Près de 1000 morts, les pro-Morsi redescendent dans la rue
Des centaines de partisans des Frères musulmans égyptiens ont incendié un bâtiment officiel jeudi au Caire, tandis que des familles tentaient d'identifier des centaines de corps, au lendemain des violences qui ont fait au moins 623 morts et des milliers de blessés dans tout le pays selon le dernier bilan officiel.
A Alexandrie, la deuxième ville du pays, plusieurs centaines de personnes ont manifesté contre le démantèlement dans la violence la veille des campements installés par les Frères dans la capitale. Ils ont réclamé le retour au pouvoir de l'ancien président Mohamed Morsi, issu de la confrérie, déposé le 3 juillet par l'armée et dont la détention a été de nouveau prolongée jeudi pour un mois.
Le ministère de l'Intérieur a lui prévenu que les forces de sécurité tireraient à balles réelles contre ceux qui s'en prendraient à elles ou à des bâtiments officiels, au lendemain de la proclamation de l'état d'urgence par les autorités.
Les partisans des Frères musulmans estiment que le véritable bilan des assauts des forces de sécurité est bien plus élevé que les 623 morts annoncés par le ministère de la Santé, certains évoquant 3.000 morts, alors que Reuters a compté 228 corps calcinés par le feu, entreposés dans la seule mosquée Al Iman, dans le nord-est du Caire.
Dans cette mosquée convertie en morgue improvisée, des familles tentaient d'identifier des corps mutilés ou carbonisés. A l'extérieur, plusieurs milliers de personnes manifestaient en criant: "L'armée et la police ont les mains sales".
Toute vérification indépendante du bilan était impossible en raison de l'ampleur prises par les violences dans de nombreuses villes égyptiennes.
Couvre-feu confirmé
Gehad el Haddad, porte-parole des Frères musulmans, a déclaré à Reuters que le mouvement avait subi "un coup sévère" mais que la colère suscitée en son sein par la répression était désormais "incontrôlable". "Après les coups, les arrestations et les massacres que nous subissons, l'émotion est trop forte pour être canalisée par qui que ce soit", a-t-il ajouté, alors que les obsèques de nombreuses victimes des violences de mercredi devraient donner aux partisans de la confrérie de multiples occasions de se réunir lors des prochains jours.
Dans le quartier de Gizeh, des partisans de Morsi ont mis le feu dans l'après-midi à un bâtiment du gouvernorat. Le calme était revenu dans la soirée dans la capitale égyptienne alors qu'en plus de l'état d'urgence, les autorités ont décrété un couvre-feu de 19h00 locales (17h00 GMT) à 06h00 dans onze des 27 provinces du pays, dont celle du Caire et de treize autres grandes villes. Une source militaire a déclaré que les autorités ne toléreraient plus aucun sit-in comparable aux deux campements démantelés mercredi mais que des manifestations pourraient avoir lieu en dépit de l'état d'urgence.
L'attitude du nouveau pouvoir a suscité des condamnations fermes dans le camp occidental, qui avait tenté en vain jusqu'à la dernière minute de favoriser une solution négociée. Interrompant ses vacances à Martha's Vineyard, le président américain Barack Obama a déploré "les violences exercées contre les civils" et demandé la levée de l'état d'urgence. Il a également annulé les manœuvres militaires égypto-américaines prévues le mois prochain en Égypte, sans exclure d'autres mesures.
Paris craint une guerre civile
Chuck Hagel, secrétaire d'Etat à la Défense, a prévenu par téléphone Abdel Fattah al Sissi que des "éléments importants" des relations militaires entre les deux pays risquaient d'être affectés, et le département d'Etat américain a annoncé qu'il réétudiait l'aide des Etats-Unis à l'Egypte "sous toute ses formes".
De son côté, le président français François Hollande a convoqué l'ambassadeur d'Egypte en France et appelé à la levée de l'état d'urgence, estimant que "tout doit être mis en oeuvre pour éviter une guerre civile".
Le Conseil de sécurité des Nations unies devait se réunir ce jeudi pour faire le point sur la situation en Egypte, à la demande de la France, du Royaume-Uni et de l'Australie. Un représentant de Catherine Ashton, porte-parole de la diplomatie de l'Union européenne (UE), a annoncé que plusieurs diplomates européens se réuniraient lundi, en vue d'un sommet exceptionnel des ministres des Affaires étrangères sur la crise égyptien.
Dans le camp arabe, les Emirats arabes unis ont en revanche apporté leur soutien à la répression, jugeant que le pouvoir égyptien avait fait preuve d'un "self-control maximum". Avec l'Arabie saoudite et le Koweït, les EAU ont promis une aide de 12 milliards de dollars à l'Egypte immédiatement après le renversement de Mohamed Morsi afin de surmonter des pénuries imminentes d'essence et de blé.
La dégradation de la situation pourrait avoir de nouvelles conséquences économiques : plusieurs multinationales, comme Electrolux, Royal Dutch Shell ou General Motors, ont interrompu leur production dans le pays jusqu'à nouvel ordre.
REUTERS