Publié le 23 Feb 2018 - 03:03
MANQUE D’INFRASTRUCTURES, DEFAUT DE COMMERCIALISATION DE L’ARACHIDE

Les populations du delta du Sine-Saloum racontent leurs tourments

 

Des routes dans des états lamentables, un manque criard d’eau potable, un défaut de commercialisation de leur production arachidière etc. Ce sont entre autres les maux qui gangrènent les populations dans le delta du Sine-Saloum et notamment celles du département du Foundiougne.

Reportage 

Au 21e siècle et dans le contexte d’une marche vers l’émergence, il y a encore des localités du Sénégal où les femmes continuent de piler et de moudre leurs céréales à l’aide de pilons et de mortiers. C’est le cas des femmes de Batamar, dans la commune de Toubacouta, dans le département de Foundiougne. Chaque jour, elles se lèvent de bonne heure pour s’occuper des tâches domestiques. ‘’Nous n’avons pas de machines à moudre ou piler les céréales. Jusqu’à présent, tout le travail est fait à la main. Nous pilons et nous moulons les céréales à la main.

La seule machine qu’une ONG nous avait offerte est tombée en panne depuis belle lurette. Nous n’avons même pas d’électricité’’, rapporte Ndèye Aïssatou Lo, la trentaine, venue assister à la cérémonie de lancement des travaux du pont à péage de Foundiougne, ce mardi. Assise à même le sol, sous l’ombre du panneau d’affichage de ce projet, dans l’attente de l’arrivée du président de la République, elle montre la paume de ses mains pour étayer son propos. ‘’Vous constatez vous-même. Regardez comme nos mains sont sèches’’, lance-t-elle toute souriante.

Selon notre interlocutrice, leur village est dépourvu de structure sanitaire. ‘’Nous allons nous soigner à Sokone et si le malade est dans un état critique, il est impossible d’avoir une ambulance pour l’évacuer. Nous l’acheminons sur une charrette avec tous les risques, car il peut perdre la vie à tout moment. Nous souffrons vraiment le martyre et nous sollicitons l’aide du président de la République, malgré les efforts qu’il est en train de faire’’, dit-elle.

En réalité, ajoute une autre dame d’un âge un peu plus avancé, à côté d’Aïssatou, les routes sont dans ‘’un mauvais état’’ entre Sokone et leur village. ‘’Les pistes sont impraticables. Durant la période d’hivernage, elles sont carrément coupées par les eaux. Nous n’avons pas de bonnes charrettes pour nous rendre aux ‘louma’ (marchés hebdomadaires). Surtout pour les femmes enceintes, c’est trop compliqué. Nous quittons en général Batamar pour aller jusqu’à Sokone où se tient ‘le louma’, sur des pistes. C’est une distance d’environ 30 km et nous y allons à pied. Il n’y a aucune infrastructure’’, renchérit Mariama Diop. Cette dernière raconte que l’accès à l’eau est également un calvaire. ‘’Il n’y a pas assez de puits. Or, nous sommes de fidèles militantes de l’Apr, nous sommes les premières à répondre présentes quand il s’agit de mobilisation politique. Nous n’avons jamais raté un rendez-vous. C’est vraiment quelque chose que nous regrettons’’, confie-t-elle.

En dehors de ces préoccupations, la commercialisation de leurs graines reste un souci majeur pour ces paysannes. Comme tous les agriculteurs du Sine-Saloum, elles ont stocké leur récolte, dans l’attente de potentiels acheteurs. ‘’Avant l’arrivée des opérateurs, comme le président de la République l’a promis, les graines vont être endommagées. Certains insectes commencent déjà à perforer nos stocks. Avec cet état, aucun commerçant n’acceptera de l’acheter. Et qu’est-ce qu’on va faire, si ce n’est que les mettre à la poubelle. C’est vraiment triste pour de pauvres cultivateurs qui ont travaillé durant tout l’hivernage et n’arrivent même pas à écouler leurs récoltes pour satisfaire leurs besoins primaires, depuis des mois’’, regrette Coumba qui prêtait jusque-là une oreille attentive à la discussion. La dame d’ajouter : ‘’Nous adorons le président Macky Sall, mais il doit faire des efforts par rapport au monde rural. Nous sommes des agriculteurs, nous avons souvent des soucis pour écouler nos récoltes. Nous n’avons même pas de magasins de stockage.’’

