Publié le 13 Dec 2023 - 20:15
MAME LIKA SIDIBE

L’audace et la persévérance en bandoulière 

 

Diplômée de la 29e promotion du Cesti, Lika Sidibé a été présentatrice vedette à la radio Sud FM, avant de rejoindre plus tard la radio sous-régionale West Africa Democraty Radio (Wadr), après un bref passage au groupe Avenir Communication. Titulaire d’un Master en défense et sécurité, elle est aujourd’hui la responsable de la communication de l’Agence de régulation de la commande publique (Ex-ARMP).

 

‘’Milady’’. C’est le sobriquet qu’on lui collait au Centre d’études des sciences et techniques de l’information (CESTI), puisqu’elle avait eu la chance ou la malchance d’être presque tout le temps avec ceux que l’on appelait ‘’Les trois mousquetaires’’ : Samba Dialimpa Badji, Mohamed Rahmed Ndiaye et Ousseynou Diakhaté. Passionnée, engagée et très turbulente, la jeune fille n’attendra pas la deuxième année comme il est de coutume pour démarrer sa carrière professionnelle. Un jour, celle qui aspirait à embrasser une carrière de journaliste en presse écrite se rend au siège du groupe Sud Communication pour demander un stage. Heureusement ou malheureusement pour elle, elle tombe sur Chérif El Walid Sèye. Après l’avoir écouté décliner la raison de sa visite, ce dernier lui dit gentiment : ‘’Le groupe ne prend pas de stagiaire de première année, mais viens à la radio, on va voir ce que l’on peut faire.’’

Déterminée, Lika se rend dès le lendemain au siège de la première radio privée du Sénégal et convainc l’administration de la boîte à la prendre comme stagiaire. Plus jeune, seule femme, sortie du Cesti, très travailleuse, elle devient la chouchoute des doyens qui la couvaient comme un bébé. Très vite, la petite sœur de Gnagna Sidibé gravit les échelons et devient présentatrice vedette aux éditions phares. Elle se remémore, nostalgique : ‘’J’avoue que j’ai eu beaucoup de chance. Je suis tombée sur des aînés formidables qui m’ont couvée, accompagnée, encadrée. Cet encadrement au niveau de la rédaction m’a beaucoup marquée. Avec les Birama Fall, Mamadou Ndiaye, Mouhamed Pascal Faye, Racky Noëlle Wane, toutes ces icônes.  Chérif El Walid Sèye m’a aussi énormément marquée. Lui, il ne fallait surtout pas le déranger aux heures du journal. Rien ne lui échappait ; et après il était très dur lors des réunions. Un homme profondément humain ; que Dieu ait pitié de son âme’’.

La rédaction, c’était ainsi pour elle une deuxième école, avec un esprit d’équipe extraordinaire qui régnait dans le groupe. Parmi les moments forts qui l’ont marquée, il y a l’exclusivité du limogeage de Moustapha Niasse en 2001, à l’époque Premier ministre de Wade. Encore étudiante, Lika avait passé la veille tout l’après-midi au siège de l’Alliance des forces de progrès (AFP) pour couvrir leur Bureau politique. En bon journaliste, elle sentait qu’il y avait quelque chose qui se tramait ; que l’ambiance était inhabituelle. Elle est alors restée jusqu’à minuit, avant de rentrer bredouille. Le lendemain, un jour de week-end, alors qu’elle était seule à la rédaction avec Nafissatou Diouf qui l’avait rejointe à la radio, en pleine préparation de l’édition de 17 h, elle demande à Nafi d’appeler Maitre Babou pour voir ce qui est ressorti du BP.

Il ne faut jamais rien lâcher

Alors qu’elle était en train d’écrire ses chapôs, Nafi l’appelle pour lui dire : ‘’Viens répondre à Me Babou. Il dit qu’il a une information plus importante pour toi’’. Lika rapplique dare-dare et prend le combiné. Au bout du fil, Maitre lui dit : ‘’Lika, on quitte le gouvernement. Abdoulaye Wade nous a limogés.’’ Pour la première fois, renchérit-elle, fière : sans encadreur, sans ordre, ni rien du tout, je suis allée directement au studio de diffusion, j’ai demandé à Thiongane qui animait l’émission ‘Musigou demb’ de couper la musique, de mettre le chariot et j’ai mis Maitre Babou en direct’’.

Toujours parmi les épisodes qui ont marqué sa riche carrière, il y a le chavirement du bateau ‘’Le Joola’’ qu’elle avait couvert de bout en bout, non seulement en tant que présentatrice de l’édition spéciale, mais aussi reporter sur le terrain, insiste-t-elle comme pour dire qu’un jeune journaliste ne doit jamais abandonner le terrain. Témoin de la marche des familles vers le palais et de la sortie de Wade pour les accueillir, elle rapporte : ‘’Au moment où les gendarmes commençaient à balancer des grenades lacrymogènes, Abdoulaye Wade est sorti du palais. Il a reçu les familles devant les grilles ; il leur a dit : ‘La responsabilité de l’État est largement engagée…’ Je pense que cela avait énormément contribué à faire baisser la tension. Il leur avait demandé de mettre en place un collectif des familles et avait donné des ordres pour des conférences de presse tous les après-midi pour rendre compte de l’évolution du dossier’’.

