Publié le 17 Apr 2024 - 15:33
PREMIÈRE VISITE OFFICIELLE EN GAMBIE ET EN MAURITANIE

Diomaye Faye pose les jalons de sa diplomatie de bon voisinage

 

Le président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, entame une visite diplomatique en Mauritanie et en Gambie, marquant sa première sortie officielle depuis son investiture. Cette tournée régionale, riche en enjeux, vise à renforcer les liens avec les voisins directs du Sénégal et à promouvoir une série d'initiatives bilatérales dans des domaines clés tels que la sécurité et la gestion des ressources naturelles. Cette démarche s'inscrit dans un contexte de collaboration accrue et de défis communs, soulignant l'importance stratégique des relations entre ces nations ouest-africaines.

 

Zéro problème avec nos voisins, c’est la théorie d’Ahmet Davutoglu, l’ancien Premier ministre du président turc Erdogan et son ancien conseiller, que la diplomatie sénégalaise va mettre en pratique. Après la Mauritanie, cap sur la Gambie. Le cinquième président du Sénégal a choisi la diplomatie de voisinage pour ses premières sorties à l'étranger. Bassirou Diomaye Faye, après sa visite prévue ce 17 avril à Nouakchott, est attendu le 20 avril en Gambie. 

Cette visite est un indicateur de la politique extérieure du nouveau régime. Pour le journaliste au ‘’Soleil’’, spécialiste des questions internationales, Oumar Ndiaye, c’est une suite logique de la politique étrangère définie par Bassirou Diomaye Faye. ‘’C’est tout à fait normal, car on ne parle plus du ministère des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur, mais du ministère des Affaires et de l’Intégration africaine. Au même moment, le président mauritanien est actuellement le président de l’Union africaine en exercice’’, explique-t-il au micro d’iRadio.

‘’S’il avait débuté ces sorties officielles en Occident, cela pourrait prêter à confusion…’’

Pour le journaliste qui s’intéresse aux questions islamiques et maghrébines, cette visite revêt un triple caractère symbolique. ‘’Le nouveau régime voudrait réaffirmer un message clair sur le panafricanisme. Le discours sur le panafricanisme et le recentrage des intérêts africains pour les Africains a été noté tout le long du projet Pastef. Ils sont conscients qu’avant d’aller ailleurs, ils ont choisi les pays limitrophes. S’il avait débuté ses sorties officielles en Occident, cela pourrait prêter à confusion sur les choix politiques. Les deux pays sont liés par le caractère culturel, des projets communs sur le plan économique, le Projet Grand Tortue Ahmeyim (GTA), les questions sécuritaires, les deux pays partageant des centaines de kilomètres de frontières. Tout cela peut expliquer le fait que le président Diomaye commence par ces pays’’, explique-t-il.

Par ailleurs, au-delà de cet angle économique, les défis sécuritaires sont aussi évoqués par Amadou Moctar Ann, analyste géopolitique qui a passé cinq ans au cabinet stratégique Anticip Risk and Co. Il relève qu’au-delà de ces enjeux énergétiques, le Sénégal et la Mauritanie entretiennent des relations diplomatiques, commerciales et sécuritaires étroites. Leur appartenance commune à l'Organisation de la coopération islamique (OCI) témoigne de cette volonté de coopération.

Sur le plan sécuritaire, les deux pays ont intérêt à renforcer leur coopération, dans le cadre d'un programme d'échanges d'expériences. Ils sont tous deux de bons élèves en matière de lutte contre le terrorisme. Nouakchott a réussi à protéger ses frontières grâce à une politique préventive et musclée, mais aussi en privilégiant le dialogue et la pédagogie, ce qui dissuade souvent les terroristes potentiels. ‘’Le seul bémol est l'épineuse question des incidents entre les pêcheurs sénégalais et les forces de sécurité mauritaniennes. Il est urgent de la résoudre. Le président Faye aura ainsi l'occasion de consolider ces liens lors de sa visite en Mauritanie’’, annonce le chercheur.

Dans une approche prospective, Amadou Moctar Ann souligne que ‘’la position géographique stratégique du Sénégal, au cœur de zones considérées à risque (terrorisme au Mali, transit de stupéfiants en Guinée-Bissau et instabilité politique en Guinée) a façonné ses relations. Membre de la CEDEAO et de l'UEMOA, le Sénégal entretient des liens diplomatiques, commerciaux et sécuritaires étroits avec ces pays limitrophes’’.

Pour beaucoup d'observateurs, ces visites marquent donc des moments importants pour asseoir l'autorité et la vision du nouveau président sénégalais sur la scène internationale, tout en cherchant à promouvoir les intérêts stratégiques du Sénégal dans la sous-région.

Le choix des pays limitrophes renseigne aussi sur la volonté de ces nouveaux acteurs. Ils veulent montrer aux Sénégalais qu’ils mettent en avant ou en priorité les intérêts régionaux et sous-régionaux.  

Amadou Moctar Ann : ‘’Le président Faye devra ainsi naviguer avec prudence sur ces sujets épineux…’’

Pour Son Excellence Bassirou Sène, ambassadeur du Sénégal en Gambie, cette visite à Banjul est absolument normale au regard des liens géographiques et historiques qui liens les deux pays. ‘’Depuis l’avènement du président Adama Barrow et l’érection du pont de la Sénégambie et les bus Sénégal Dem Dikk entre Dakar et Banjul, on a senti un regain d’activité entre les deux pays.  Nous en sommes très satisfaits de cette visite que nous préparons… En relation avec le protocole présidentiel et le gouvernement gambien pour permettre à nos deux chefs d’État de s’entretenir sur des questions de coopération’’, dit-il au micro de nos confrères d’iRadio.

Les relations entre le Sénégal et la Gambie sont également marquées par une longue histoire commune. En 1982, les deux pays s'étaient même associés au sein de la Confédération de la Sénégambie, avant que celle-ci ne soit dissoute en 1989. Depuis, les liens bilatéraux se sont renforcés, notamment avec la signature d'accords dans les domaines de la défense, de la sécurité, des affaires consulaires et du tourisme, en 2017.

Cependant, certaines questions sensibles subsistent, comme la présence des troupes sénégalaises en Gambie, dans le cadre de la mission Ecomig de la CEDEAO. Cette intervention, qui fait suite à la chute de l'ancien président Yahya Jammeh en 2017, soulève des interrogations au sein de la société civile des deux pays. ‘’Le président Faye devra ainsi naviguer avec prudence sur ces sujets épineux, tout en réaffirmant la volonté partagée de renforcer le partenariat stratégique entre le Sénégal et la Gambie’’, conseille Amadou M. Ann.

En choisissant la Mauritanie et la Gambie pour sa première visite officielle hors du pays, le président Faye démontre sa détermination à placer la diplomatie du bon voisinage au cœur de sa politique étrangère. Cette approche, ancrée dans le respect mutuel et la recherche d'intérêts communs, devrait permettre de consolider la position du Sénégal dans son environnement immédiat et de contribuer à la stabilité régionale.

AMADOU CAMARA GUEYE

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