Publié le 29 Jan 2015 - 18:48
PROFIL DES ACCUSES

Trois mules pour une même drogue

 

Michael Offia Kalu, Livinus Okechukwu Chiamaka et Diwere Orondobo ont tous été jugés hier en Assises, à cause d’une seule et même chose : la cocaïne. Cette substance prohibée, une « drogue à haut risque », selon le code de procédure pénale, a été ingérée sous forme de pastilles sécables par le premier et le dernier, alors que le deuxième, Livinus Chiamaka, l’avait transporté dans le double-fond de sa valise.

Tous les trois, des Nigérians (une chose qu’on devine à la seule consonance de leurs patronymes), ont reconnu les faits, invoquant unanimement la clémence de la Cour. Jusque-là, pas de différence entre les mis en cause… Ce n’est pas pour autant que s’arrêtent les coïncidences les concernant ! Ils ont tous les trois débarqué d’avions en provenance de pays lusophones (le Portugal pour Kalu et Orondobo et le Cap-Vert pour Chaimaka). Mais la chose la plus troublante est d’avoir été arrêtés à l’aéroport, dans un intervalle de moins de trois mois. En effet, il semble que c’est sur un véritable cartel que les agents des douanes avaient mis la main, en arrêtant ces trois mules qui, depuis 2009, étaient sous les verrous.

Premier à passer à la barre, hier, lors de cette 3e journée de la présente session d’Assises, Michael Offia Kalu est un étudiant de 33 ans qui, selon ses dires, résidait en Italie au moment des faits. Il séjournait en Europe grâce à son statut de réfugié, ayant été expulsé du Nigeria, du fait de son appartenance à une association de défense de la communauté Igbo du Biafra. S’il n’a pas nié avoir été en possession de la drogue retrouvée dans son estomac (une chose qu’il aurait, de toute façon, du mal à faire), il a déclaré qu’elle lui a été donnée « par un policier », « afin de soulager son rhume ».

Cette déclaration à l’instruction ajoutée au fait que, d’après son passeport, Mickael Kalu voyageait beaucoup, bien qu’il n’ait pas d’emploi (il était maçon au Nigeria, mais ne travaille plus depuis avoir immigré), font qu’il n’a pas été cru… Surtout que l’accusé a ajouté être venu à Dakar pour « trouver un visa » à sa fiancée, une demoiselle dont on n’a jamais entendu parler, tout en reconnaissant ne pas avoir de contacts ici, puisque c’est son premier voyage au Sénégal.

Beaucoup moins loquace et apparemment plus naïf, à défaut d’être honnête, Livinus Chiamaka a été le deuxième accusé jugé hier. D’âge inconnu (sa date de naissance ne figurant pas dans l’ordonnance de renvoi), il a déclaré qu’il était à la fois commerçant et restaurateur. Établi à Praia, il était en route pour le Nigeria, lorsqu’il a été arrêté à Dakar, lors d’une escale. Célibataire, sans enfants, il dit n’avoir pas eu de problèmes d’argent particuliers au moment des faits. Bien qu’il ait reconnu que la drogue a été retrouvé par devers lui (plus précisément, dans sa valise), il a ajouté qu’il ignorait qu’elle s’y trouvait, jusqu’au moment de la fouille par les douaniers.

Ainsi, Chiamaka a expliqué qu’un certain « Mister Joe », croisé à l’aéroport de Praia, lui avait demandé, à titre de service, de convoyer ledit bagage jusqu’à son « frère » qui vit au Sénégal… Du nom d’Alassane Ndiaye, ce dernier n’a jamais pu être contacté par les brigadiers, ce qui laisse l’accusé seul répondre des charges de trafic international de drogue.

Diwere Diwere Orondobo a été le dernier « diplomate » nigérian entendu hier. Transportant lui aussi la drogue dans son estomac (il a « expulsé » 21 boulettes soit 300g de cocaïne pendant sa garde-à-vue), il a également reconnu les faits.

Né en 1972, soudeur de profession, il est marié et père de deux garçons. Sa famille résiderait en Espagne avec lui, et son père malade logerait lui aussi sous le même toit. C’est ce facteur de maladie, combinée à des difficultés financières, qui aurait poussé l’accusé à accomplir la funeste mission pour laquelle il s’est retrouvé, hier, devant les juges. En effet, l’accusé a dit « regretter amèrement son geste », avant de jurer de « ne plus recommencer », tout en précisant avoir fait l’objet de menace lorsque, une fois à Lisbonne, il avait eu des scrupules à ingérer sa « cargaison ». « Les passeurs m’ont appelé au téléphone pour me passer mon père qui hurlait de l’autre côté du combiné. J’avais déjà pris leur argent, je ne pouvais plus reculer», s’est-il  défendu à la barre.

 

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