Publié le 18 Sep 2014 - 19:10
LINGUERE

La psychose d’une tabaski sans mouton fait oublier Ebola.

 

L’Aïd el Kabîr, communément appelée Tabaski, se prépare activement sur toute l’étendue du territoire national. Aux différents foirails de la ville de Linguère, c’est l’effervescence totale. Un tour au niveau des points de vente a permis à EnQuête de constater que les acheteurs, concurrencés par les opérateurs étrangers, ne sont pas au bout de leurs surprises.

 

Dans le département de Linguère, la quête du mouton fait oublier la maladie hémorragique à virus Ebola. La calamité qui frappe quelques pays ouest-africains (Guinée, Sierra-Léone, Liberia et Nigeria) ne fait plus l’objet de discussions. La hantise du mouton de tabaski est passée par là. Il est onze heures au grand foirail de Dahra. Le site draine chaque dimanche des milliers d’éleveurs et acheteurs qui viennent de la sous-région (Gambie, Mauritanie et Mali) et de toutes les régions du Sénégal pour vendre leurs bêtes.

En cette mi-journée dominicale, le soleil est au zénith. Partout des béliers de toutes les races, de toutes les tailles. Le bêlement des moutons se mêlent aux appels des éleveurs et « Téfanké » (rabatteurs) qui vantent la qualité de leurs moutons. Le marché hebdomadaire est un lieu de rencontre entre hommes de cultures différentes. Saliou Dione, sérère bon teint, en visite chez ses cousins peuls, ne dira pas le contraire. Trouvé en plein marchandage avec un vendeur de mouton, l’homme, d’une noirceur d’ébène, « dit avoir vécu la plus grande surprise de sa vie ». Et pour cause, les prix « excessivement chers ». Vêtu d’une chemise carrelée assortie d’un pantalon jean, il a quitté son Nguékhokh natal, dans le département de Mbour, pour s’approvisionner en moutons. «J’ai commencé à marchander depuis ce matin, je dois acheter 3 béliers, mais j’ai décidé de rentrer bredouille », déclare M. Dione.

 La pause pluviométrique, à l’origine de la flambée des prix

Ce renchérissement des coûts s’explique, selon les éleveurs, par la mort d’une partie du cheptel, malgré les efforts du ministère de l’Élevage et des Productions animales, qui dans sa croisade contre ces morts du cheptel faute de nourriture, avait mis à la disposition des éleveurs du Djolof 250 tonnes d’aliments de bétail. « Des milliers de bêtes ont péri. C’est pourquoi, les mises à bas de cette saison sont très en deçà des attentes en quantité et en qualité », souligne le Président du foirail de Dahra El Hadji Nguéssory Ka.  Il renseigne que « les prix courants varient entre 50 000 et 700 000 F ». Il soutient que « le foirail est bien approvisionné. Il estime à 10 000 le nombre de têtes en ce dimanche».

Le chef des éleveurs invite les autorités à ouvrir «les frontières pour que le mouton soit accessible à toutes les bourses». L’enseignant Pape Sara Ndiaye n’est pas loin de penser la même chose. Il avait l’habitude d’acheter des moutons pour ses amis basés à Dakar. Il regrette avec beaucoup d’amertume cette situation alarmante qui plonge tous les pères de famille dans la psychose. Il se montre nostalgique du temps pas lointain où, « avec 25 000 F, on pouvait avoir une belle bête ».

Dans cette configuration, ce sont donc les marchands qui s’en sortent le mieux, convaincus que leur marchandise ‘’très chère’’ va trouver preneur. Zen, ils trouvent que les acheteurs veulent l’impossible. « Vous voyez les acheteurs étrangers, ils pensent que le mouton se ramasse dans la zone sylvopastorale. Nous, qui faisons de l’élevage intensif, avons même acheté le sac d’aliment à 12000 F, sans compter les fanes d’arachide, le foin, entre autres », s’insurge Amady Sow. Il faut savoir que de nombreux opérateurs étrangers viennent dans le foirail s’approvisionner. À chaque louma du dimanche, des milliers de moutons sont convoyés dans la sous-région.

Zoom sur le dispositif sécuritaire

Toutefois, il reste une préoccupation majeure pour les marchands de bétail. Ils vivent sous la hantise des vols. D’ailleurs, les responsables du foirail réclament la clôture du louma. Trouvé sur les lieux, le commandant de la brigade de la gendarmerie de Dahra, Abdou Salam Diagne, patrouille à bord de son véhicule. Avec ses éléments, ils quadrillent le secteur. Après les salamalecs d’usage, il informe qu’ « une vaste opération coup de poing sera organisée prochainement ».

Outre ce volet sécuritaire, le ministère de l’Élevage et des Productions animales a innové cette année, en procédant à la vaccination du cheptel à Barkédji. « Tous les agents vétérinaires seront assistés d’auxiliaires qui ont été formés et encadrés pour vacciner le cheptel pendant 15 jours », renseigne le chef de service régional de l’élevage, Dr Aly Ba Sow. Selon le préfet de Linguère, cette « campagne de vaccination de masse du cheptel est une politique du gouvernement du Sénégal afin de relever le taux de couverture vaccinale du cheptel qui tournait autour de 25 pour cent’’. Cette année, la barre a été fixée à 50%. Mieux, le ministère de l’Elevage compte expérimenter la sécurité animale pour qu’en cas de calamité, l’éleveur soit indemnisé à sa juste valeur.

Mamadou Ndiaye (Linguère)

 

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