Publié le 16 Oct 2014 - 22:45
PROCHE-ORIENT

Les députés britanniques reconnaissent un Etat palestinien

 

Les députés britanniques se sont prononcé lundi soir pour la reconnaissance d’un Etat palestinien dans une motion  appelant leur gouvernement à en faire de même, mais le vote était non contraignant. Dix jours après l’annonce faite par la Suède, immédiatement critiquée par Israël, qu’elle allait reconnaître l’Etat de Palestine, les parlementaires britanniques ont adopté par 274 voix contre 12 une motion appelant le gouvernement britannique «à reconnaître un Etat palestinien aux côtés de l’Etat d’Israël» comme une «contribution pour assurer une solution négociée consacrant deux Etats» dans cette région.

Des nations européennes comme la Pologne ou la Bulgarie ont reconnu l’Etat palestinien en 1988, alors qu’elles faisaient encore partie du bloc soviétique. Au total, l’Autorité palestinienne se prévaut de la reconnaissance de 134 pays, dont le Brésil et l’Argentine. Le vote des députés britanniques ne va rien changer dans l’immédiat, puisqu’il revêt un caractère purement symbolique et que le gouvernement de David Cameron ne sera pas contraint de s’y conformer.

Mettre fin à l’occupation

La position du gouvernement «est très claire et ne va pas changer», quelle que soit l’issue du vote, avait insisté un porte-parole de Downing Street à l’ouverture des débats lundi après-midi. Le Royaume-Uni s’était abstenu en 2012 lors du vote sur le statut d’Etat observateur à l’ONU pour la Palestine. Durant les débats, le ministre chargé du Moyen-Orient, Tobias Ellwood, a souligné qu’un Etat palestinien ne serait reconnu que lorsque le moment sera jugé approprié.

«Les aspirations du peuple palestinien ne peuvent être pleinement réalisées tant qu’on ne mettra pas fin à l’occupation [...] et nous pensons que cela n’arrivera que par le biais de négociations», a indiqué Tobias Ellwood. Seule la fin de l’occupation assurera qu’un Etat palestinien puisse devenir une réalité sur le terrain, selon lui. «Le Royaume-Uni reconnaîtra un Etat palestinien lorsque que nous estimerons que cela pourra apporter la paix», a-t-il insisté.

La motion avait été déposée par le député travailliste Grahame Morris et a obtenu l’appui de nombreux débutés du Labour et des partis conservateur et libéral-démocrate au pouvoir. La coalition avait assuré n’avoir donné aucune consigne, alors que plusieurs députés travaillistes pro-Israël s’opposaient à la motion.

«Responsabilité historique»

«La Grande-Bretagne a une responsabilité historique et morale» de reconnaître l’Etat de Palestine, a estimé le député conservateur Alan Duncan, ancien secrétaire d’Etat au développement international, renvoyant au mandat britannique sur la Mésopotamie et sur la Palestine au XXsiècle. «Ça fait trop longtemps que la Palestine est occupée, que ses habitants vivent une vie misérable.

Que les Israéliens continuent, petit à petit, à construire sur des terres qui ne leur appartiennent pas. Il est grand temps que le monde reconnaisse l’Etat palestinien comme l’ont déjà fait 134 pays auprès des Nations Unies», avait insisté l’ancien ministre sur Sky News. Une reconnaissance, même symbolique, d’un Etat palestinien par Westminster pourrait inspirer «d’autres Etats de l’UE» à s’engager dans la même voie, a affirmé l’auteur de la motion.

Lundi, la diplomatie française a répété qu'«il faudrait bien, à un moment, reconnaître l’Etat palestinien», des mots déjà utilisés par le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, cet été.

Selon Grahame Morris, un vote positif au Parlement britannique permettra également d’exercer «une pression énorme sur le gouvernement actuel et le suivant» au Royaume-Uni, qui doit élire son nouveau Premier ministre en mai 2015. Pendant la guerre meurtrière cet été à Gaza, la politique du gouvernement Cameron a été vivement critiquée et des manifestations propalestiniennes hebdomadaires ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes à Londres. Le 5 août, la secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, Sayeeda Warsi, avait même démissionné en réaction à une position britannique qu’elle a qualifiée de «moralement indéfendable».

Israël mécontent

D’autres membres du Parti conservateur avaient exprimé leur malaise et le leader du Parti travailliste, Ed Miliband, avait regretté le silence «injustifiable» de David Cameron sur la mort de centaines de «Palestiniens innocents». Depuis, un cessez-le-feu est entré en vigueur mais le processus de paix est enrayé et les perspectives de résolution du conflit israélo-palestinien semblent très sombres. «Les négociations sont au point mort. Nous devons trouver une manière de leur insuffler une nouvelle vie et l’une des manières de le faire est de reconnaître l’Etat palestinien», a insisté Sayeeda Warsi dans une interview accordée à l’hebdomadaire The Observer ce dimanche.

Israël a estimé que le vote du Parlement britannique nuisait à la recherche de la paix. «Une reconnaissance internationale prématurée envoie aux dirigeants palestiniens le message alarmant qu’ils peuvent se soustraire aux choix difficiles que les deux parties ont à faire, et sape les chances d’atteindre une paix véritable», dit un communiqué du ministère israélien des Affaires étrangères.

L’Autorité palestinienne a salué ce vote comme «un pas important en direction de la justice et de la paix». «Notre droit à l’autodétermination n’est pas un objet de négociations», a dit dans un communiqué au nom de l’Autorité palestinienne Hanan Ashrawi, rejetant ainsi l’objection israélienne selon laquelle une telle reconnaissance doit passer par des négociations avec Israël. «La reconnaissance de la Palestine ne dépend pas de l’issue de négociations avec Israël et ne fera l’objet d’aucune transaction de notre part ; une telle prétention n’est pas seulement injuste, elle est immorale», a dit Hanan Ashrawi, membre du comité exécutif de l’OLP, qui chapeaute l’Autorité palestinienne.

AFP

 

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