Publié le 21 Feb 2018 - 06:44
MOUSSA SARR (PORTE-PAROLE DE LA LIGUE DEMOCRATIQUE)

‘’La Ld se renforce en se délestant de sa mauvaise graine’’

 

En dépit de la crise qu’elle traverse, la Ligue démocratique veut prendre son destin en main. Selon son porte-parole Moussa Sarr, avec les départs notés, son parti se renforce en s’épurant.

 

La branche dissidente de la Ligue démocratique a organisé, ce week-end, le 8e Congrès ordinaire de la Ld. Quelle appréciation faites-vous de cette initiative ?

La démarche est totalement incohérente. Ils (les dissidents) continuent à faire dans l’enfantillage, dans la manipulation de l’opinion et dans le mensonge. C’est regrettable pour des militants qui se réclament des valeurs de gauche. Parce que, être de la gauche, c’est d’abord avoir le courage de ses idées, c’est exprimer des opinions libres, mais dans la vérité. Alors que ces camarades, depuis longtemps, ont pris leur distance par rapport à la vérité. Ce qu’ils ont fait samedi dernier, ce n’est rien d’autre que de l’escroquerie politique, au vu des statuts et du règlement de la Ld. On ne peut pas mettre en place un mouvement parallèle dénommé Ld-Debout sur les flancs de la Ld et vouloir organiser le 8e Congrès ordinaire de la Ld. Pour le dire de façon claire, ce qu’ils ont organisé le samedi 17 février dernier à Dakar, ne peut pas être le 8e Congrès ordinaire de la Ligue démocratique. Ce n’est rien d’autre que le Congrès ordinaire de la Ld-Debout.

La Ld-Debout dénonce une entreprise de captation de la Ld au sein de Bby. Qu’en pensez-vous ?

Comment peut-on nous reprocher une entreprise de captation ? Ça n’a pas de sens. La Ld, ses instances régulières, depuis 2012, ont décidé de faire partie de l’aventure de Bby. Le Bp que nous avons tenu après les élections de 2012, le Congrès de 2013, toutes ces instances ont officiellement indiqué que notre formation politique est partie prenante de Bby. De 2012 à maintenant, aucune instance ne s’est réunie pour faire le bilan de notre compagnonnage. L’accusation aurait été fondée, si on avait fait un bilan de notre compagnonnage avec Bby et montré, au terme de ce bilan, que la Ld n’a plus besoin de Bby, que le pays n’a plus besoin de cette coalition. Si on avait fait ce bilan et qu’on demande à nos camarades qui sont promus aux responsabilités de sortir de la coalition et qu’ils refusent, on pourra maintenant être fondé à dire qu’ils sont là pour leurs intérêts personnels.

Pourquoi votre parti tarde-t-il à faire ce bilan, malgré la contestation notée en son sein ?

Le parti ne tarde pas à le faire. Dans sa résolution au 7e Congrès ordinaire tenu les 6 et 7 juillet 2013 à Dakar, nous avions dit que la Ld lance un appel à toutes les forces vives du pays pour faire de la deuxième alternance un succès. Donc, le parti s’est engagé à faire de cette alternance un succès. On n’est pas encore au terme du mandat du président de la République. Pourquoi veut-on, en cours de mandat, faire une évaluation ? On aurait pu faire le bilan en cours de mandat, s’ils (les animateurs de la Ld débout) l’avaient sollicité, mais ils ne l’ont jamais demandé à l’intérieur des structures. En décidant d’être dans Bby en 2012, nous n’avions pas dit qu’en 2013 ou en 2014, nous allons faire le bilan. Ce qui avait été décidé, c’est d’accompagner le président de la République pour faire de cette alternance un succès pour le pays, et nous sommes dans ça.  

Vos camarades dénoncent également un renoncement à tous les objectifs, valeurs et principes qui guident l’action de la Ld, avec à la clé des tentatives de corruption des bases militantes. Que répondez-vous à cela ?

Je les mets au défi publiquement, à travers votre organe, de dire à quel moment et quels sont les militants qui ont été corrompus au Bp. Il ne faut pas manquer autant de respect aux camarades qui sont des militants aguerris et sérieux. Le Bureau politique du 8 avril 2017, ce n’est pas Nicolas Ndiaye qui l’a présidé, encore moins Khoudia Mbaye ou Moussa Sarr. C’est le secrétaire général de l’époque qui l’a présidé ainsi que les opérations de vote qui ont eu lieu. Il a donné son point de vue et il a été mis en minorité. Au terme, il a démissionné. Je me demande quelle conception de la démocratie ces camarades ont, pour qu’à chaque fois qu’ils sont mis en minorité, ils démissionnent. Si tel devait être la démocratie, cela poserait problème.

