Publié le 5 Dec 2019 - 05:43
EMPLOI, FORMATION PROFESSIONNELLE ET ARTISANAT

Le chômage agite l’Assemblée

 

Le taux de chômage est si inquiétant au Sénégal que les parlementaires ont sommé le ministre de l’Emploi, de la Formation professionnelle et de l’Artisanat de donner des assurances pour sa résorption.  Mais pour Dame Diop, il n’y a pas péril en la demeure.

 

La question de l’emploi est devenue un véritable casse-tête chinois. Le nombre de jeunes au chômage au Sénégal est actuellement plus élevé que celui des actifs. Cette situation, selon les députés, est accentuée par l’absence d’une bonne formation. Pourtant, le gouvernement a prévu la création de 500 000 emplois.

Que nenni, de l’avis de l’honorable Malick Guèye. Pour le parlementaire qui s’exprimait hier au cours de la session budgétaire du ministère de l’Emploi, de la Formation professionnelle et de l’Artisanat, les chiffres sont faux. ‘’Le gouvernement ne fait que de la communication et étoffe des chiffres qui n’existent pas. Les jeunes continuent à prendre les pirogues. L’Adpme ne garantit aucun projet. Il faut donner les bons chiffres et arrêter de faire dans la communication. Les jeunes ont besoin de travail’’, s’emporte M. Guèye.  

Toussaint Manga soutient, quant à lui, qu’il est temps, aujourd’hui, pour l’emploi, de passer par des concours à tous les postes dans le secteur public. Car, à son avis, la question de l’emploi est le plus grand échec du président Sall. ‘’Nous avons un ministère qui gère l’emploi et les instruments sont logés ailleurs. Dans le secteur public, personne ne veut aller à la retraite. Dans ce cas, comment les jeunes peuvent-ils trouver du travail ? Ceux qui sont dans le public, dès qu’ils atteignent l’âge de la retraite, ils cherchent un contrat à côté pour ne pas partir. Il faut que cela s’arrête.  Les retraités qui ont des contrats sont plus nombreux que ceux qui sont en âge réel de travailler’’, dénonce le député. En outre, dit-il, le secteur de l’emploi est très politisé. ‘’Il est temps d’organiser des concours à tous les postes, dans le secteur public. Dans les grandes entreprises, on ne recrute plus. On ne signe que des Cdd.  Quand vous atteignez le nombre de Cdd pour passer au Cdi, on vous remercie pour chercher d’autres. Le gouvernement doit régler le problème du privé qui joue avec l’avenir des jeunes. On ne peut pas être éternel contractuel’’, défend M. Manga. Embouchant la même trompette, l’honorable Cheikh Tidjane Gadio souligne que les jeunes ne vont plus en migration, mais en exil.  Parce que quand on ne sait pas où l’on va, ni ce que l’on fait, on quitte définitivement. ‘’Ils ont peur de revenir dans le pays pour se retrouver sans emploi. Ils préfèrent s’éloigner de leur famille pour baisser un peu le poids qui pèse sur eux. Il faut trouver une politique forte pour maintenir ces jeunes dans le pays’’.

491 000 emplois de 2012 à 2018

Défendant son budget, le ministre de l’Emploi, de la Formation professionnelle et de l’Artisanat, Dame Diop, précise qu’une gouvernance sérieuse ne peut s’acquitter des fausses statistiques. De plus, si beaucoup de jeunes sont au chômage, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de travail. Mais c’est parce qu’ils n’ont pas de qualification. ‘’Nous avons créé 491 mille emplois, de 2012 à 2018. Dans le secteur touristique, nous n’avons pas encore les compétences dont nous avons besoin. C’est pourquoi nous souhaitons offrir une formation professionnelle spécifique. Si nous voulons régler la question de l’emploi, il ne s’agit pas de l’emploi financier. Il faut un projet d’entreprenariat’’, informe le ministre Dame Diop.

A l’en croire, la Convention Etat-employeur constitue un dispositif pour améliorer l’insertion des jeunes, parce que 85 % sont employés dans les entreprises à travers cette convention.  De plus, soutient M. Diop, dans la recherche de solutions à la problématique de l’emploi, l’agriculture doit occuper une place de choix dans les offres de formation. Il a relevé l’impérieuse nécessité de réorienter les jeunes vers les métiers connexes, l’agrobusiness, mais aussi vers le numérique. Il a annoncé qu’un guichet unique sera installé dans chaque région avec un centre local emploi-information pour résoudre le problème de l’orientation, de l’emploi et de la formation. Il a aussi annoncé un programme de construction de lycées à Daara, Matam, Kaffrine, Louga, Saint-Louis et Ziguinchor, grâce à un partenariat public privé.

Pour ce qui est de la formation professionnelle, le député Cheikh Bamba Dièye propose une ‘’approche par compétence’’ et une approche ‘’par objectif’’. Il a demandé que le gouvernement revoie les curricula de formation, afin de les adapter aux nouvelles normes. ‘’Beaucoup d’enseignants de métier sont dépassés par les nouvelles normes. Les jeunes qu’ils forment sont plus informés et outillés qu’eux. Ce qui n’est pas normal.  En plus de cela, il faut renforcer le partenariat public-privé et renforcer la surveillance’’. Parce qu’’’il y a une prolifération des écoles de formation sans issue, ni performance, encore moins de qualité’’, prévient le député.

Une préoccupation que partage Abdou Aziz Diop qui propose une surveillance stricte et une rigueur dans le choix des écoles à financer. ‘’Partout, on voit des panneaux d’école pour capter les ressources de l’Etat. Il faut une surveillance stricte. Les propriétaires de ces écoles sont informés des financements qu’offre le gouvernement. C’est pourquoi ils en profitent. Il faut être très vigilant’’, avertit M. Diop.

‘’45 centres de formation prévus sur toute l’étendue du territoire’’

Sur ce point, le ministre a précisé qu’il ne va pas faire de la formation professionnelle une école de seconde chance. Mais il est important que les jeunes soient bien formés, qu’ils aient au moins un métier. C’est pour cette raison, précise le ministre, que le nombre de centres de formation a augmenté, passant de 97 à 119, avec une projection de 131 centres. Il a, en outre, ajouté que le nombre d’apprenants avoisine les 54 000, tout en indiquant que pour 2020, l’objectif est d’atteindre le seuil des 90 000. Néanmoins, il a précisé que les ressources mobilisées dans la formation sont insuffisantes, au regard du nombre important de jeunes que son département compte enrôler dans la formation professionnelle.

‘’Mon département envisage de renforcer et d’équiper les centres en construction. Grâce à des ressources additionnelles, 45 centres de dernière génération seront construits sur toute l’étendue du territoire. Ceux-ci seront construits sur plusieurs phases. Quinze parmi ces centres sortiront de terre en 2020. Nous avons le budget pour la construction. Ils sont identifiés en tenant compte de l’équité territoriale et sociale, et en fonction des critères techniques superposés et croisés’’.

Par ailleurs, il a indiqué qu’une correspondance est adressée aux écoles de formation pour ouvrir au moins une classe aux jeunes sans qualification professionnelle, avec l’accompagnement financier du 3Fpt.

S’agissant des mécaniciens déguerpis ainsi que des impactés du Ter, le ministre a rappelé que leur recasement est prévu au site faisant office de parking automobile à Diamniadio. Ce qui va permettre de désencombrer la ville de Dakar. D’ailleurs, une enveloppe de 5 milliards est prévue dans le budget 2020 afin de permettre le démarrage des travaux. Pour l’instant, les préfets de Pikine et de Rufisque ont été instruits d’aménager provisoirement un site de 20 hectares afin d’accueillir les déguerpis.

Mais cette décision n’est pas partagée par le député Mame Diarra Fam. A son avis, le département de Pikine est trop saturé pour qu’on y ajoute autre chose. ‘’On parle déjà du désengorgement de Pikine. Je veux savoir dans quelle localité, à Pikine, vous comptez mettre les déguerpis. Pikine a besoin de respirer. De Guinaw-Rail à Tally Boumag, je ne vois aucun espace où vous pouvez trouver 20 hectares pour votre site’’, rejette Mme Fam.

Le projet de budget 2020 du ministère de l’Emploi a connu une hausse de plus de 24 milliards, sans compter les ressources additionnelles de la commercialisation des produits artisanaux (Cfce). Il est arrêté à 58 804 628 279 F Cfa pour 104 252 467 576 F Cfa. Mais pour le ministre de l’Emploi, nonobstant l’augmentation significative du budget, force est de constater que le ratio est relativement faible, compte tenu du nombre important de jeunes à former.

VIVIANE DIATTA

Section: