Publié le 8 Feb 2020 - 22:07
CRISE DE LA PECHE A SAINT-LOUIS

330 millions de F CFA au cœur du problème

 

Après les incidents de Guet-Ndar qui ont causé des dégâts matériels dans la ville et le placement des personnes interpellées sous mandat de dépôt, le ministre des Pêches et de l’Economie maritime, Alioune Ndoye, s’est rendu à Saint-Louis, où il a rencontré les acteurs du secteur de la pêche, à la gouvernance. On apprend qu’une histoire d’amendes est au cœur de la crise.

 

La réunion de travail, hier, entre la tutelle et les acteurs de la pêche de Saint-Louis, a été une occasion de crever l’abcès. Le ministre des Pêches et de l’Economie maritime, Alioune Ndoye, en présence du maire Mansour Faye, des autorités administratives et coutumières, autres invités, a eu droit à l’exposé de trois responsables des pêcheurs. Ils ont eu le loisir de dire leurs vérités.

A la sortie de la réunion, le ministre des Pêches et de l’Economie maritime a opté pour un discours de fermeté. A ses yeux, ce qui s’est passé à Saint-Louis est intolérable et inacceptable. ‘’Il ne peut être encouragé, ni permettre sa répétition. Je dis que l’Etat reste ce qu’il est et il garantit la sécurité des citoyens’’, a-t-il martelé. Avant de battre en brèche le déficit de communication reproché à l’Etat du Sénégal, dans ce dossier épineux de la pêche à Guet-Ndar.

‘’Tout ce que l’Etat fait dans le secteur de la pêche est une démarche participative qui inclut ces acteurs, du début à la fin. Il n’y a rien que nous avions arrêté ou signé, sans qu’ils ne soient au courant’’, a soutenu le ministre Alioune Ndoye.

Abordant le problème des licences, véritable cause avancée de la crise, il a parlé d’une fausse information. ‘’Dans la mesure où les licences sont disponibles depuis le mois de décembre. Il y a un accord avec la Mauritanie et il était question d’annuler le paiement du 3e trimestre qui était dû par les acteurs et annuler 75 % des amendes également listées, depuis la réunion du 8 mai 2019 tenue ici à Saint-Louis. Tout cela est connu de tous les acteurs’’, a expliqué Alioune Ndoye.

Le ministre des Pêches de souligner que concernant les espèces interdites de pêche, aucune n’a été retirée de la liste, contrairement à l’entendement des pêcheurs. De ce fait, il y a eu 178 cas d’amende. ‘’Il se trouve que la commission était à Saint-Louis, avec les autorités mauritaniennes, pour délivrer les 400 licences, avec comme condition le paiement de ces amendes qui n’ont pas été effacées’’, dit-il.

Ainsi, poursuit la tutelle, une fois que cela a été notifié aux autorités du Sénégal, avec un montant qui avoisine les 330 millions, le ministère des Pêches a pris la responsabilité de continuer à négocier avec la Mauritanie, car ‘’la somme était très importante’’, dit-il. Et que ‘’les acteurs ont reconnu cette dette’’.

Ces amendes concernent 47 % des 400 licences ayant fait l’objet de l’accord entre le Sénégal et la Mauritanie. D’ailleurs, les échauffourées de cette semaine ont démarré lorsque trois pirogues dont les licences ont été suspendues - du fait de ces amendes - sont rentrées bredouille, pour avoir été chassées des eaux mauritaniennes. Ivres de colère, les pêcheurs s’en étaient pris à tout ce qui bouge.

Des amendes d’un montant de 668 millions effacées par le président mauritanien

Ainsi, la rencontre d’hier avait pour but de repartir du bon pied. ‘’Les licences sont ici, mais pour des problèmes de sécurité, on a préféré les garder’’, a déclaré le ministre des Pêches et de l’Economie maritime. Alioune Ndoye révèle que, grâce au chef de l’Etat Macky Sall, son homologue mauritanien a instruit ses services compétents d’annuler les amendes restantes. Une décision inespérée, aux yeux de la tutelle. Le ministre Alioune Ndoye annonce que c’est la somme de 668 millions de francs CFA d’amendes qui vient d’être effacée.

Maintenant que c’est fait, il avertit : ‘’Tant que je serai à la tête de ce département, je ne retournerai plus en Mauritanie pour négocier des amendes, car il faut que nos acteurs respectent le contenu des accords signés.’’

Le ministre n’a pu s’empêcher de tancer les manifestants. Car, dit-il, ‘’il est avéré que ces mouvements ont d’autres motifs qui n’ont rien à voir avec le problème de licences, car les acteurs savaient qu’elles étaient à Saint-Louis, depuis le mois de mai’’.

MANIFESTATIONS DE GUET-NDAR

31 personnes placées sous mandat de dépôt pour une instruction

Arrêtées lundi dernier, lors des échauffourées entre pêcheurs de Guet-Ndar et forces de l’ordre, 31 personnes ont été déférées, ce jeudi, devant le procureur de Saint-Louis qui les a placées sous mandat de dépôt. A leur sortie des locaux du maître des poursuites, c’est l’avocat, Me Alioune Abatalib Guèye, qui a fait face à la presse.

‘’Pour ces incidents, il y a eu 31 personnes qui ont été interpellées dont 12 mineurs. Parmi eux, il y a un élève du CEM André Peytavin qui allait à l’école, des receveurs de (bus) Tata, des élèves d’école coranique’’, a-t-il fustigé. La robe noire souligne que, parmi les interpellés, il n’y a que 4 pêcheurs dont 3 mineurs qui n’habitent pas Saint-Louis.

Pour démontrer que les forces de l’ordre ont appréhendé des personnes qui, a priori, n’avaient rien à voir avec la manifestation, il ajoute : ‘’C’est pourquoi Guet-Ndar ne s’est pas déplacé au tribunal. Ces pêcheurs sont d’autres régions venus à Saint-Louis pour travailler.’’ Maitre Guèye de dire qu’on a ramassé des gens qui n’ont rien à voir avec les incidents. ‘’On s’est trompé de cible’’, martèle l’avocat. Qui fait remarquer que le parquet a visé une infraction criminelle.

De ce fait, ‘’le dossier a atterri à l’instruction, alors qu’il devrait être à la correctionnelle, c’est-à-dire en flagrants délits’’. ‘’On a dit qu’il y a une maison brûlée, ce qui est archi-faux. Aucune concession n’a pris feu’’, rectifie le conseil.

A signaler que le colonel Abdourahim Kébé a été interpellé à Guet-Ndar, alors qu’il essayait de rencontrer les jeunes pêcheurs, avant d’être libéré dans la soirée.

Fara Sylla (SAINT-LOUIS)

 

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