Avec tous ces départs, que reste-t-il aujourd’hui de la Ld ?

Cette situation, nous la regrettons, parce que nous ne voulons pas perdre un seul militant. C’est la mort dans l’âme que nous nous sommes séparés de ces camarades, parce que nous avons fait avec eux plus de 30 ans. Mais pour faire l’unité, il faut être deux. Depuis qu’ils ont mis en place leur mouvement, nous avons tout fait pour que le débat soit ramené à l’intérieur des structures du parti et que nous trouvions un consensus. Ils n’en voulaient pas. Face à cette situation, nous avons été obligés de nous séparer deux. Le Sg a déjà commencé ses tournées à l’intérieur du pays depuis le mois de décembre. Nous allons parachever ces tournées et reprendre notre parti en main. La Ld est née d’une scission du Pai, en 1972. Depuis lors, elle a connu beaucoup de départs et de crises. Mais comme nous avions l’habitude de le dire en étant plus jeune, le  parti se renforce en se délestant de sa mauvaise graine. Je pense que nous allons nous renforcer en s’épurant. Nous avons été paralysés pendant des mois par cette crise interne. Maintenant que nous avons trouvé une solution, nous allons reprendre notre parti en main et nous allons nous imposer.

Au-delà des apparences, est-ce que la Ld ne sort pas affaiblie de cette scission ?

Evidemment que c’est un coup dur pour le parti. Parce que ce sont des militants qui ont été sanctionnés. Perdre même un seul militant est important, à plus forte raison quand tu en perds beaucoup. Ceux qui ont mis en place ce mouvement et qui ont été à ce congrès, c’est eux qui ont décidé de saborder la Ld. En agissant de la sorte, ils ont commis un crime politique énorme. Parce que la Ld est le résultat d’innombrables sacrifices de plusieurs générations. L’histoire retiendra que ceux qui ont mis en place ce mouvement ont été à l’origine de la cassure du parti.

Presque tous les partis qui cheminent avec le président de la République, dans le cadre de la coalition Bby, connaissent des dissidences. Est-ce que finalement votre compagnonnage n’est pas en train de vous coûter l’unité et la cohésion dans vos partis ?

C’est vraiment un esprit qui procède par raccourci qui pense que c’est le compagnonnage avec Macky Sall qui fractionne et fissure les partis de ses alliés. C’est beaucoup plus profond. Je ne vois pas en quoi Macky Sall est responsable de la crise au niveau de la Ld. Je ne parle pas pour les autres partis, je ne maitrise pas leur fonctionnement.

Votre compagnonnage avec le président  Sall a été à l’origine du différend.

Ce n’est pas Macky Sall qui est responsable de cette situation. Lorsque le Bp de la Ld se réunit de manière démocratique pour dire qu’en mars 2016, il faut voter Oui au référendum et que certains responsables qui ont ont été mis en minorité battent campagne pour le Non, en quoi Macky Sall est responsable de ça ? Pour les législatives, la Ld, après avoir organisé une consultation de ses bases, décide d’aller avec Bby. Mais certains d’entre nous, au lieu de respecter la décision, battent campagne pour d’autres listes sur lesquelles il n’y a pas de militants de la Ld.

En quoi Macky Sall est responsable ? Quand des hauts responsables d’un parti comme la Ld font preuve d’indiscipline notoire, en ne respectant pas les décisions issues de nos délibérations souveraines, en quoi Macky Sall est responsable de cela ? C’est un faux procès qu’on lui fait. Le chef de l’Etat n’est pas responsable de la crise interne de la Ld. Ceux qui sont responsables de cette crise, ce sont nos propres camarades qui assistent à nos réunions et qui refusent, au terme de ces délibérations, de respecter la majorité, alors qu’on a dit, dans nos textes, qu’après délibération, la minorité se soumet à la majorité. Nous devons arrêter de faire dans la mauvaise foi, nous devons assumer nos responsabilités. La crise qui secoue la Ligue démocratique, je ne vois aucunement une responsabilité du pouvoir.

Est-ce que réellement vos camarades n’ont pas raison de dénoncer une inféodation au régime, si on sait que, selon Mamadou Ndoye, Macky Sall vous verse 4 millions chaque mois ?

Ce que Mamadou Ndoye a dit est clair. Il a dit que c’est à lui que Macky Sall remettait 4 millions de francs Cfa par mois.

Pour le parti ?

