Publié le 26 Mar 2015 - 05:40
PANORAMA PAR MAME TALLA DIAW

Golden Boy!

 

Le ciel et la terre. Les nuages et le sol. Caricaturés ainsi, ces deux extrêmes peuvent résumer la vie publique de Karim Wade. Cette fois-ci, c’est le crash. O6 ans de prison ferme et 138 milliards de F Cfa d’amende ! Cependant, c’est sans doute une grande carrière politique qui  s’annonce car les Sénégalais sont prompts à porter haut leurs hommes publics qui ont des déboires judiciaires. Mais qui est cet homme qui a réussi à tenir un pays en haleine depuis son milieu  carcéral ? Il est surtout ce qu’on appelle un ‘’golden boy’’.

 Un ‘’trader’’, entre banques, places boursières et paradis fiscaux, ne devient pas en général un grand homme politique, car il ne sait pas durablement serrer les mains, mettre les mains dans le cambouis, se préoccuper des autres, ou avoir des préoccupations différées de celles liées à ses actions en bourse. Le profit n’est en général que sa seule préoccupation.

Par exemple, on ne le verra pas aller vers Médina Yoro-Foulah ou Windou Thiongoly inaugurer une case de santé ou des abris provisoires devant servir d’école pour des fils de paysans ; jeter quelques sous pour tracer des pare-feux dans le Djolof. Par contre, les palaces londoniens ou parisiens, les jets privés, le jet-ski, les tours de Dubaï, les joailliers d’Anvers, ou les palais africains, sont bien connus de ceux qu’on appelle ici les ‘’traders’’. Ils sont nombreux en Afrique, et estiment que ceux qui sont peu portés vers l’argent manquent d’ambition. C’est bien connu, il ne faut pas généraliser, mais ils ont un trait commun : un insatiable appât du gain.

Entre 2001 et  2012, Karim Wade faisait ‘’la pluie et le beau temps’’; après le départ de son père du palais présidentiel, il va aller dans les sous-sols. Le 17 avril 2013, il va découvrir la vie carcérale. Le candidat du Pds à la prochaine présidentielle n’a pas bonne météo par les temps qui courent. Il le pensait trottinette, c’est un Caterpillar qui est passé sur ses ambitions, car en 2011, le 23 juin, des manifestants investissent la Place Soweto et décident de dire non à un projet de loi qui, à tort ou à raison, voulait faire de lui le successeur de son père. La consigne était claire dans l’esprit de beaucoup de Sénégalais : ce qu’on a appelé la dévolution monarchique du pouvoir était en route dans ce processus politique.

On risquait de se retrouver avec un schéma à l’Equato-guinéenne (père président - fils vice-président et dauphin constitutionnel) ou à la Senghor avec Abdou Diouf en 1980, ou carrément comme dans les monarchies où on sait d’avance qui va succéder à qui, sans que le suffrage universel soit pris en compte, autrement dit donc les citoyens consultés. Les détracteurs de Karim Wade retiennent qu’il n’a jamais remporté un bureau de vote, encore moins un centre, depuis que l’accession de son père au pouvoir l’a jeté dans le bain électoral.

Dans tous les cas, l’Histoire est constante : le peuple sénégalais n’a jamais plébiscité quelqu’un qui n’avait auparavant ‘’mouillé’’ le maillot. Même Abdou Diouf était descendu dans l’arène en 1983, après avoir hérité le pouvoir de son mentor, Senghor. Quand les Dakarois refusent de voter en masse pour son fils, lors des municipales de 2009, lui refusant à l’occasion l’accession à la tête de la mairie de Dakar, le tout puissant président de la République d’alors, Me Abdoulaye Wade, lance un message sibyllin aux Sénégalais. En substance, il leur dit : ‘’Vous pouvez lui refuser vos suffrages, mais je peux le nommer où je veux !‘’ La messe était dite.

Karim Wade et ses amis avec qui il vient d’être condamné par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) ont toutefois des supporters. Beaucoup de partisans. Mais c’est leur mentalité qu’il faut mettre en avant. La recherche de la fortune est avant tout le crédo des golden boys. Ils ont un profil psychologique identique. Ce sont des traders. Ils ne mesurent en général leur réussite qu’au niveau de la masse de leurs comptes bancaires. Ce n’est pas pour rien que la presse financière spécialisée a créé le concept de ‘’comptes vautours ‘’. L’esprit des golden boys peut se résumer en ceci : ‘’On est les plus intelligents, les plus ambitieux, les autres ne doivent vivre que pour servir, et il faut profiter de toutes les opportunités.’’ 

Courtier de banque à Londres, avant qu’il n’ait été porté au pinacle par son père, Karim Wade est bien dans ses cordes. Les énormités que lui reproche la Crei ont quand même montré une chose : c’est un bon financier, apparemment très doué dans le montage financier.

Mais peu de golden boys terminent avec ce label. Ils finissent souvent ‘’silver’’.

 

 

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