Publié le 12 Feb 2020 - 17:51
GROSSESSES EN MILIEU SCOLAIRE

1 321 cas répertoriés entre octobre 2018 et juillet 2019

 

Les grossesses et les mariages précoces en milieu scolaire prennent de l’ampleur. En témoignent les conclusions du rapport des observatoires de la vulnérabilité à la déperdition scolaire (OVDS). Le recensement des cas de grossesse dans 1 264 établissements (CEM et lycées) sur un total de 1 356, a livré des chiffres inquiétants.

 

Mille trois cent vingt-et-un (1 321) cas de grossesse d’adolescentes âgées entre 12 et 19 ont été recensés, durant la période allant du 15 octobre 2018 au 31 juillet 2019, d’après le rapport des observatoires sur les grossesses chez les adolescentes en milieu scolaire, réalisé par le Groupe d’enseignement sur l’étude de la population (GEEP) avec l’appui du FNUAP. Le recensement couvre les cas de grossesse qui ont été constatés et relevés par les responsables scolaires. Il a concerné 1 264 établissements (CEM et lycées) sur un total de 1 356, d’après le document dont ‘’EnQuête’’ détient copie. Les cas de grossesse ont été recensés dans 563 établissements. Une hausse a été constatée par rapport à 2018, où 1 222 cas de grossesse avaient été enregistrés, entre 12 et 19 ans, dans 427 établissements, soit un pourcentage de 31,48 % sur les 1 356 notés en 2019.

Cette hausse s’explique par une augmentation des cas dans les régions de Sédhiou, Ziguinchor, Matam, Louga, Kaffrine et Kédougou. Par contre, pour ce qui concerne les régions de Kolda, Kaolack, Diourbel, Thiès et Saint-Louis, une baisse a été notée. L’étude révèle que 77,97 % des cas de grossesse sont intervenus entre 12 et 18 ans. Les cas avant 15 ans sont de 25,59 %. C’est à Kédougou où l’on note le taux le plus élevé de cas de grossesse intervenus à cet âge, avec 60 %.

Dans ce rapport, on note que 73,6% dans des cas de grossesses sont survenus dans le premier cycle, c'est-à-dire entre la 6ème et la 3ème  contre 26,34% dans le second cycle.  51,55 % des cas de grossesse concernent des filles qui ne sont pas dans les liens du mariage, contre 48,45 % de filles mariées.

Mariages d’enfants, mutilations, violence…

Ces statistiques révèlent la persistance des mariages d’enfants, en particulier dans les régions de Kaffrine, Matam, Fatick et Diourbel. Par exemple, à Kaffrine, sur les 56 cas de grossesse, 45 sont issus de mariages précoces. Ces statistiques montrent la nécessité de renforcer les actions de sensibilisation, surtout à Sédhiou où près de 200 cas de grossesse ont été enregistrées. A Ziguinchor et à Kédougou, une hausse des cas de grossesse a été aussi constatée. Les grossesses qui surviennent chez les adolescentes constituent une vive préoccupation en milieu scolaire. En plus des grossesses, ces adolescentes sont confrontées aux mariages précoces, aux infections sexuellement transmissibles et à d’autres formes de violence, comme les mutilations génitales féminines.  

Interpellé sur l’ampleur du phénomène, surtout chez les filles qui sont dans le cycle moyen (6e et 3e), docteur Mamadou Khouma, Inspecteur de vie scolaire en service à l’inspection d’académie de Diourbel et Coordonnateur principal de l’étude, répond : ‘’Cette situation témoigne de la vulnérabilité des adolescentes. La plupart d’entre elles méconnaissent le fonctionnement de leur corps. L’école et les parents ne les préparent pas à gérer leur puberté. En outre, certaines filles sont victimes d’atteintes et de pressions à caractère sexuel provenant à la fois de leurs pairs et d’adultes qui profitent de leur manque de maturité et leur incapacité à négocier des rapports sexuels protégés ou de recourir à une méthode de planification pour celles qui sont mariées précocement contre leur gré.’’

L’impact du statut socioéconomique

Les grossesses précoces interpellent donc l’école et les pouvoirs publics. Car, chaque année, des centaines d’élèves en sont victimes. Le statut socioéconomique a un impact sur le comportement sexuel des adolescentes.

En effet, les jeunes femmes issues de milieux plus défavorisés sont plus exposées au mariage précoce. De plus, beaucoup de parents ont recours au mariage précoce pour éviter les grossesses hors mariage, considérées comme une honte. D’ailleurs, la maternité précoce est l’un des principaux facteurs de déperdition scolaire (GEEP UNFPA, 2015). Les facteurs à l’origine des grossesses précoces sont de plusieurs ordres, notamment économique, social, psychosociologique et sociologique. La grossesse peut constituer un handicap majeur dans certaines situations, particulièrement quand elle survient au cours de la scolarité. La grossesse en milieu scolaire constitue un frein à l’épanouissement et à l’éducation des jeunes filles.

Pourtant, au Sénégal, malgré la persistance de ce phénomène dans les écoles, depuis longtemps, il s’avère difficile de déterminer l’ampleur des grossesses en milieu scolaire, à cause de la rareté, voire l’inexistence d’études quantitatives et qualitatives sur cette question, et aussi du fait de l’absence d’une politique de collecte et de traitement des données sur ce sujet.

En réalité, ces grossesses en milieu scolaire ne sont pas prises en compte de manière spécifique dans le système d’information sanitaire et dans les différentes enquêtes démographiques et de santé (EDS). Elles ne sont pas non plus intégrées dans le système de collecte des statistiques scolaires.

Pourtant, à travers des rapports réguliers produits par la Direction de la planification et de la réforme de l'éducation (DPRE) et par les différentes autorités scolaires, des cas d’abandon et des redoublements sont très souvent reliés aux grossesses précoces, sans qu’il soit possible de déterminer leur ampleur et de mesurer leur impact réel sur les contre-performances des filles-mères au plan scolaire.

BOUCAR ALIOU DIALLO (DIOURBEL)

 

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