Publié le 31 Mar 2015 - 00:25
NOMBREUX REFUS DE LIBERTE

Le cas AIDA NDIONGUE interpelle

 

Depuis son incarcération à la prison des Femmes de liberté VI, Aïda Ndiongue multiplie les demandes de liberté provisoire. Elles ont toutes été rejetées. Ce qui suscite moult interrogations.

 

En prison depuis le 17 décembre 2013, pour escroquerie portant sur des deniers publics d’un montant de 20 milliards 688 millions de francs CFA, Aïda Ndiongue court toujours derrière une liberté provisoire. Mais ses demandes sont systématiquement rejetées. Les trois demandes introduites devant le juge d’instruction n’ont pas connu de succès. Idem pour les deux recours faits devant la Chambre d’accusation. La seule fois où la balance a semblé pencher du côté de l’ex-sénatrice libérale, le Premier-président de la Cour d’appel de Dakar a cassé la composition régulière de la Chambre d’accusation. C’est le juge Demba Kandji lui-même, Premier-président de la Cour d’appel, qui s’est penché sur le dossier avec ses assesseurs. Ils ont rendu un arrêt de confirmation du rejet du juge du 2ème cabinet d’instruction. Sans désemparer, les avocats d’Aïda Ndiongue ont poursuivi leur demande jusque devant le tribunal correctionnel.

Là également, le juge correctionnel a suivi son collègue de l’instruction, car la demande formulée lors de l’audience de première comparution a été rejetée. Quel sort sera réservé à la seconde demande introduite jeudi dernier ? En tout cas, le parquet a montré la voie, en invitant le tribunal à maintenir Aïda Ndiongue, Aboul Aziz Diop et Amadou Ndiaye en prison. Parce que tout simplement, il estime que les prévenus ne remplissent aucune des conditions prévues par la loi. A savoir : le cautionnement ou le remboursement et l’absence de contestations sérieuses. Malgré ces arguments, certains trouvent injustifiés les nombreux refus réservés aux demandes de liberté provisoire d’Aïda Ndiongue et Cie. Pourtant la loi est très claire en matière de détournement de deniers publics. Lorsque le montant du détournement est supérieur à 1 million de francs CFA, le mandat de dépôt est obligatoire, sauf en cas de cautionnement, remboursement ou contestations sérieuses.

Toutefois, ces arguments juridiques ne convainquent point certains observateurs. Pour eux, seule la crainte d’être taxés de corrompus motive la décision des juges. ‘’Aucun juge ne peut prendre la responsabilité de la libérer sous peine d’être accusé de corruption’’, avance un de nos interlocuteurs qui fait allusion au débat suscité à l’époque par le dessaisissement du président de la Chambre d’accusation. Toujours est-il que la défense bat en brèche un tel argument. ‘’Qu’est-ce qu’elle a pour corrompre les juges ?’’ enrage un des conseils de Aïda Ndiongue. Selon ses explications, si la Chambre d’accusation était dans une logique d’accorder une liberté provisoire à leur cliente, c’est parce que les juges avaient leur point de vue sur la question. Mais, se désole la robe noire, qui a préféré parler sous le couvert de l’anonymat, la position de ces juges n’agréait pas à l’époque les autorités. Pour un de ses confrères, c’est la raison pour laquelle il y avait la rumeur sur la corruption.

Les juges doivent assumer leurs actes

D’ailleurs, nos interlocuteurs considèrent que le débat sur la corruption pose le problème de l’indépendance des juges. ‘’S’il y a cette crainte, cela veut dire que les juges ne sont pas indépendants. Or, ils doivent assumer leurs actes, car un juge ne doit pas calculer ni se soucier des quand dira-t-on’’, assène un des avocats de la défense. Un de ses confrères qui a lui aussi préféré s’exprimer sous le couvert de l’anonymat abonde dans le même sens. ‘’Il est vrai que dans certains dossiers, tout acte posé par un magistrat est interprété, mais si les juges n’ont rien à se reprocher, ils n’ont qu’à faire leur travail’’, a soutenu notre interlocuteur. Me Amadou Aly Kane s’est inscrit dans la même logique que ses confrères en laissant entendre que tout ce qu’on demande à un juge, c’est d’appliquer la loi. Et en l’espèce, il estime qu’Aïda Ndiongue mérite une liberté provisoire.

Pour lui, les arguments du parquet ne sont pas fondés, dans la mesure où, argue-t-il, ‘’les biens saisis dépassent le montant du préjudice, et la finalité de la consignation, c’est de sécuriser les deniers de l’Etat’’. ‘’Le but du cautionnement, c’est de garantir le remboursement, en cas de condamnation’’, renchérit un de ses confrères qui qualifie ‘’d’aberration les arguments du parquet’’. Parce que, selon les arguments de l’avocat, la Cour d’appel a rendu, il y a quelque temps, un arrêt accordant la liberté provisoire à une personne inculpée pour détournement de deniers publics. Pour ce cas, l’Etat a même inscrit une hypothèque sur l’immeuble qui a servi de cautionnement. Au-delà de ces arguments, les avocats relèvent qu’Aïda Ndiongue est dans l’impossibilité de cautionner, du fait que tout son patrimoine est saisi. Par conséquent, Me Kane considère que la loi doit être interprétée dans un sens favorable à la prévenue.

Quoi qu’il en soit, liberté provisoire ou pas, le plus important demeure, pour l’un des avocats d’Aïda Ndiongue, la relaxe pure et simple de leur cliente. ‘’Il ne sert à rien qu’elle bénéficie d’une liberté provisoire et qu’elle soit condamnée ensuite’’, déclare un avocat. Mieux, la robe noire souffle que c’est dans l’intérêt de la libérale de ne pas bénéficier d’une liberté provisoire, avant son jugement. L’avocat craint le cas Mouhamadou Lamine Massaly maintenu en prison à cause du parquet qui a fait appel à la décision de mise en liberté provisoire rendue par le juge des flagrants délits. 

FATOU SY

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