Publié le 14 Dec 2019 - 09:23
FINANCEMENT DES FEMMES, RETRAIT DES ENFANTS DE LA RUE…

Les doléances des députés au ministre de la Femme

 

Ndèye Saly Diop Dieng était, hier, devant la représentation nationale, pour le vote du budget de son département arrêté à 21 610 119 825 F Cfa en crédits de paiement et 93 107 056 262 F Cfa en  autorisations d’engagement. La ministre la Femme, de la Famille, du Genre et de la Protection de l’enfance a été, par la même occasion, interpellée sur la question du financement des femmes et le phénomène des enfants de la rue.

 

La question du financement des femmes serait-elle politisée ? A l’Assemblée nationale, hier, des femmes de l’opposition ont déploré le manque de transparence qui entoure la question. Première à monter au créneau, Fatou Ndiaye. Selon la députée de Rewmi, les financements n’ont pas été effectifs dans son département. ‘’Les femmes de Thiès n’ont pas reçu de financements, encore moins de matériel de transformation comme les machines à moulin qui ont été distribuées de façon arbitraire, alors qu’on doit toutes être traitées de la même manière’’. Elle est appuyée, dans son réquisitoire, par la responsable du Parti démocratique sénégalais Marie Sow Ndiaye.  ‘’Je suis présidente d’un mouvement national et les jeunes filles du Pds n’ont reçu ni formation ni financements’’, déplore-t-elle.

Une déclaration qui sera vite démentie par ses collègues de la majorité et même de l’opposition. La députée de Linguère renseigne, sur ce point, que les femmes de sa localité, si elles n’ont pas perçu, ce n’est pas qu’elles ont été oubliées, mais plutôt parce que les financements reposent sur des critères bien établis, parmi lesquels les conditions sociales. ‘’En tant que membre de la majorité, je pouvais être favorisée, mais vous avez financé de manière objective. Vous avez insisté sur l’élaboration de projets concrets. Vos financements ne ciblent pas des partis, car des opposants de mon quartier en ont bénéficié. Mieux, la parlementaire Fatma Diop, membre du Pds, soutient avoir reçu des financements et du matériel de transformation. Donc ce n’est pas une question de parti‘’, déclare-t-elle.

Pour sa part, l’élue Awa Niang confie que les financements ont été distribués dans le département de Pikine sans discrimination aucune. Quoi qu’il en soit, estime Cheikh Mbacké Bara Doly, la question du financement des femmes doit être encadrée. ‘’Cet argent n’est pas utilisé à bon escient. Les femmes s’en servent le plus souvent pour payer la scolarité des enfants ou pour acheter des moutons de Tabaski à leurs maris. Elles ne pourront pas, plus tard, rembourser ces prêts’’, croit savoir le président du groupe parlementaire de l’opposition Liberté et démocratie.

Prenant la parole, la ministre de la Femme a d’abord tenu à rassurer les parlementaires sur le caractère neutre de ces financements. ‘’C’est le développement communautaire qui prend en charge cette question et fait le ciblage des projets à financer. Il maitrise le terrain mieux que nous. Il recense les projets viables. Nous ne faisons pas de distinction entre les différents partis politiques’’, soutient Ndèye Saly Diop Dieng.

Elle pense toutefois que la formation des récipiendaires de ces financements est plus qu’essentielle. Selon elle, sans une bonne formation technique des femmes, ces financements n’auront aucun apport’’. Pour Ndèye Saly Diop Dieng, son secteur tend vers une autonomisation économique des femmes et souhaite supprimer le financement classique avec des petits montants. ‘’On veut aider les femmes avec le financement des projets et l’entreprenariat. Nous voulons des femmes instruites qui créent de la richesse et des emplois’’, dira-t-elle.

Outre la question des financements, les députés se sont également intéressés aux conditions de vie des femmes du monde rural. A ce propos, Ngagne Diagne dénonce les dures conditions de travail des femmes employées par les transformateurs agricoles dans les champs.  ‘’Il faut un barème pour valoriser le travail de ces femmes, car elles perçoivent 1 000 F Cfa la journée’’, dénonce-t-il. Dans le même sillage, la parlementaire Awa Diagne souligne que des femmes vendent des charges de sable à six mille francs à des hommes qui les revendent à 40 mille. Et ces femmes, précise-t-elle, travaillent souvent sans aucun équipement.

