Publié le 24 Nov 2014 - 12:20
MACKY SALL SUR LA PRATIQUE DU JOURNALISME AU SENEGAL

‘’ Il y a urgence à voter le code la presse ‘’

 

L’union de la presse francophone (UPF) a élu  un nouveau président samedi en la personne de Madiambal Diagne, qui succède au Marocain Abdelmounain Dilami. En lieu et place du discours de clôture du président Macky Sall sur ces assises du journalisme francophone, une interview improvisée des journalistes de l’Union a eu lieu. Avec des questions qui ont tourné sur les défis, les conditions d’exercice, et mutations du journalisme ainsi que la situation au Burkina Faso.

 

L’on n’est pas citoyen d’un État si l’on n’est pas bien informé. Pensez-vous que les jeunes dans l’espace francophone sont suffisamment bien informés, étant entendu qu’il y a la révolution numérique qui bouscule les médias existants ? (Jean Kouchner)

Vous posez la problématique de la révolution numérique. Notre monde subit des modifications extraordinaires du fait de cette révolution entraînant des systèmes nouveaux de l’information et de la communication. Dans tous les secteurs d’activité, le numérique a apporté une transformation radicale et la presse n’y échappe pas. Nous allons vers la télévision numérique en juillet 2015. Il y a sur le papier journal un risque et, objectivement, il faut dire que son avenir est incertain. Il ne faut pas s’en émouvoir pour autant, puisque ce qui est essentiel, c’est le contenu et il reste écrit, que ce soit sur le numérique, à l’écran, ou sur du papier.

Il faudra des journalistes pour écrire, pour commenter, c’est cela le plus important. Il est clair que chaque journaliste doit pouvoir être formé et capable d’utiliser les outils des TIC. C’est là qu’il faut un changement de mentalités. Que dans les écoles de formation de journalisme, on forme le journaliste de radio, télé, presse écrite, dans les outils qui seront son quotidien, sans lesquels il ne pourra pas développer son métier (...). L’État doit faire des efforts pour l’accès à internet qui est très cher et c’est pourquoi j’ai décidé qu’au Sénégal, tous les campus universitaires et les lycées seront des espaces ouverts où le wi-fi et l’accès à internet seront gratuits pour l’ensemble des étudiants et des élèves afin que déjà, cet environnement leur soit familier et accessible.

Est-ce que l’expulsion du blogueur tchadien en mai 2013 était une erreur, un mauvais message à la communauté des blogueurs et quel regard portez-vous sur eux ? (Ziad Maalouf Rfi)

Ce n’était pas une erreur du tout. Nous sommes un État organisé qui a une vieille pratique de l’hospitalité, nous avons reçu plusieurs anciens chefs d’État et des opposants. Mais, le Sénégal n’est pas un pays à partir duquel on organise une déstabilisation contre quelque régime que ce soit. (…) Le gouvernement tchadien, documents à l’appui, a saisi le nôtre pour se plaindre des agissements de ce journaliste, de ce blogueur et de ses interconnexions qui sont allés jusqu’ à poser des actes de déstabilisation.

Il y a eu suffisamment de plaintes et nous avons suffisamment interpellé le journaliste, par nos services, pour attirer son attention. Il a continué. La seule chose qu’on pouvait lui dire, c’était d’aller poursuivre ses activités ailleurs, parce que nous avons tendance à respecter et à préserver les relations de bon voisinage entre le Tchad et le Sénégal. Il n’a pas été contraint, on lui a demandé un pays de son choix. Nous avons encore chez nous énormément de journalistes qui viennent  ici et beaucoup de pays nous en veulent. Tant que c’est la liberté de la presse, nous n’avons aucun problème.

Qu’en est-il de la liberté des journalistes au Sénégal et de la régulation de la presse en ligne ? (Khadija Ridwane)

Je vous rassure. Au Sénégal, nous avons une presse libre et c’est un acquis historique dans ce pays. Il n’y a pas un seul journaliste qui soit mis en prison pour des délits de presse ou des délits d’opinion. Nous n’avons pas de problèmes de liberté. Peut-être même qu’il y en a trop.  Mais toujours est-il que dans notre pays, la presse vient elle-même d’installer un tribunal des pairs. Et j’ai pris l’engagement en leur disant qu’en ce qui concernait l’État désormais, si nous avons des reproches à faire à des journalistes, nous nous adresserons à ce tribunal, pas au tribunal correctionnel.

