Publié le 23 Feb 2015 - 14:45
MOUSTAPHA BA, DIRECTEUR GENERAL DES FINANCES

‘’Nous sommes à 67 conventions de financements pour une valeur de 1 275 milliards de FCFA’’ 

 

Le taux de mobilisation des financements du Plan Sénégal Émergent est aujourd’hui de 34% grâce aux nouvelles conventions de financements que le ministre de l’Économie, des Finances et du Plan a signées tout dernièrement. C’est l’annonce faite par le directeur général des Finances. Dans cet entretien qu’il a accordé à EnQuête, Moustapha Ba souligne qu’en une année, 67 conventions de financements d’un montant de 1 275 milliards de F CFA ont été conclues et sont entrées en vigueur sur 3 729 milliards d’engagements. A ce rythme, dit-il,  le PAP du PSE connaîtra, à son terme en 2018, un niveau d’exécution très satisfaisant.

 

Ça fait un an que le Sénégal était à Paris pour trouver le financement du Plan Sénégal Émergent. Le président de la République a même annoncé, lors de la visite de Christine Lagarde au Sénégal, que 26% du montant total des engagements financiers ont déjà été mobilisés. Aujourd’hui, comment se présente la situation ?

Nous sommes sur la bonne voie. Aujourd’hui, ce taux de 26% a augmenté pour s’établir à 34% avec les nouvelles conventions de financements signées récemment par le ministre de l’Economie, des Finances et du Plan. En effet, sur les engagements financiers nouveaux d’un montant de 3 729 milliards de F CFA, des Partenaires Techniques et Financiers (PTF) au Groupe consultatif pour le Sénégal, 67 conventions de financements d’un montant de 1 275 milliards de F CFA ont été conclues et sont entrées en vigueur pour l’exécution des projets et programmes inscrits dans le Plan d’Actions Prioritaires (PAP) 2014 – 2018 du Plan Sénégal Emergent (PSE), soit un niveau de mobilisation de 34%. Vous comprendrez que ce taux est évolutif et va connaître un bond au mois de mars 2015 avec la signature programmée de conventions de financement avec la BOAD pour des projets du PSE portant sur l’assainissement, les lignes de transport d’électricité, le programme d’urgence d’électrification rurale et l’assurance agricole.

Avec 34% de niveau de mobilisation, est-ce que les objectifs sont atteints pour cette première année ?

Les objectifs de mobilisation des financements extérieurs qui avaient été fixés à 20% sont ainsi largement dépassés comme l’a si bien relevé Monsieur le président de la République, son Excellence Macky Sall, lors du point de presse animé avec la Directrice Générale du Fonds Monétaire International (FMI). Au demeurant, il convient de souligner l’alignement de la mobilisation de ces financements sur les priorités du PSE.

En effet, les financements nouveaux mobilisés de 1 275 milliards de F CFA concernent principalement les six (6) secteurs prioritaires du PSE que sont : l’agriculture (306,8 milliards F CFA), l’Eau Potable et l’Assainissement (220,6 milliards F CFA), l’Energie (188,8 milliards F CFA), la Santé et la Nutrition (138,7 milliards F CFA), les Infrastructures et services de transports (125 milliards F CFA) et l’Education et la Formation (113,2 milliards F CFA). A cet égard, il s’avère utile de rappeler que ces six (6) secteurs prioritaires concentrent 88% du financement mobilisé conforme aux prévisions du PSE où ces six (6) secteurs absorbaient les 86% du gap de financement.

A côté des Partenaires Techniques et Financiers (PTF) publics, les investisseurs internationaux privés ont également fait confiance à notre pays qui a atteint désormais une stabilisation élevée lui permettant de se financer plus facilement sur le marché. Le Sénégal est bien coté par les grandes agences mondiales de notation, ce qui lui vaut la confiance des investisseurs financiers.

Aussi, l’engouement suscité dans la sous-région pour l’emprunt SUKUK de 100 milliards de F CFA, les premières obligations islamiques émises par un Etat de l’UEMOA et le succès de l’euro bond de 500 millions de dollars américains, d’une maturité de dix (10) ans, émis à un taux de 6,25% contre 8,25% pour le précédent euro bond de 2011,  en constituent une parfaite illustration.

