Publié le 23 Jul 2014 - 14:44
JAMMEH FÊTE SES 20 ANS AU POUVOIR

La Gambie au bout d’une souffrance de deux décennies

 

Depuis le putsch du 22 juillet 1994, toute tête contestataire qui émerge estcoupée et toute autre qui laremplace subit lemême sort… 20 ansaprès l’arrivée de Yahya Jammeh au pouvoir, il en est toujoursainsi en Gambie. EnQuête a percé pourvous le sanctuaire répressif d’un lieutenant devenu colonel en un temps record et qui, pour faire sans doute peur, se nomme désormais, Dr. Yahya Abdul AzizJamus Junkun Jammeh.

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APRES 20 ANS DE REGNE SANS PARTAGE

Jammeh aux anges, les Gambiens à la trappe

Deux décennies passéesau pouvoir n’ont paschangé le président Jammeh toujours égalàlui-même : Un tyran aux anges qui fait passer sescitoyensàlatrappe.

Diohé, l’unique ferry qui fait actuellement le trajet arrive sur le rivage et déverse sa foultitude de personnes et d’engins sur le ‘’Terminal’’. Après quelques vérifications d’usage effectuées par les éléments de la police d’immigration, la foule se disperse et se distille dans les artères. Banjul, capitale d’un petit pays d’Afrique occidentale, est une cité désuète, un ancien comptoir anglais qui résiste difficilement au temps. Une sérénité étrange s’empare de la ville.

A l’image du mutisme frisant la fatalité qui s’est emparé des Gambiens depuis le 22 juillet 1994, marquant le règne du président Yahya Jammeh arrivé au pouvoir à la suite d’un coup d’Etat. ‘’Ici, personne ne parle, le président est un roi qui peut tout se permettre’’, dit Lamine (nom d’emprunt), le jeune taximan qui nous conduit à Serrekunda, capitale économique du pays. Explications : ‘’Regarde, la télévision gambienne a diffusé l’autre jour la cérémonie annuelle de remise de Sukaru Koor aux chefs religieux.

C’est à la limite que le président Jammeh qui l’organise a insulté les vieux en leur demandant de se mettre au travail au lieu de rester sous les arbres à paresser et à mentir’’. Il poursuit, dépité : ‘’à leur place, je n’allais jamais prendre ce soutien accompagné d’injures. Mais ils n’ont pas le choix ces pauvres vieux qui, non seulement pris leur sac de sucre, mais ont été également contraint d’afficher le sourire pour faire croire qu’ils sont contents et surtout ne pas s’attirer les foudres du roi Jammeh’’.

‘’Ici, personne ne parle, le président est un roi qui peut tout se permettre’’

Lamine est à l’aise dans son taxi, le seul endroit où il peut se permettre de porter un regard critique sur la gestion de son pays. ‘’En Gambie, il n’y a que des renseignements généraux et ils sont nombreux parmi les taximen. Comme tu viens du Sénégal, il faut faire très attention, il faut savoir à qui tu parles, les gens sont méfiants par ici’’, renchérit notre jeune homme, teint noire, taille moyenne. Après quelques kilomètres parcourus, la célèbre prison de Mile 2 se dresse à gauche sur la route principale.

Lamine s’écrie : ‘’Regarde bien là-bas, c’est Mile 2, ce lieu craint par tous les Gambiens. Jammeh est en train de construire de nouvelles cellules, regarde bien il y a au moins 4 nouveaux bâtiments. Ce gars finira par emprisonner tous les fils de ce pays. A l’intérieur de cette prison, tu trouveras présentement des journalistes, des défenseurs des droits humains, des opposants et plusieurs individus qu’il accuse d’avoir tenté un coup d’Etat à son régime’’.

Malgré tout ce qu’il dit, Lamine est un chauffeur aguerri qui adore la vitesse, son pied ne quitte jamais l’accélérateur. Serrekunda n’est plus loin, une zone qui respire avec ses voies dégagées, ses nombreux automobilistes, ses bâtiments et ses policiers perchés sur leur box de garde. Le trajet est fini, Lamine reprend le chemin de Banjul non sans avoir insisté : ‘’N’oublie pas, il ne faut pas parler à n’importe qui, les éléments de Jammeh sont partout’’.

Il s’éloigne et laisse derrière lui un visiteur ébahi d’avoir entendu presque les mêmes propos de l’autre coté de la frontière, Karang, situé en terre sénégalaise. Sans s’en rendre compte, Lamine venait de faire une synthèse presque parfaite de la situation des libertés en Gambie. 20 ans après l’arrivée de Jammeh au pouvoir, l’oppression est toujours de mise.

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