Nous avons également un code de la presse élaboré depuis plusieurs années qui est bloqué à l’Assemblée nationale puisque quelques députés estiment que c’est un code attentatoire à la liberté de certains citoyens. Mais notre groupe parlementaire a été invité à voter ce code qui consacre la dépénalisation des délits de presse. Il faut reconnaître qu’il y a des abus. La presse, c’est aussi l’équilibre dans l’information. Lorsque des non-journalistes s’invitent dans la profession et l’utilisent comme un moyen de chantage, on n’est plus dans le journalisme. Donc il y a urgence à voter le code de la presse, et il y a nécessité à faire de la régulation sur le net puisque derrière l’anonymat du clavier, on détruit des vies. Soit les responsables des sites veillent à la traçabilité des informations ou alors voient comment éviter les dérapages.

Pouvez-vous vous engager devant cette assemblée à revoir la convention collective pour de meilleures conditions d’exercice des journalistes professionnels sénégalais ? (K. Ridwane)

Certainement car cette convention qui date de plus de 20 ans doit être renouvelée. Nous ne sommes plus dans les conditions économiques qu’il y a 25 ans. Je suis tout à  fait favorable à ce que la presse publique engage cette discussion, elle qui est d’ailleurs mieux outillée que la presse privée. Je les invite à travailler de concert pour qu’il y ait une amélioration de la convention collective des journalistes et des techniciens de la communication. Il y a un aspect dépendant du nouveau code : la carte de la presse. En fait, qui est professionnel de l’information ? C’est une question de fond. Un métier où tout le monde entre sans qualification, sans formation, alors que pour être médecin, il y a une procédure ; ou pour être chauffeur, il faut aller passer le permis de conduire.

Ce sont les journalistes qui doivent défendre leur métier. C’est un problème sérieux que la presse a elle-même identifié. Dans le cadre de la nouvelle convention, il est défini  des dispositions pour avoir accès à la carte de presse. A partir de ce moment, il sera plus facile d’améliorer de manière sensible les conditions de vie et de travail des journalistes. Nous avons une aide à la presse de 700 millions de F CFA qui devrait passer à 1 milliard l’année prochaine.

Nous avons fait des abandons de dette fiscale à la presse ; il fallait le faire car les organes ont besoin d’être soutenus. C’est un métier difficile et risqué, les journalistes font partie des travailleurs les plus exposés au monde. Nous sommes d’accord qu’il faut les mettre dans les meilleures conditions et le gouvernement n’a aucun problème pour que la presse sénégalaise continue à être libre et de qualité comme elle l’a toujours été.

Est-ce que l’État va apporter un soutien tout au début du basculement vers la télévision numérique terrestre (TNT) ? (Pape Mady Diop Rts)

Ce passage est une obligation car l’union internationale des télécommunications l’a décidé et le Sénégal sera au rendez-vous en juin 2015. Nous avons mis en place un instrument appelé commission nationale chargée de la transition de l’analogique vers le numérique (CONTAN) qui a proposé au gouvernement un schéma de transition, et nous avons sélectionné une télévision sénégalaise privée qui fera le passage avec un nombre de tâches définies dans le cahier des charges.

L’État a déjà créé les conditions pour la télévision publique et la RTS a été dotée de 3 milliards pour l’acquisition de matériaux numériques modernes. Pour les contenus, nous allons avoir une plus grande capacité de diffusion donc ça mérite qu’on regarde de plus près, parce qu’il y a des risques terroristes et toutes sortes de propagande qui peuvent passer par ces canaux et atterrir sur le citoyen.  Il faudra qu’on définisse une sorte de boîte de démultiplexage pour arrêter tel ou tel programme lorsqu’il y a danger. Mais ce sera une affaire de professionnels, l’État jouera un rôle très marginal. 

Ousmane Laye Diop (stagiaire)

 

 

Section: