Publié le 10 Apr 2020 - 23:53
EXPLOITATION RESSOURCES NATURELLES

L’amont pétrolier sénégalais mis entre parenthèses

 

La Covid-19 n’a décidément pas fini d’affecter l’économie mondiale. Les secteurs pétrolier et gazier n’échappent pas à ses conséquences. Le Sénégal, pour sa part, fait aujourd’hui face à un report de sa production prévue en 2022.

 

Le 31 mars dernier, le groupe de consultance Wood Mackenzie (spécialisé dans le domaine de l’énergie) prédisait une réduction des dépenses d’investissement cette année dans le secteur pétrolier africain. Plus précisément en amont (exploration et production pétrolière), en raison de l’effondrement des prix du pétrole et de la pandémie de coronavirus. Un double choc à multiples conséquences.  Toujours selon sa dernière étude, Wood Mackenzie parle de réductions similaires des coûts d’exploitation qui sont également prévues par les producteurs, dans le but de rester neutres en termes de trésorerie.

Au Sénégal, ces projections se font déjà sentir. La production pétrolière et gazière, prévue pour 2022, risque de ne pas voir le jour.

En effet, plusieurs entreprises engagées par la compagnie pétrolière British Petroleum (BP) ont fait machine arrière. ‘’Ces dernières semaines, beaucoup de questions liées au contexte coronavirus compromettent les prévisions. Le projet GTA (Grand tortue-Ahmeyim, au large de la Mauritanie et du Sénégal) devait commencer à produire du gaz en 2022, mais on se demande quel impact aura la pandémie sur ce dernier. C’est cela la problématique. D’ailleurs, plusieurs entreprises, qui sont nos contractants, donc qui exécutent des tâches pour nous, ont sorti des communiqués nous concernant. Le premier date d’il y a une semaine et explique que certaines études sismiques ont été reportées (dans le projet GTA). Un autre de Golar LNG a suivi. L’entreprise devait construire un FLNG (Floating Liquefied Natural Gas, Unité flottante de liquéfaction de gaz). Elle a fait savoir que BP lui a demandé de surseoir à la livraison du FLNG, parce que les travaux connaitront du retard. Kosmos Energy a également revu ses projets avec BP’’, confie une source exerçant au sein de la compagnie britannique.

A l’en croire, BP devrait s’exprimer très prochainement sur sa posture, vu la tournure des événements. ‘’L’entreprise est en train d’évaluer tous les impacts et va s’exprimer le moment venu’’, ajoute-t-elle.

Hier encore, la compagnie norvégienne spécialisée en prospection d’hydrocarbures, EMGS (Electromagnetic Geoservices) a annoncé que finalement, son contrat de 6 millions de dollars signé en juillet 2019 avec British Petroleum n’existe plus. Il a été résilié, à cause de crise sanitaire mondiale.

Du brut à bas prix, mais…

De plus, le producteur britannique Cairn Energy, partenaire du projet pétrolier de Sangomar, a annoncé, en fin mars, la réduction d’un cinquième de ses plans d’investissement pour 2020, suite à la récente chute brutale des prix du brut. ‘’Sur la base des initiatives déjà identifiées, Cairn s’attend à ce que les dépenses d’investissement nettes pour Sangomar en 2020 soient inférieures à 330 millions de dollars, soit une importante réduction par rapport aux 400 millions de dollars initialement prévus’’, a indiqué l’entreprise dans un communiqué. Elle souligne être en train d’évaluer actuellement avec ses partenaires des initiatives pour réduire et relancer l’investissement dans le projet de développement pétrolier de Sangomar, d’un montant de 4,2 milliards de dollars. Son exploitation devait produire environ 100 000 barils par jour.

Ainsi, plusieurs projets au Nigeria, au Sénégal ou encore en Angola seront retardés, vu l’expansion de la Covid-19. Toutefois, le Sénégal n’est pas totalement perdant dans cet état de fait, si l’on s’attarde sur la chute du prix du baril en deçà de 35 dollars. Un aspect de la situation qui devrait permettre le ‘’ravitaillement correct en hydrocarbures du pays tant souhaité par le chef de l’Etat’’. Selon Wood Mackenzie, ‘’la pandémie de coronavirus pose un problème croissant. Le secteur africain en amont est tributaire de chaînes d’approvisionnement longues et complexes dans de nombreux pays, qui fournissent des voies de transmission au virus. La production reste épargnée pour l’instant, mais plus les restrictions sur la circulation des personnes et des équipements s’accroîtront, plus il sera difficile, pour les producteurs, de la maintenir’’.

En d’autres termes, le continent est exposé à une baisse de production de pétrole avec des répercussions importantes sur les budgets des Etats qui dépendent de l’énergie. Siva Prasad, analyste en chef dans l’amont chez Rystad Energy, estime que les retards dans le calendrier de ces projets en Afrique pourraient entraîner une baisse de 200 000 barils par jour de la production en moyenne entre 2021 et 2025. L’impact pourrait être beaucoup plus important à plus long terme, avec une chute jusqu’à 1,18 million de barils par jour, entre 2026 et 2030.

A l’échelle mondiale, ce sont au total 131 milliards de dollars de projets pétroliers qui seront retardés. Le Nigeria voisin se prépare au pire, au cas où le baril chute à 30 dollars.

EMMANUELLA MARAME FAYE

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