 Le PSE, c’est 27 projets prioritaires ; aujourd’hui, quel est le taux d’exécution des grands projets déjà entamés ?

Je voudrais tout d’abord relever que le PSE, ce n’est point 27 projets prioritaires mais plutôt d’une part, un Plan d’Actions Prioritaires (PAP) comprenant une centaine de projets dont 27 projets phares et d’autre part, des réformes clés. Cependant, sur les projets phares, 14 projets sont lancés, soit un taux d’exécution de 52%. Ces projets comportent 08 en phase Etudes (infrastructures routières et ferroviaires, secteur minier, tourisme et pôles industriels intégrés), 05 projets en phase Exécution (Habitat, Agriculture HVA, Electricité, Corridor, Hub aérien) et  01 projet en phase Exploitation (Zircon). 

Parmi ces projets ayant effectivement démarré, nous pouvons noter : le Développement de Corridors Céréaliers (Programme National d’Autosuffisance en Riz), la restructuration de la filière arachide, le Programme des Domaines Agricoles Communautaires, le Plan sectoriel pilote pour l’artisanat d’art, la Création de Centres de développement artisanal, la Zone Economique Spéciale Intégrée (Zones dédiées aux services d’export prêtes à l’emploi), les Plates-formes industrielles intégrées, le Service Universel de l’énergie (Programme d’urgence d’Électrification rurale), le Projet de construction de l’Université du Sine-Saloum, le Projet de construction de la deuxième Université de Dakar.

52%, est-ce un bon taux d’exécution ?

Oui, c’est un excellent taux pour une première année d’exécution du PSE. Le démarrage effectif de ces projets a contribué à la réalisation du taux de croissance de 4,5% en 2014. A ce rythme, le PAP du PSE connaîtra, à son terme en 2018, un niveau d’exécution très satisfaisant.

Le Plan Sénégal Émergent, c’est aussi les réformes. La directrice du FMI qui a salué la vision exprimée dans ce plan a aussi beaucoup insisté sur la nécessité d’opérer une masse critique de réformes ambitieuses pour augmenter de manière considérable la croissance économique du pays. Qu’en pensez-vous ?

Oui, le PSE a identifié 17 réformes clés pour le succès des projets phares. Ces réformes portent sur l’environnement des affaires et la régulation, les infrastructures, le capital humain, l’économie numérique et le financement de l’économie.

Bien que l’orientation des hautes autorités soit l’accélération de la mise en œuvre des réformes, il n’en demeure pas moins que des réformes majeures ont été initiées, notamment : la restauration des marges de manœuvres budgétaires de l’Etat grâce aux mesures prises pour l’accroissement des recettes budgétaires (modernisation de l’administration fiscale et renforcement du contrôle ayant contribué à l’accroissement sensible des recettes budgétaires de 10% en 2014), la rationalisation des dépenses publiques (restructuration des agences, réduction de moitié de la facture téléphonique de l’administration, gel de toutes les conventions de location de bâtiments à usage de logements et maintien de la baisse opérée, en 2014, sur certaines lignes de dépenses de fonctionnement et suppression progressive des projets dits d’appui institutionnel, figurant dans le budget d’investissement, pour un montant de 25,2 milliards F CFA).

Sans oublier la restructuration du budget d’investissement de 2015 ayant permis d’améliorer sensiblement la qualité de l’allocation des ressources avec la priorité accordée à la qualité des investissements publics. L’amélioration de l’environnement des affaires pour attirer davantage d’investisseurs par la réalisation des réformes en 2013/2014 ont permis au Sénégal de gagner 17 places en 2015 dans le classement de l’Enquête ‘’Doing Business’’  et de réintégrer le Top 10 des meilleurs réformateurs au monde. Ces réformes ont porté en particulier sur l’automatisation des procédures administratives et la mise en place d’un dispositif fiscal et juridique incitatif et simplifié. C’est ainsi qu’elles ont concerné la création d’entreprise, l’octroi du permis de construire, le transfert de propriété, l’accès au crédit, la protection des investisseurs minoritaires et le paiement des impôts et taxes.

 Est-ce à dire donc que c’est l’absence de réformes structurées qui fait que le taux de croissance du Sénégal tourne depuis quelques années autour de 3 voir 4% ?

Il faut tout de même relever une progression de notre taux de croissance qui, de 1,7% en 2011, a atteint 4,5% en 2014 en passant par 3,4% en 2012 et 3,5% en 2013, ce qui est une performance encourageante mais insuffisante, nous en convenons. C’est en mettant en œuvre de façon adéquate les projets du PSE et les réformes clés répertoriées dans le PSE que nous allons consolider la croissance pour atteindre les 7% projetés à l’horizon 2018, tout en réduisant le déficit budgétaire et celui du compte courant de la balance des paiements. 

L’autre question soulevée par la directrice du Fonds monétaire international concerne la subvention de l’électricité. Est ce que le gouvernement est prêt à aller vers une suppression graduelle de cette subvention ?

Dans le secteur de l’énergie, la politique de subvention de l’Etat sera prolongée en attendant que la mise en œuvre du plan de production de l’électricité stabilisé 2013-2017, validé par le Gouvernement en 2014 et basé sur une politique de mix énergétique, puisse engendrer une baisse du prix de l’électricité. En outre, il sera mis en œuvre un important programme de rénovation et d’extension du réseau de transport et de distribution de l’électricité. En même temps, le plan d’urgence d’électrification rurale sera poursuivi, en vue d’atteindre l’objectif de 60% en 2016.

De l’avis de bon nombre d’économistes, le Plan Sénégal Émergent ne peut réussir sans l’apport du secteur  privé. Quel commentaire cela vous inspire ?

Le privé est bien partie prenante du financement du PSE, pour mieux soutenir la dynamique d’une croissance forte, durable et inclusive. Il est attendu du secteur privé un financement de 1 574 milliards de F CFA dont 463 milliards de F CFA sont acquis, soit 29,4%. Le gap de financement de 1 111 milliards de F CFA, soit 70,6%, a été résorbé à l’occasion du Groupe Consultatif, avec le succès qu’a connu le forum des investisseurs.

Depuis lors, et à la faveur de la rénovation de l’environnement institutionnel et juridique du partenariat public-privé (loi PPP et intégration de l’offre spontanée dans le code des marchés publics), il est enregistré un nombre important d’offres de partenariat provenant du secteur privé. Pour certaines de ces offres, elles sont en train de se concrétiser particulièrement dans le domaine de l’habitat social, de l’agriculture et de l’agro-alimentaire ainsi que de la santé tandis que pour d’autres, elles sont en instruction avancée au sein des départements ministériels compétents, sous la coordination du Ministère de la Promotion des investissements, des partenariats et du développement des Téléservices de l’Etat.

En parlant du privé, est-ce que vous avez des stratégies concrètes pour intégrer les PME et PMI dans les projets du PSE ?

Les PME/PMI qui constituent plus de 80% des entreprises locales et contribuent pour près du tiers à la formation du PIB, jouent un rôle central dans le cadre de la mise en œuvre du PSE. Et comme l’a dit la Directrice générale du FMI lors de sa visite de travail effectuée au Sénégal, ‘’l’ambition du PSE, c’est le développement des PME et PMI’’.  C’est ainsi que les problèmes auxquels font face les PME/PMI sont bien identifiés dans le diagnostic du PSE et ont trait à l’accès au financement et aux marchés.

L’Etat a mis en place la Banque Nationale de Développement Economique (BNDE) spécialisée dans le financement des entreprises de même que le Fonds de Garantie des Investissements Prioritaires (FONGIP) qui aide les PME/PMI à satisfaire les exigences de garantie et le Fonds Souverain d’Investissements Stratégiques (FONSIS) qui alloue 20% de ses ressources aux PME par le véhicule du sous-fonds PME institué à cet effet. D’autres stratégies concrètes permettant aux PME/PMI de jouer un rôle de premier plan dans les projets PSE sont relatives aux mesures prises pour faciliter l’accès aux commandes publiques, particulièrement dans les secteurs de l’artisanat et de l’agriculture. 

Aliou Ngamby Ndiaye

 
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