‘’Soutenir les agriculteurs’’, c’est ce que doit faire le président Sall, selon El Hadji Senghor, originaire de la commune de Soum. Le sieur confirme aussi que beaucoup d’entre eux ont stocké leurs récoltes, juste parce qu’ils n’ont nulle part où la commercialiser. ‘’Cette année, nous avons sérieusement des problèmes pour écouler notre production. Une telle situation n’a jamais été vécue ici, depuis son arrivée au pouvoir. Je ne sais pas ce qui est l’origine de cette situation. Il faut aussi que l’Etat l’explique aux agriculteurs pour tirer les choses au clair. Auparavant, après la récolte, il y a des camions qui venaient nous trouver sur place pour acheter notre production’’, renseigne-t-il.

Le pont de l’espoir  

Parmi cette population démunie, il y en a qui bénéficient des programmes sociaux. C’est le cas de Maty Thiam. ‘’Nous nous sentons pris en compte dans les programmes du chef de l’Etat, notamment avec les bourses familiales. Cet argent nous permet de régler certaines dépenses quotidiennes’’, témoigne la dame, la soixantaine révolue, le visage bien ridée. ‘’Nous lui demandons de travailler pour tous les Sénégalais sans parti pris. Car il est le président de tous les Sénégalais. S’il favorise une partie ou un clan, il lui sera difficile d’avoir un deuxième tour (Ndlr : second mandat). C’est sincèrement un conseil que je lui donne’’, insiste cette habitante de Toubacouta.

Cette mamie n’est pas la seule à se réjouir du bilan de Macky Sall dans cette zone du Sine-Saloum. En effet, pour Ibrahima Diouf, habitant de Guagué sur la route de Passy, les autorités sénégalaises sont en train de faire des efforts. ‘’Du tac au tac, ça sera difficile de tout réaliser. Mais avec le pont dont les travaux vont démarrer, l’espoir est permis. Nous avions des difficultés avec les pirogues pour traverser le fleuve. Parce que ces engins fonctionnent grâce à des moteurs qui peuvent tomber en panne d’un moment à l’autre. Ça prend en général deux ou trois jours pour les réparer’’, souligne-t-il.  Au-delà de l’espoir, le vieux Birame Dione lui, a foi au président de la République pour la réalisation de ce projet. Il a quitté sa commune Mbane de bonne heure pour venir assister à cette cérémonie.

‘’Le pont à péage de Foundiougne qu’il est train de réaliser est une infrastructure d’une importance de haute portée pour tout un chacun. Les gens vont circuler facilement, sans se préoccuper du bac. Personne ne va traîner. Parce qu’on perdait trop de temps pour la traversée à cause du bac. Mais aujourd’hui, avec cet ouvrage, nous ne pouvons que rendre grâce à Dieu’’, dit-il. Le vieux Dione affirme que l’infrastructure va faciliter la mobilité. ‘’On pourra se rendre à Dakar à n’importe quelle heure sans problème. Car dans cette localité, il n’y avait qu’un seul chauffeur qui avait un horaire et si on le ratait, on était obligé d’attendre le lendemain. Donc, avec cette infrastructure, nous ne pouvons que rendre grâce à Dieu’’, se réjouit-il.

En construisant ce pont à hauteur d’environ 42 milliards de francs CFA, l’objectif est de désenclaver la zone, mais aussi faciliter le trafic des personnes et des biens.

MARIAMA DIEME

 

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