenter les suspicions et autres supputations.

D’une manière générale l’Udc, note pour le regretter, que l’absence d’une démarche à caractère inclusif est l’une des plus grandes faiblesses de la présente réforme.  ‘’Contrairement au processus de la première réforme intervenue en 1996, les travailleurs des sociétés d’eau ont été royalement ignorés lors de la seconde reforme’’. Cette dernière, à en croire les travailleurs de la Sde, n’a pas été évaluée en relation avec toutes les parties prenantes, de manière à bénéficier du retour d’expérience de celle dite de première génération. Par conséquent, ils invitent les différentes parties et plus particulièrement l’Etat du Sénégal, à corriger ce manquement en conduisant, dans l’immédiat, des négociations ouvertes et transparentes avec les partenaires sociaux qui, rappellent-ils, en sont seulement à leur première grève, 23 ans après la privatisation du secteur.

Ce qui témoigne, à leurs yeux, d’un sens élevé des responsabilités et d’un souci constant de se mettre au service des populations. Néanmoins, l’Udc souhaite un dénouement heureux de cette crise dont les populations sont malheureusement les victimes innocentes.

‘’Sones et Onas indexés’’

Dans la note, les travailleurs de la Sde s’insurgent contre les ‘’sorties virulentes’’ et les ‘’coïncidences troublantes’’ de représentants d’organisations syndicales de la Sones et de l’Onas, donnant l’impression d’une mission commanditée dont le seul but semble être de jeter le discrédit sur eux’’. L’Udc se dit ‘’surprise par cette aversion’’ affichée par ces organisations avec qui elle partage le secteur depuis plusieurs décennies et qui n’a finalement eu que le mérite d’accentuer la confusion au sein de l’opinion publique et de raviver la tension dans un contexte déjà assez chargé.

‘’Malgré les nombreuses confusions et maladresses relevées dans ces exercices inopportuns de communication, l’Udc s’impose le devoir d’éviter toute polémique futile et fratricide ne présentant aucun intérêt pour les populations’’.

L’Udc reste aussi convaincue que l’équilibre et la durabilité de ce secteur tiennent avant tout à la cohésion et à la synergie qui existent entre les différentes entités qui le composent. Elle invite, par conséquent, les organisations syndicales ainsi que tous les acteurs à recentrer le débat et les réflexions sur les véritables agressions de nature à altérer les défis du secteur dont certains ont été relevés dans le dernier rapport annuel 2017 de l’Armp. 

Ces défis ont pour noms : les besoins d’anticipation et de réalisation à temps des programmes d’investissement, en vue de régler de manière durable le problème latent des pénuries d’eau à Dakar et dans les autres grandes villes au Sénégal. Ainsi que la préservation des ressources en eau qui font face à de nombreuses agressions de nature à altérer irrémédiablement leur quantité et leur qualité. Le maintien de la baisse du prix de l’eau au profit des ménages suivant les prévisions du modèle financier dans un contexte d’augmentation du prix de l’électricité, l’accès à un service d’assainissement de qualité et la lutte contre les inondations, pour offrir aux citoyens un cadre de vie sain et sécurisé. Enfin, la réussite de la réforme hydraulique en cours dans le monde rural et le besoin de régulation d’un secteur devenu complexe, du fait d’une pluralité d’acteurs, avec des risques de conflit potentiellement élevés. 

AIDA DIENE

MARIAMA DIEME

 

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