Publié le 23 Dec 2023 - 03:38
INTELLIGENCE ARTIFICIELLE, DÉFICIT DE CHIRURGIENS

Le grand diagnostic du Pr. Babacar Diao

En prélude aux 36es Journées annuelles de chirurgie, le chef du Département de chirurgie de la faculté de Médecine de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) a fait face à la presse, hier. L’occasion pour le professeur Babacar Diao de revenir sur les avancées et les limites de l’utilisation de l’intelligence artificielle au Sénégal, mais aussi de faire l’état des lieux sur la pratique et les ressources humaines de la chirurgie.

Les 36es Journées annuelles de chirurgie 2023 auront lieu les 20, 21 et 22 décembre 2023. En prélude à cette rencontre, le chef du Département de chirurgie de la Fac de Médecine de l’Ucad a présenté, au cours d’une conférence de presse, quelques points de la pratique de leur métier.

D’après le professeur Babacar Diao, l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) dans la pratique chirurgicale est le futur de la pratique médicale. Mais pour parler de l’IA, selon lui, il faut, d'abord, parler d’utilisation de données. ‘’Je pense que nous ne sommes pas encore au stade où nous avons un Datacenter qui nous permet de collecter nos données dans nos hôpitaux, surtout nos malades pour développer des algorithmes sur le plan de l’IA ou des applications qui pourront nous permettre de régler les problèmes de nos malades. En ophtalmologie, par exemple, il y en a qui travaillent avec les gens de l’École supérieure polytechnique. Ce serait possible dans certaines disciplines, mais dans le cadre de la pratique chirurgicale, nous avons commencé depuis quelques années des travaux de recherche sur le développement, par exemple, d’un modèle d’échographie de la taille d’un téléphone portable qui sont des appareils plus intelligents que les appareils habituels, qu’on peut déplacer, et qui vont peut-être reléguer la télémédecine au second plan, parce qu’avec ces algorithmes qui sont mis dans un téléphone portable, vous n’aurez plus besoin d’avoir une connexion internet ou un expert de l’autre côté pour vous donner des informations’’, a-t-il expliqué.

En effet, selon lui, l’appareil pourrait aider le chirurgien à régler certains problèmes, mais il faudra, au préalable, que les chirurgiens puissent travailler avec l’École supérieure polytechnique (ESP), principalement ceux qui font génie informatique, pour mettre en place ces programmes d’IA dans le cadre de la chirurgie.

D’ailleurs, a-t-il informé, ‘’nous avons commencé depuis 2017 à y travailler. Dans le Département de chirurgie, le service de neurochirurgie travaille sur un modèle de neuro-navigation que nous avons pu obtenir avec le soutien d’un hôpital de Boston. Au service d’urologie de l’hôpital militaire de Ouakam, nous travaillons sur un programme d’IA qui concerne toute la pathologie rénale et le volet chirurgical bien sûr qui concerne le cancer de la prostate. Ce sont des projets. Nous y travaillons avec d’autres experts de l’ESP, des Canadiens et des Américains. Mais vu que c’est des projets de recherche, nous ne pouvons pas aller plus loin dans ce domaine. Mais pour cette année, l'IA n'est pas à l’ordre du jour. Peut-être que dans les années à venir, quelqu’un qui travaille dans l’IA va remporter le prix Adrien Diop pour la recherche et l’innovation’’, a-t-il indiqué.

Concernant la qualité dans la prise en charge chirurgicale des malades dans toutes les régions du Sénégal, il est d’avis que la chirurgie a beaucoup évolué dans ce pays. ‘’Ce que nous avions vécu il y a de cela 23 ans, je pense que les jeunes chirurgiens ne vont plus vivre cela. Dans toutes les régions du Sénégal, il y a de grands hôpitaux. Il y a des anesthésistes-réanimateurs, plusieurs chirurgiens dans plusieurs disciplines. Alors qu’avant, vous étiez dans une région, c’est vous qui faisiez tout. Je pense que lorsque la prise en charge devient pluridisciplinaire, la qualité va avec. Je peux dire que ces 20 dernières années, la prise en charge chirurgicale des malades au Sénégal s'est beaucoup améliorée. Mais nous ne sommes pas au même niveau partout. Dakar, c’est autre chose, car vous avez tout ce que vous voulez pour l’accompagnement de la prise en charge de vos patients. Mais dans les autres régions, ce n’est pas le cas, même si les gens font des efforts. Ils ne sont pas encore au niveau de Dakar’’, a-t-il expliqué. Avant de poursuivre : ‘’Ce n’est pas parce qu’ils n’ont pas les ressources humaines qu’il faut, mais c’est parce qu’ils n’ont pas encore tous les équipements. Je pense qu’ils vont suivre. La prise en charge chirurgicale s’est beaucoup améliorée. À Kolda, on opérait dans une chambre. Dans un centre de santé, on prenait en charge tous les malades, il y a 23 ans. Aujourd’hui, ils ont un grand hôpital que j’ai eu la chance de fréquenter. C’est le cas à Ziguinchor et à Thiès. Quand vous avez plus de monde, plus de disciplines chirurgicales, la pratique s’améliore. Je pense que nous avons la chance de vivre ces moments où la prise en charge des malades était difficile, mais tel n’est plus le cas au Sénégal. Certes, Dakar est loin devant les autres régions, mais la prise en charge chirurgicale s’est beaucoup améliorée’’.

‘’Si vous êtes sénégalais et vous voulez vous inscrire dans une discipline chirurgicale, votre dossier passe en priorité’’

Sur la question du nombre suffisant de chirurgiens au Sénégal, sa réponse est non. Même s’il avance que les universités y travaillent. ‘’Si vous êtes sénégalais et que vous voulez vous inscrire dans une discipline chirurgicale, votre dossier passe en priorité. On ne cherche même pas à comprendre. Je pense que c’est aux jeunes médecins sénégalais de s’intéresser à la chirurgie. Chaque année, nous recrutons. À l’urologie, nous avons choisi les étudiants qui doivent se spécialiser. On doit former les Sénégalais et dans les disciplines chirurgicales, les Sénégalais sont prioritaires. Maintenant, nous ne pourrons pas être derrière chaque médecin pour lui dire de faire la chirurgie. Il y a un déficit de chirurgiens. Quand vous allez dans certaines régions, vous allez juste voir un seul spécialiste dans une discipline qui ne peut pas tout faire. Mais cela s’est amélioré’’.

CHEIKH THIAM

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