Macky Sall ne remettait pas de l’argent pour le parti. Il remettait à Mamadou Ndoye 4 millions par mois et lui, de sa propre initiative, remettait l’argent au parti. Depuis que Mamadou Ndoye n’est plus Sg, la Ld ne reçoit plus ces 4 millions. Cet argent appartenait à Mamadou Ndoye. Il aurait pu mettre du feu sur ces 4 millions, c’est son argent, mais pas celui de la Ld.

On ne vous entend plus sur certains sujets qui concernent la situation du pays, avec les problèmes notés dans la distribution de l’eau, les grèves intempestives des travailleurs presque dans tous les secteurs, la campagne arachidière. Qu’est-ce qui explique cela ?

On nous entend. Moi-même je vous ai envoyé le communiqué du dernier secrétariat mercredi passé où nous nous sommes prononcés sur la crise dans le monde du travail. Nous avons appelé le gouvernement à faire plus d’efforts.

Mais vous êtes devenus moins critiques que d’habitude ?

C’est un choix que nous avons fait. Nous ne sommes pas un parti de l’opposition. La Ld est un parti de la mouvance présidentielle. Vous dites que la situation du pays n’est pas des meilleurs ; c’est vous qui le dites, je ne sais pas quel est votre baromètre. Il y a des grèves, il y en aura toujours. Quel que soit le régime en place, les enseignants, les travailleurs de la santé, du nettoiement, etc., seront toujours en grève. C’est souhaitable qu’ils soient toujours en grève, parce qu’ils doivent se battre pour l’amélioration de leurs conditions de travail et de vie. C’est cela la démocratie. Nous nous sommes battus, dans ce pays, pour un pluralisme politique et syndical. Si, aujourd’hui, il y a plusieurs partis politiques et plusieurs syndicats, nous en sommes fiers. Mais ce n’est pas parce qu’il y a des grèves corporatistes qu’on peut dire que la situation du pays n’est pas des meilleurs. Certes, beaucoup de choses restent à faire, mais il y a des progrès.

Si nous comparons la situation de 2012 à celle de maintenant, je pense honnêtement que dans beaucoup de secteurs, il y a des avancées. En avril 2016, voilà ce que Mamadou Ndoye disait dans vos colonnes : ‘’Nous avons salué et soutenu la croissance économique continue et de plus en plus forte enregistrée depuis 2012 opposée à la croissance faible, erratique de la période 2005-2011. Les gestes de redistribution des fruits au profit des couches les plus défavorisées en rupture d’avec la fabrique politique d’une minorité de milliardaires cannibales, les organes et actes de lutte contre la corruption et les détournements de ressources publiques, en opposition avec le règne de la mauvaise gouvernance, les réformes constitutionnelles qui, même si elles n’épuisent pas la refondation souhaitée de l’Etat, représentent des avancées face aux manipulations pouvoiristes qui caractérisaient la Constitution d’Abdoulaye Wade.’’ C’est cela qu’il disait en avril 2016. Entre-temps, qu’est-ce qui s’est passé ?

C’est donc dire que si nous comparons le régime de Wade à celui de Macky Sall, même s’il reste beaucoup de choses à faire, remarquons honnêtement qu’il y a des évolutions positives. La croissance économique, depuis 2012, est soutenue. Elle est aujourd’hui autour de 7 %.

Justement, Mamadou Ndoye pense que cette croissance ne profite pas aux populations. Qu’en dites-vous ?

C’est lui-même qui disait récemment qu’il a toujours salué les gestes de redistribution des fruits de la croissance aux couches les plus défavorisées. Il saluait le taux de croissance de plus en plus soutenu depuis 2012. Ça, c’est incontestable. Le dire, c’est dire la vérité. Parce qu’il y a un effort de redistribution des fruits de la croissance à travers les bourses de sécurité familiale, la Couverture maladie universelle, les programmes de réduction des inégalités sociales et territoriales qui sont une réalité. Que le président Macky Sall aille aujourd’hui dans le centre du pays inaugurer des infrastructures routières, il faut honnêtement reconnaitre que c’est bénéfique pour les populations. Le tronçon Fatick - Kaolack, pendant des années, les Sénégalais en souffraient, de même que le tronçon Nioro – Dinguiraye - Keur Ayib et ceux de Keur Ndiaye Lo - Passy - Sokone, Joal - Djifère. Tout cela, c’est le passé. Ce sont des routes qui ont été construites en deux ans. Je ne parle pas du reste du pays.

Donc, du point de vue du partage de la croissance économique, on ne peut pas dire qu’il n’y a rien. Dire qu’il n’y a rien, c’est faire une insulte à l’intelligence des Sénégalais.   

PAR ASSANE MBAYE

 

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