Publié le 2 Sep 2019 - 23:53
EL HADJ ISSA SALL DEBARQUE DE LA COORDINATION

L’avènement des ‘‘Cheikh’’ au Pur

 

C’est le temps des restructurations. Après des dissensions latentes pré et post-électorales, le Parti de l’unité et du rassemblement (Pur), à l’image du Pds, a procédé à une reconfiguration à problèmes entre Issa Sall et la présidence du parti.

 

Il fallait bien que ça arrive un jour. Les divergences et dissensions dans le top-management du Parti de l'unité et du rassemblement (Pur) étaient si importantes et récurrentes que le remue-ménage, d’avant-hier samedi, n’a pas vraiment surpris les observateurs les plus avertis de la scène politique. Issa Sall, le secrétaire général, a été débarqué, en congrès ordinaire. A la place, c’est l’avènement des ‘‘Cheikh Ahmed Tidiane’’, qui caractérise la nouvelle équipe et laisse déjà place aux spéculations, justifiées ou non, sur la nature confrérique du parti.

Le Pur est désormais dirigé par un directoire composé d’un responsable national chargé de la stratégie et de la vie politique, en la personne de Cheikh Ahmed Tidiane Youm, d’un responsable national chargé de l’information et de la communication, incarné par Cheikh Ahmed Tidiane Sarr, et d’un responsable national chargé des relations publiques, Cheikh Ahmed Tidiane Ndiaye.

Un ‘‘congrès’’ plutôt contesté, puisque le ci-devant coordonnateur national, Pr. Issa Sall, ne reconnait pas les nouvelles nominations issues de cette restructuration et n’a pas hésité à appuyer sur l’argumentaire ‘‘religieux’’ pour justifier sa position. ‘‘Ce n’est pas un congrès. Ce sont des congressistes qui se réunissent en congrès, pas des talibés. C’est un mouvement religieux qui s’est réuni et qui a nommé ses hommes. Puisque je ne fais pas partie du mouvement, je pense que ma place n’y était pas’’, a-t-il déclaré, interrogé par nos confrères de Seneweb.

L’informaticien, qui amené le parti à une 4e place à la Présidentielle de 2019 (5 %) et placé quatre partisans à la députation de 2017 à l’Assemblée, est dépouillé de toutes prérogatives et redevient simple militant. Le poste de coordonnateur qu’il occupait a été dissout, ainsi que le Bureau politique (chargé de la vie du parti). Le Secrétariat général et le Secrétariat national passent également à la trappe.

Par contre, c’est le statu quo à la Présidence du parti, qui échappe à cette reconfiguration au sommet des instances de décision. Serigne Moustapha Sy, également guide moral du mouvement des Moustarchidines, y est maintenu, alors qu’il a brillé par son absence, avant-hier. 

Latence

Cette ‘‘sanction’’ est une suite logique des mises en garde de Serigne Moustapha Sy. Il y a moins d’un trimestre, en juin dernier, le président du Pur avait ouvertement exprimé la très grande probabilité de sanctionner le coordonnateur Issa Sall, lors d’une rencontre. Ce dernier avait alors engagé le parti dans le Dialogue national, initié par le chef de l’Etat Macky Sall, sans l’avoir consulté. ‘‘L’initiative d’Issa Sall de participer au dialogue national ne vient pas de moi. Je vous prends à témoin pour que ça ne surprenne personne à l’avenir, quand je prendrai des dispositions qu’il faut. Si je punis, il l’aura cherché. Il n’est ni le secrétaire général du parti ni le président du parti. C’est juste le coordonnateur national. Vous qui êtes militants à la base, prenez-en conscience’’, avait-il prévenu.

Dans la même conférence, le président du Pur avait même déclaré que les évènements meurtriers de Tamba (impliquant la caravane du Pur) relevaient d’un empressement et d’une impréparation du parti qui était encore ‘‘dans la nuit quand elle enveloppe tout’’, alors qu’il se croyait en plein ‘‘jour quand il éclaire’’, avait-il regretté dans un langage ésotérique empruntant des versets au Coran pour justifier son propos.

Le Pur a, en effet, été impliqué dans une bagarre mortelle survenue le 11 février 2019, lors de la campagne électorale à Tambacounda où la catastrophe a été évitée de justesse. Le cortège d’Issa Sall a été pris en embuscade par les populations à Kothiary, après que sa sécurité a été impliquée dans un affrontement fatal à un partisan de la mouvance présidentielle.

Mais les divergences entre le président Serigne Moustapha Sy et le ci-devant coordonnateur Cheikh Issa Sall datent bien avant le scrutin, pourtant. Alors que le parti avait réussi à passer l’épreuve des parrainages, dans le sillage de bons résultats aux Législatives de 2017, des doutes planent sur l’investiture du professeur qui se fera finalement le 8 décembre 2018.  Mais ce congrès, prévu une semaine plus tôt, le samedi 1er décembre, a été reporté justement, car des sms circulaient sur les téléphones portables des militants et autres disciples informant du report de la manifestation sans aucune raison apparente.

‘’EnQuête’’, qui en a parlé dans sa livraison du même jour (voir l’article ‘‘Le Pur en eaux troubles’’) avait alors recueilli le témoignage anonyme de proches du guide moral des Moustarchidines qui avançaient ouvertement leurs réticences à voir le Pr. Sall investi. Les dénégations tombent pourtant. ‘‘Issa Sall est le candidat du Pur. Il a été choisi légitimement par le Bureau politique et validé par le président Serigne Moustapha Sy’’, précisera le responsable adjoint chargé des élections, M. Djité, mettant fin à l’incident souterrain.

Un mois auparavant, l’invitation ambigüe de Serigne Moustapha Sy à son frère Serigne Habib d’être son directeur de campagne à la Présidentielle du 24 février 2019, lors du Gamou au Champ de courses, avait déjà soulevé toutes les interrogations.

Issa résiste

Quoi qu’il en soit, les décisions issues du congrès de samedi après-midi ne semblent guère décourager le principal intéressé. El Hadj Issa Sall rejette les nominations et réaffirme son appartenance à l’opposition. ‘‘Je suis dans l’opposition et mes ambitions restent intactes’’. Il a également rappelé les principes fondamentaux du parti. ‘‘Au moment où je vous parle, je suis le secrétaire général national du Pur. Le Pur est un parti politique, pas un mouvement religieux. Ce qu’ils ont fait n’engage qu’eux. Ça n’engage pas le Pur’’, a-t-il répliqué, après le réaménagement opéré.

Dans le sillage d’une interview faite avec le quotidien ‘‘Le Témoin’’ où il expliquait la quintessence démocratique, et non religieuse, du Pur, le professeur a déploré que la réunion d’avant-hier ait eu des allures d’un grand rassemblement religieux. Que le congrès soit tenu au siège du ‘’dahira’’ et non au Grand Théâtre ou à la maison du parti est, selon lui, la preuve que c’est une affaire religieuse qui n’intéresse pas le parti. 

 ‘‘Le Pur, ce n’est pas un groupe de personnes. C’est des centaines de milliers de militants à travers le monde. Si vous choisissez une centaine de personnes et vous les enfermez dans une salle, je n’ai rien à faire avec ça’’, lance-t-il. 

OUSMANE LAYE DIOP

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