Dans les débats, les parlementaires sont aussi revenus en détail sur la situation des enfants de la rue.  Unanimement, ils ont demandé à l’Etat d’appliquer, à cet effet, les lois en vigueur pour protéger cette couche vulnérable de la société sénégalaise. Mais selon la députée Aida Sow Diawara, tous les enfants qui errent dans les rues ne sont pas forcément des Sénégalais. A l’en croire, la plupart d’entre eux viennent de la sous-région pour fuir la pauvreté et les guerres.  

Ce phénomène, selon Mamadou Diop Decroix, n’est pas nouveau. Du temps de Senghor, rappelle-t-il, on parlait d’encombrement humain. ‘’Nous devons en parler parce que cela doit aller au-delà de votre ministère. Un avion plein d’enfants a été déversé au Sénégal et personne ne connait les raisons de ce débarquement’’, dénonce le parlementaire. Pour venir à bout de cette situation, il pense qu’il faut changer de fusil d’épaule, en mobilisant et en impliquant tous les segments de la société. Au même moment, son collègue Aissatou Sabara s’attaque à la question du travail des enfants. La parlementaire indique, à cet effet, que ‘’les filles sont aussi exploitées dans la vente d’eau et de fruits dans les artères de la capitale’’.

Au-delà de l’indignation des uns et des autres, la députée Fanta Sall pense que la question doit être abordée avec beaucoup de lucidité. D’abord, elle pense que l’Etat devrait plutôt s’atteler à porter assistance aux maitres coraniques en charge souvent de l’éducation de ces enfants de la rue. Ce qui permettra, d’après elle, de mieux gérer les talibés qui sont souvent dans une extrême pauvreté. Allant plus loin, Cheikh Bamba Dièye prône la modernisation de la pédagogie dans l’enseignement coranique, à travers des séminaires destinés aux maitres coraniques.

Dans ce sillage, Aymérou Gningue plaide pour la souplesse des sanctions infligées aux apprenants, en interdisant aux maitres coraniques de frapper les enfants. Le président du groupe parlementaire de la majorité appelle aussi à une synergie de tous les départements ministériels concernés, pour prendre à bras le corps cette problématique.

Mais la seule solution, face à cette question, demeure, selon la ministre de tutelle, le retrait des enfants de la rue. Et pour ce faire, le gouvernement est en train de se donner les moyens. ‘’Nous y travaillons. Nous avons déjà rencontré les Serigne ‘daara’ (maitres coraniques) qui les gèrent. Il faut préciser qu’ils ne sont pas uniquement issus des ‘daara’. D’autres fléaux comme la pauvreté et l’émigration doivent aussi être pris en compte’’, fait savoir Mme Dieng.

La ministre rassure, toutefois, que c’est un problème qui est réel et qui sera pris en charge dans sa globalité. Ce projet, renseigne-t-elle, se fera de manière inclusive. ‘’Il est d’abord prévu une concertation ministérielle avec l’ensemble des départements qui interviennent dans ce projet, à savoir : la Santé, la Justice, l’Education et le Développement communautaire. Nous allons faire la cartographie des ‘daara’, pour identifier ceux qui sont normés et les renforcer, et ceux qui sont là pour l’exploitation des enfants et la recherche de gain’’.  

Que veut dire le concept ‘’genre’’ ?

La notion genre dans la dénomination du ministère de la Femme, laisse perplexe certains parlementaires. Des députés, à l’image de Cheikh Mbacké Bara Doly, ont interpellé hier Ndèye Saly Diop Dieng à ce sujet. Le parlementaire de Mbacké demande à être édifié sur ce concept car, explique-t-il, si les termes ‘’’hommes et femmes’ sont assez explicites, le terme ‘genre’, dans ce département ministériel, pose problème’’.  Plus catégorique, Cheikh Bamba Dièye estime qu’il faut adapter nos lois aux traditions et cultures sénégalaises. ‘’Nous avons des craintes sur la question de l’homosexualité que l’Occident veut nous imposer. Ce sont des attaques contre la société sénégalaise. Nous devons avoir le courage de définir nos objectifs par rapport à nos familles’’, dit l’ancien maire de Saint-Louis.

La ministre de la Femme, de la Famille, du Genre et de la Protection de l’enfance trouve ces questionnements légitimes.  ‘’Depuis ma nomination, on m’interpelle là-dessus. Le genre est la planification des politiques publiques envers les hommes et les femmes de manière égalitaire. Cela peut différer d’un pays à un autre’’, explique-t-elle. Ndèye Saly Diop Dieng renseigne que ce concept vise à mettre les hommes et les femmes dans des conditions équitables pour participer, de manière égalitaire, au développement du pays.

HABIBATOU TRAORE

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