Publié le 15 Apr 2020 - 23:08
DJIBRIL WADE - PREMIER VICE-PRESIDENT DE LA LSFP

‘’Si on ne fait pas attention, la Ligue Pro va être enterrée après le coronavirus’’ 

 

Le premier vice-président de la Ligue sénégalaise de football professionnel, Djibril Wade, approuve l’annulation des Coupes du Sénégal et de la Ligue de la saison 2019-2020 par la Fédération sénégalaise de football.  Le président de Niary Tally - Grand-Dakar - Biscuiterie (NGB) est allé plus loin, en considérant la pandémie de la Covid-19 comme un autre coup de massue sur une Ligue Pro moribonde. Il invite les fédéraux et la tutelle - le ministère des Sports - à réagir avant que le pire ne se produise.

 

La Fédération sénégalaise de football (FSF) a annulé, jeudi dernier, deux compétitions nationales : la Coupe du Sénégal et la Coupe de la Ligue de la saison 201-2020 pour cause de coronavirus. Quelle analyse faites-vous de cette décision ?

C’est une mesure logique, dans la mesure où le monde entier vit une situation vraiment incertaine. Et cela a eu des impacts négatifs sur toutes les activités sportives. Donc, le football local sénégalais ne peut pas continuer convenablement. Une analyse objective de l’évolution de la maladie au Sénégal me permet de dire qu’on ne peut pas jouer, d’ici trois mois. Les statistiques du ministère de la Santé font état de plus de 100 personnes sous traitement et il s’y ajoute que la pandémie augmente quotidiennement. Cela signifie qu’il nous reste encore du chemin, pour enrayer la Covid-19. Et l’Etat ne va pas autoriser les rassemblements, tant qu’on n’a pas enrayé le virus et rester des semaines sans enregistrer le moindre cas sur toute l’étendue du territoire national. C’est à partir de ce moment-là seulement que des manifestations publiques comme les matches de championnat seront autorisées.

A vous entendre parler, on va vers une annulation du championnat…  

(Il coupe) Je ne dis pas que le championnat national sera annulé. Je veux juste faire comprendre aux dirigeants et aux joueurs qu’il sera très compliqué de continuer les activités sportives. Cela ne veut pas dire qu’il sera arrêté définitivement. Ce qui est important, c’est que la bonne décision sera prise par la fédération et la Ligue sénégalaise de football professionnel, en fonction de l’évolution de la situation. Mais je le réitère. Ma conviction est que je ne crois pas qu’on puisse endiguer cette pandémie dans un délai court. Et même si le virus est enrayé, nous allons observer une autre pause d’un mois au minimum, pour éviter de nouvelles contaminations.  

Comment Niary Tally vit la pause imposée par la Covid-19, un mois après ?

NGB est en difficulté depuis 5 ans. Je précise que beaucoup de clubs de la Ligue 1 et de la Ligue 2 vivent la même situation. Les difficultés sont énormes, en ce moment. Concernant Niary Tally, nous avons toujours relevé les défis, en trouvant des raccourcis pour jouer le championnat et les trophées nationaux : Coupe du Sénégal et Coupe de la Ligue. Donc, le club a tenu le coup, mais ça ne pouvait pas continuer dans la durée, en raison de la configuration actuelle du championnat. Le fonctionnement de notre football local ne nous permettait pas d’espérer des lendemains meilleurs. Nous, présidents de clubs, nous avons toujours investi et payé les salaires des joueurs, mais l’argent généré par notre football est mal réparti. Le constat, aujourd’hui, est que c’est l’équipe nationale uniquement qui avance. Le foot local recule, d’année en année. Nous avons toujours alerté, mais les dirigeants n’ont jamais pris les mesures idoines. La fédération, pour sa part, n’a pas bien réparti l’argent issu de la qualification du Sénégal à la Coupe du monde Russie-2018. Cette faiblesse a asphyxié plusieurs équipes. Niary Tally paie actuellement les salaires de ses joueurs, mais ce n’est pas le cas pour d’autres équipes. Ces dernières sont actuellement bloquées, à cause de cette pause imposée par la Covid-19.

