Publié le 16 Sep 2014 - 19:13
MOUSTAPHA NIASSE

Les Ape, «un libre échange entre le lion et la biche»

 

Roi de la formule, Moustapha Niasse, tout en restant optimiste sur l’issue des négociations entre Européens et Africains sur les accords de partenariat économique, n’en a pas moins comparé les Ape à «un libre échange entre le lion (Europe) et la biche (Afrique)». Une image qui est peut-être à rapprocher d’une autre formule tout autant explicite, «le renard libre dans un poulailler libre»…

 

Le président de l’Assemblée nationale du Sénégal a qualifié hier les accords de partenariat économique (APE) de «libre échange entre le lion et la biche». Moustapha Niasse qui prononçait le mot de bienvenue à l’endroit de la délégation des participants à la 17ème session extraordinaire du parlement de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) a prévenu des conséquences d’un mauvais équilibrage entre les poids des uns et des autres. «Il faut trouver l’équilibre pour que le mariage ne débouche pas sur l’assassinat de la biche par le lion», prévient-il. Le président Niasse, très en verve et visiblement en forme (il a préféré faire son discours au pupitre plutôt qu’en restant sur le présidium), considère le libre échange comme un principe de justice.

Mais en dépit des résistances manifestes d’une large frange d’économistes et d’intellectuels inquiets des risques encourus par les pays de la sous-région ouest-africaine en cas d’ouverture non maîtrisée des frontières à l’Europe, Moustapha Niasse, lui, est dans une posture optimiste car le continent peut bien en tirer profit. «L’Afrique est en mesure de relever les défis de l’Ape», dit-il. Cependant, elle n’y parviendra qu’en exigeant avec détermination et lucidité la reconnaissance et la prise en compte de ses droits et prérogatives en matière de développement, tout en préservant ceux de la partie contractante, c’est-à-dire l’Europe.

C’est dans cette perspective sans doute qu’il semble comprendre les accords «spécifiques, partiels et temporaires» signés par le Ghana et la Côte d’Ivoire concernant les produits stratégiques que sont le café et le cacao.

Aujourd’hui, a ajouté Niasse, la question n’est donc plus de savoir s’il faut signer ou pas les accords de partenariat économique, parce qu’il n’est pas question pour les parlementaires sous-régionaux de remettre en cause les grandes lignes déjà définies. Il s’agit tout au moins de savoir à quel degré les Africains doivent-ils élever leur niveau de vigilance afin de ne pas se faire phagocyter par les Européens.

Si les accords sont si préoccupants à ce stade des négociations, c’est que, constate le président du parlement de l’Uemoa, David Dangnon, ils touchent «un pan de nos économies, à savoir l’agriculture et le commerce». D’où la mobilisation de tous. De leur côté, les représentants des peuples de la sous-région ont la latitude de réfléchir une semaine durant sur le type de contrôle, les organes concernés par ce contrôle et les finalités de ceux-ci.

Les Accords de partenariat économique englobent plus globalement l’Union européenne et les pays ACP (Afrique Caraïbes Pacifique) et font face à de vives résistances au sein des sociétés civiles africaines. Lesquelles craignent le démantèlement des marchés agricoles africains et des pertes substantielles de recettes dues à la chute des barrières douanières. A défaut d’obtenir un accord global, l’Union européenne s’est rabattue sur des «accords intérimaires» comme ceux paraphés par le Ghana et la Côte d’Ivoire. Elle menace même, à partir du 1er octobre, de prendre des mesures de rétorsion contre les Etats récalcitrants…

BABACAR WILLANE

 

 

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