Publié le 16 Sep 2014 - 16:54
PROCES KARIM WADE - INTERROGATOIRE D’ALIOUNE SAMBA DIASSE

Le DG d’ABS entre dénégations, amnésie et contradictions  

 

Dénégations, trous de mémoire, contradictions ont marqué hier l’interrogatoire de Alioune Samba Diassé, le dernier des présumés complices de Karim Wade à défiler à la barre de la Cour de l’enrichissement illicite (CREI) pour l’interrogatoire d’audience.

 

Après les sociétés AHS (Aviation handling service), Mendzie middle east and Africa, Mendzie Afrique,… hier la Cour de répression de l’enrichissement a tenté de résoudre l’équation ABS (Aéroport bus service) SA, une société chargée du transport des passagers à l’aéroport. Mais celui qui est censé apporter des éclairages s’est réfugié derrière des dénégations systématiques.

«Expliquer les faits qui me sont reprochés ? Je ne reconnais pas les faits», a lancé Alioune Samba Diassé au président Henry Grégoire Diop après la notification des faits de complicité d’enrichissement illicite qui lui sont reprochés. Ainsi, si ce n’était pas de l’amnésie, Alioune Samba Diassé, considéré comme un prête-nom pour Karim Wade, se réfugiait derrière «la torture» exercée par les gendarmes sur sa personne, se laissant prendre souvent dans ses contradictions.

Toujours est-il que Diassé a clamé être le seul et unique propriétaire de ABS SA. «Pouye, je l’ai vu une ou deux fois, Bibo me l’a présenté comme son collaborateur mais il n’est pas actionnaire. Karim Wade, je le connais comme tous les Sénégalais. Ibrahim Aboukhalil est actionnaire avec moi à ABS Corporate  à 50%», s’est-il défendu.

Une domestique et une secrétaire utilisées comme prête-noms

Il résulte de ses explications que la société a été créée en juillet 2002, avec un partenaire allemand, après son départ un an auparavant de l’entreprise Bourgi Transit, une société appartenant à un des oncles de Bibo Bourgi. «Wolf et moi, on avait prévu d’avoir chacun 50% des actions mais finalement chacun a eu 45%», a renseigné le prévenu. Qui confie avoir fait porter les 10% à la nommée Fatou Babou tandis que son partenaire Allemand avait choisi une certaine Véronique Manga. Seulement il se trouve que la dame Babou que Diassé appelle affectueusement «Tante» est secrétaire à Bourgi transit. Quant à la dénommé Véronique, l’enquête a révélé qu’elle est la domestique de la mère d’un autre prévenu, Pape Mamadou Pouye.

A la barre, Diassé a allégué que Véronique est la copine de son partenaire allemand. Sur les raisons qui l’ont poussé à «donner» les 10% à sa tante, il a rétorqué que c’était pour pouvoir contrôler la société mais aussi pour éviter qu’on lui dise que Wolf n’existe pas en cas de problème. Ses réponses n’ont apparemment pas convaincu les juges d’autant qu’après le retrait de Wolf de la société avec une contrepartie estimée à 40 millions de francs CFA, la prétendue copine détenait toujours des parts, soit 3%. Idem pour sa tante qui s’est retrouvée avec la même part ainsi que son épouse.

Interpellé sur cette répartition surtout à l’endroit d’une personne qu’il ne connaissait pas, Diassé a répondu : «cela, on peut me le reprocher». Et de poursuivre : «J’ai agi dans la précipitation car je ne reste pas longtemps à Dakar. Au départ, je voulais tout donner à ma famille mais je ne voulais pas prendre trop de risques pour ma  famille car j’avais trop de dettes.»

240 millions versés alors qu’il avait moins de 2 millions dans son compte

Une autre contradiction et incongruité relevées par le substitut du procureur spécial est liée à la somme de 240 millions de francs CFA ayant servi à l’augmentation du capital de ABS SA en novembre 2003. Car, l’accusation a révélé que Diassé, durant cette période, avait moins de deux millions de francs CFA dans son compte. Mais le prévenu a déclaré à la barre que les 30 millions lui ont prêtés par son beau-frère, tandis que les 210 millions restants et qu’il avait gardés chez lui proviennent de ses économies issues de ses activités de transit, de change et de vente d’encens. Alors, le substitut spécial Antoine Félix Diome lui a rappelé qu’à l’enquête, il disait que l’argent provenait des profits générés par la société. Diassé a rétorqué : «j’avais dit à l’enquêteur de me laisser consulter mes documents».

Près d’1 milliard versé par ABS SA à ABS Corp après rupture de contrat

Alioune Samba Diassé a également été interrogé sur le changement de dénomination d’ABS. Le prévenu a soutenu qu’en 2006, la société s’appelait «Airport bus service». Or une lettre brandie par le parquetier porte l’entête Aéroport bus service. Il a aussi été invité à s’expliquer sur des virements de plusieurs millions de francs CFA effectués en 2007, 2008, 2009 et 2011 à ABS corporate alors qu’il prétend que le contrat a été rompu depuis 2006. D’après Diassé, la rupture du contrat porte uniquement sur l’assistance technique. Ainsi les 79 millions, 242 millions, 342 millions et 216 millions versés successivement ont servi à l’achat de trois Cobus et au paiement de facture pour le montant versé en 2008.

Quid du processus de création d’ABS corporate ? «Au moment de l’acquisition des bus, les allemands avaient exigé de travailler avec une société européenne. Alors j’ai contacté un cabinet fiduciaire qui a créé ABS corporate», aurait-il déclaré aux gendarmes. Niant ces propos, Diassé a affirmé l’avoir créée aussi avec Bibo sur proposition de ce dernier avec un compte logé aux Iles Vierges Britanniques. ABS Corporate, selon le prévenu, avait pour but d’assurer la commercialisation des bus ABS en Afrique centrale et occidentale mais faisait l’assistance technique pour ABS SA. «ABS corporate envoyait des techniciens en cas de problème. Mais également, si j’avais besoin de bus, je l’achetais auprès de ABS corporate», a-t-il soutenu. Or à l’enquête de gendarmerie, il avait indiqué que les pannes étaient réparées par des techniciens sénégalais formés à Cobus.

Un autre point sur lequel le prévenu s’est laissé aller dans des contradictions, c’est par rapport aux comptes de la société. En effet, devant la cour, le directeur commercial d’ABS corporate qui avait pour DG Bibo Bourgi a indiqué n’avoir jamais dit qu’il manquait visibilité financière sur la société. Or, lui a rappelé le substitut spécial, «lorsque les juges vous ont demandé comment s’effectue le partage des dividendes, vous aviez répondu que vous n’avez jamais vu de bilan ni de dividendes. Seule la somme de 1 400 euros issues de vos frais de missions vous a été versée»... 

FATOU SY

 
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