Publié le 16 Apr 2015 - 20:18
PANORAMA PAR MAME TALLA DIAW

Pds les Wade sont-il toujours seuls maîtres à bord ?

 

Malgré la bravoure des hommes qui les animent, certaines armées en déroute en arrivent à perdre ce qui fait leur identité profonde, leur raison d’être. Ainsi en est-il du Pds, ou du moins, c’est à cette image que renvoie la guerre des chefs qui mine le principal parti d’opposition de l’une des démocraties parmi les plus stables en Afrique. La ligne prônée par son père fondateur est ouvertement contestée par des larges franges du parti démocratique sénégalais.

C’est que Me Abdoulaye Wade a des intérêts divergents d’avec une nouvelle génération de militants libéraux, comptant certes dans ses rangs des apparatchiks, mais qui pose ouvertement la question de la succession du ‘’vieux’’.  Mais il n’est pas seul dans ce cas. On a vu la semaine dernière un ministre, des parlementaires membres du bureau de  l’Assemblée nationale, des élus contester ouvertement la ligne prônée par le président Macky Sall à propos de la durée de son mandat. Toutefois, si Macky Sall peut ‘’siffler la fin de la récréation’’  dans les rangs de son parti, son prédécesseur ne peut plus le faire car n’ayant plus l’autorité et le pouvoir nécessaires pour cela, bref, n’étant plus le chef de la cour pour pouvoir décréter le terme de la promenade.

Là où l’ancien président de la République cherche à trouver une solution au drame que constitue pour lui et sa famille la peine (six ans de prison ferme et amende de 138 milliards F Cfa) que la Crei a infligée à son fils, Karim Wade, en face, des ‘’historiques’’, et pas des moindres, soulignent que ce dernier est en grande partie la cause de leur perte du pouvoir en 2012. Qu’il n’a pas été un militant engagé lors des années d’opposition au Ps ; que sa connaissance des structures et des (toujours nombreux) femmes et hommes du Pds est limite, bref que ce serait ‘’une dévolution monarchique’’  non plus du pouvoir, mais d’un statut, d’une chefferie très importante dans le jeu politique sénégalais. 35% des électeurs ont voté pour Me Wade lors du deuxième tour de la dernière présidentielle.

Mais Me Wade, au finish, a réussi à faire accepter dans la douleur la désignation du célèbre prisonnier comme candidat du Pds à la prochaine présidentielle. Dans la douleur, car cette Opa des Wade sur le Pds apparaît crûment, sans pudeur, dans une nudité propre à la perte du pouvoir qui sait, par essence, cacher ses hantises et problèmes. Beaucoup ont taillé la route : l’ancien président du Sénat (numéro deux constitutionnel du régime libéral), le dernier PM de Me Wade, son ancien directeur de cabinet, les nouveaux transhumants, des alliés ‘’religieux’’, même parmi ceux qui ont toujours courbé l’échine, relèvent la tête à défaut d’observer un silence éloquent. Il était retenu que le congrès du Pds se réunisse le 8 août prochain pour désigner son nouveau leader. Car c’est une chose que d’être le candidat d’un parti à la présidentielle, c’en est une autre que d’être son secrétaire général. 

LES FRONDEURS

Le Pds n’est pas un parti pauvre. Loin s’en faut. Ces dernières semaines, la vente d’une partie du patrimoine foncier du parti a débuté. Le site est sur la Vdn de Dakar, accolé à la permanence nationale Oumar Lamine Badji; il serait évalué à six (06) milliards F Cfa, mais le terrain a été immatriculé au nom de Wade-père. Des milieux libéraux sont pour que la propriété soit mutée au nom du parti. Ce n’est pas le seul enjeu. Être secrétaire général du Pds, c’est aussi être l’interlocuteur direct de plusieurs chefs d’Etat et de gouvernement au sein de l’Internationale libérale, avec des appuis extérieurs conséquents à la clé. C’est surtout la perspective de devenir le chef de l’opposition (dont le statut est toujours ignoré dans les planifications), à moins qu’un des grands alliés du président Macky Sall ne rompe la dynamique d’alliance au sein de ‘’ Benno Bokk Yaakaar’’, l’actuelle majorité présidentielle. Les partisans de Karim Wade, en poussant ‘’le vieux’’  à conserver le poste de secrétaire général du parti (si ce n’est pas le contraire) au-delà du congrès d’août prochain, dévoilent leur stratégie : il faut chauffer la place, en attendant la fin de la tornade judiciaire et des lendemains meilleurs.

Cette insistance du ‘’Pape du Sopi’’  à imposer ‘’le militant Karim’’  à la tête de son parti, à défaut d’avoir pu lui donner l’Etat en 2012 par procuration, sert de marqueur dans l’observation des tumultes qui agitent la formation libérale. C’est un premier jalon posé par l’ancien président de la République dans son dernier projet politique : mettre et de manière durable le pied de son fils à l’étrier, quoi qu’il puisse lui en coûter, convaincu qu’il est de son destin présidentiel. Le tohu-bohu médiatique de ces derniers jours révèle la profondeur des lignes de fracture. La mèche a été allumée quand l’idée de faire de Me Wade un acteur-clé de la prochaine présidentielle, en demeurant secrétaire général du Pds, a germé dans les cercles ‘’karimistes’’.  

 ‘’Me Abdoulaye Wade va rester secrétaire général du Pds jusqu’à la prochaine Présidentielle. C’est une décision du parti’’. Ces propos de Mayoro Faye, membre du comité directeur du Parti démocratique sénégalais (Pds), ont été contredits par Ababacar Bâ, ancien maire libéral de Khombole. Pour ce dernier, ‘’au niveau des instances du parti, notamment le comité directeur, jamais nous n’avons débattu de cela. Il faut savoir et retenir ce qui est réel. Le frère secrétaire général Abdoulaye Wade, le 31 décembre passé, a fait un message en disant que le 8 août, il organisera un congrès au cours duquel nous allons élire le nouveau secrétaire général’’. Ambiance. Les ‘’frondeurs’’  jouent leur avenir politique ; Me Wade de son côté semble exaspéré par ce qu’il considère comme des non-priorités devant le sort que connaît son fils.

 

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