Publié le 27 Aug 2014 - 21:07
PROCÈS KARIM MEÏSSA WADE

Rien de neuf sous le soleil

 

C’est à 10h du matin tapantes que commence hier l’audience qui marque le 9e jour effectif du procès de Karim Meïssa Wade. Comme à l’accoutumée, à l’arrivée des juges, le box est plein. Aussitôt appelés à la barre, les prévenus sont comptés comme autant de têtes de bétail, avant que le Président n’annonce que Mbaye Ndiaye est excusé de comparution jusqu’à la fin des exceptions, rejoignant ainsi Bibo Bourgi sur le banc de touche réservé aux grands malades.

Confus, et pas que peu content, l’intéressé ne demande pas son reste, laissant (provisoirement) Karim à son triste sort. L’ex-super ministre, après son bain de foule matinal, s’est tranquillement assis sur son banc désigné, calepin et Bic à la main comme toujours, et commence déjà à faire des signes à ses avocats et à prendre des notes.

Rien de neuf sous le soleil, comme on dit.

Le premier avocat de la défense à ouvrir le bal des répliques est Me Ciré Clédor Ly. Ce qui n’augure rien de bon, puisque l’homme est autant connu pour être l’un des plus brillants pénalistes du pays que pour faire des plaidoiries à rallonge. La robe noire reste plus de deux heures à la barre en ayant sous les yeux des piles d’ordonnances, jurisprudences, livres de loi et autres décisions de justice. D’ailleurs, quand il remercie enfin les juges, on a peine à croire au miracle. C’est dans une certaine stupeur générale que Me Souleymane Ndéné Ndiaye lui succède à la cour.

Expéditif, ce dernier va vite être remplacé à la barre par Me Madické Niang qui, de par la légendaire politesse qui est la sienne, va abréger son propos, puisqu’on est alors presque à l’heure de pause, pour mieux le reprendre à 15h… Cela, non sans au passage taxer le Parquet d’avoir mis en place une «ingénierie procédurale imparfaite et mal conçue» à seule fin de garder son client, Karim-Wade-fils-de-son-père, en prison ! Me Niang satisfait, le témoin est passé à Me Cassart, qui s’en prend vertement à Alioune Ndao et son substitut : «C’est tout bonnement abracadabrantesque toutes les fables et arguments infondés avancés par le parquet pour justifier une procédure qui ne tient pas la route !» tonne l’avocat parisien qui, en passant, informe qu’il est un associé du fameux Me Farthouat.

Au cours de sa plaidoirie lui donnant des faux airs de Galahad en quête du Saint-Graal, Me Nicolas Cassart fait de nombreuses allusions et références d’assez haute facture intellectuelle qui passent, bien sûr, au-dessus de la tête de la grande majorité de l’assistance («Ce bidouillage procédural, c’est du Kafka réinventé!» dit notamment l’avocat) ! À la tombée du rideau, c’est sans surprises que l’avocat quitte la barre dans un silence de cathédrale… Trop d’intellectualisme tue l’intellectualisme, Maître !

‘’Des avocats Benno Bokk Yaakaar’’

Me Moustapha Ngom, lui succédant, ne commet pas l’erreur de faire dans la dentelle. «Les avocats de l’État sont des avocats Benno Bokk Yaakaar ! Mon client, Mamadou Pouye, ce n’est pas un porteur de valises… ni de serviettes !» s’exclame-t-il. Il a aussitôt l’assentiment du public. Dans le box des accusés, Karim Wade applaudit… Quand on vous dit que les Sénégalais sont des gens simples !

Lorsque Me Abdou Dially Kane prend la parole, c’est pour annoncer une triste nouvelle à l’assistance : la sœur d’un des inculpés, M. Agboba, est décédée récemment sans que son frère ait pu quitter le Sénégal pour lui parler une dernière fois. Concluant enfin les plaidoiries de la journée, le tonitruant Me Baboucar Cissé va heureusement réchauffer l’atmosphère, en se moquant de son propre travers, à savoir qu’il crie plus qu’il ne parle à la barre : «Me Abdou Dially Kane a le même tempérament que moi. Ça se voit que j’ai déteint sur lui du temps où il était mon stagiaire !», se moque-t-il gentiment des cris poussés plus tôt à la barre par son collègue.

SOPHIANE BENGELOUN

 

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