Ce que je peux dire, c’est que la crise sanitaire liée au coronavirus décourage les présidents de clubs.  Mais en ce qui me concerne, je continue le travail au plan infrastructurel. Ma priorité est l’acquisition d’un complexe sportif, dans les prochaines années. J’ai acquis le terrain et nous sommes en train de le construire. Et après l’inauguration, le club va insister sur la formation de la petite catégorie. Cela nous permettra de bâtir un club solide, compétitif et autonome.

Et qu’en est-il de la Ligue Pro dont vous êtes le premier vice-président ? 

C’est extrêmement difficile. La Ligue était quasiment à terre avant la Covid-19. Vous avez constaté qu’on a démarré la saison 2019-2020 tard. Nous avons attendu une perfusion de la fédération pour débuter la Ligue 1 et la Ligue 2. La Ligue Pro n’a pas assez de ressources financières pour mener convenablement ses trois compétitions majeures : Ligue 1, Ligue 2 et Coupe de la Ligue. A cela s’ajoute le blocage de notre contrat de sponsoring avec la télévision chinoise StartTimes. Nous avons aussi perdu à cause d’un procès en diffamation qui est pendant depuis quelques mois.  Donc, la Ligue était à terre avant la pandémie Covid-19.

Maintenant, la crise sanitaire est là, et si on ne fait pas attention, elle (la Ligue) va être enterrée après la pandémie. Ça c’est clair. Je pense que si aujourd’hui la fédération de football n’intervient pas rapidement, ça va être beaucoup plus compliqué dans l’avenir.

Comment votre club se prépare pour réussir un bon retour à la fin de la pause imposée par la Covid-19 ?  

On a mal débuté la saison. C’est pourquoi le club a terminé à la 13e place, après la phase aller. Mais rien n’est encore perdu. Le coach, Pape Thiaw (ancien international sénégalais, NDLR) est en train de rectifier. Nous profitons de la pause pour changer les manquements liés aux erreurs de casting qu’on a commises au départ.  Ça devait être facile, mais malheureusement, les joueurs ne s’entrainent plus. Ils sont confinés chez eux. Tout est à l’arrêt. Les techniciens ont donné des programmes individuels aux joueurs. Nous espérons reprendre la compétition à la fin de l’interdiction des rassemblements.

Niary Tally n’a pas gagné de trophée, depuis 2016, avec la Coupe du Sénégal. Qu’est-ce qui explique cette mauvaise passe ? 

Les résultats ne sont pas importants, pour moi. NGB a gagné pratiquement tous les trophées nationaux. Il ne nous reste que le championnat que nous avons frôlé à deux reprises, en 2010 et en 2015.  C’est déjà élogieux pour un club qui a débuté en ‘’navétanes’’ (championnat national populaire de football, NDLR). Malgré les difficultés, les dirigeants ont maintenu l’équipe dans le football professionnel, pendant une décennie. Niary Tally a le mérite de s’imposer face à des clubs traditionnels beaucoup plus anciens que lui.

Nous avons réalisé un bon palmarès avec des moyens insuffisants.  Je peux vous garantir que si nous parvenons à disposer des moyens financiers suffisants et des infrastructures adéquates, nous serons parmi les meilleurs au Sénégal. Et nous sommes sur la bonne voie, pour le moment. Mon échec ne dépend pas des résultats sur le terrain, dans la mesure où il n’est pas difficile d’investir de l’argent pour gagner. Le plus important, aujourd’hui, c’est de trouver des moyens et faire un bon boulot. C’est pourquoi j’ai privilégié la construction d’une infrastructure et ça a déteint négativement sur les résultats de l’équipe. C’est ça mon option, depuis ma réélection en 20017. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui, nous ne réalisons plus des résultats probants, comme avant.

OUMAR BAYO BA

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