Le jour où elle a été cueillie par la police après avoir diffusé une interview de Salif Sadio avec Ibrahima Gassama

Journaliste très teigneuse, la native de Thiès a une fois été cueillie dans les locaux de Sud avec son acolyte Pape Alé Niang et plusieurs membres de la rédaction. Elle avait eu l’outrecuidance de passer une interview d’Ibrahima Gassama (correspondant de Sud à Ziguinchor) avec le chef rebelle Salif Sadio annoncé comme mort. Des moments forts et inoubliables pour Mme Sidibé qui s’en souvient comme au premier jour. ‘’Tout le week-end, j’étais stressée. Parce qu’Ibrahima m’avait informée le vendredi qu’il va faire l’interview avec Salif Sadio. Le directeur était réticent, parce qu’il se souciait de la sécurité de Gassama. J’ai alors appelé Pape Alé en renfort et ensemble on a fini par le convaincre’’. L’interview a été faite. La veille, tout a été coordonné avec Cellou Ba, un As du montage, Pascal Faye avec sa très belle plume. ‘’Pascal m’a dit : ne fais rien du tout ; pas de rappel des titres, rien. Viens, dis : mesdames et messieurs bonjour ; exclusivité, Salif Sadio, Sud FM… Et on balance l’élément.’’

Dans les minutes qui ont suivi, la radio était remplie de flics avec un commissaire qui lui demande de tout arrêter. La jeune journaliste refuse et dit s’en remettre aux ordres de ses patrons. Babacar Touré est tiré de son sommeil et rapplique sur le champ dans les studios. Suivront quelques empoignades entre journalistes et flics et l’embarcation de tout ce beau monde au commissariat. Après un long interrogatoire, Milady se voit notifiée le motif de son interpellation : ‘’Complicité d’atteinte à la sureté de l’État.’’ Finalement, elle est libérée dans la nuit et en est sortie plus que jamais radicalisée. ‘’Après cet épisode, je ne passais plus dans mon journal les éléments favorables au régime ; je balançais tout ce qui leur était défavorable’’, rapporte la diplômée de l’Ebad (École des bibliothécaires, archivistes et documentalistes).

ALIOU SOW, MINISTRE DE LA CULTURE ET DU PATRIMOINE HISTORIQUE

‘’Une jeunesse sans modèle est une jeunesse en errance’’

Venu représenter le président de la République Macky Sall, le ministre de la Culture et du Patrimoine historique, Aliou Sow, a salué le travail de la Convention des Jeunes Reporters et s’engage à accompagner l’organisation pour l’accomplissement de sa mission. 

Selon le ministre, la presse sénégalaise a une histoire riche, glorieuse, marquée par des faits, mais aussi par des hommes. ‘’C’est donc un honneur de venir participer à cette cérémonie de Sargal de ces héros, dans un monde où de plus en plus, par la déconstruction, on verse dans un l’anti-héroïsme. C’est important de célébrer les héros.  Je le dis souvent dans mes écrits : une jeunesse sans modèle est une jeunesse en errance.’’

Sorti du Cesti, le Ministre qui est largement revenu sur l’importance d’instaurer un dialogue entre les anciens et les jeunes a invité les Jeunes Reporters à continuer à s’adosser sur les principes moraux, éthiques et déontologiques, dans le respect de la vérité. ‘’Le Sénégal, insiste-t-il, vient de loin, mais il n’est pas tombé du Ciel. Il y a eu des hommes et des femmes qui ont donné le meilleur d’eux-mêmes, ce qui nous permet aujourd’hui de jouir de cette démocratie, de cette liberté… Le bonheur du Président de la République c’est de voir dans tous les secteurs des associations de jeunes dynamiques, engagés, dans l’action, pour construire ce pays. Des jeunes qui ne sont pas dans la dynamique de rupture ou de conflit, qui sont dans la dynamique de dialogue intergénérationnel.’’

Le Ministre n’a pas tari d’éloges pour la Convention des Jeunes Reporters du Sénégal. Il est en outre revenu sur l’importance que le chef de l’Etat accorde à la Convention et à ses nombreuses initiatives. Pour illustrer son propos, il déclare : ‘’En Conseil des ministres, dans la Communication présidentielle, ne sont abordés que des questions d’intérêt majeur. Au dernier Conseil, il est revenu largement sur la vos actions pour vous encourager et donner des instructions en faveur de l’accompagnement nécessaire. Le Président est convaincu que la bonne graine pousse dans les médias, germe à partir de votre association, qui s’illustre par des initiatives majeures, responsables et qui mettent l’accent surtout sur la formation et le renforcement de capacités.’’

 

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