Publié le 17 Sep 2014 - 11:38
QUETE DU MOUTON DE LA TABASKI

Séwékhaye, témoin privilégié du désarroi des gorgorlous

 

A quelques trois semaines de la fête de l’Aid El Kabir, communément appelée Tabaski, le gigantesque foirail de Séwékhaye, dans la commune de Ngoundiane, reste le point de mire d’un nombre impressionnant de responsables de famille qui ne ferment plus l’œil. A Séwékhaye, considéré comme le plus grand marché de bétail au Sénégal, le mouton ne se vend pas à moins de 70 000 F.CFA, cette année. Un état de fait qui préoccupe les fidèles clients de ce foirail accoutumés à trouver des têtes à portée de bourse.

 

La région de Thiès qui se singularise par sa voie ferrée n’est pas seulement le carrefour du Kajoor. Elle est également un important point de débarquement de moutons en provenance de toute la sous-région, à travers le foirail de Séwékhaye. Il se situe à hauteur du croisement Ngoundiane, dans le village du même nom, sur la route nationale numéro 2, qui se trouve, depuis 2010, le point de ralliement des fidèles en période de Tabaski. Dans la région, il y a également les foirails de Touba Toul et de Khombole.

Lieu de prédilection de la vente de bétail lors des grandes fêtes musulmanes, Séwékhaye, comme à l’accoutumée, replonge dans cette traditionnelle routine de veille de Tabaski. Ils sont encore là, très nombreux, les clients, ces braves pères et mères de famille, anxieux, angoissés, dans un tohu-bohu indescriptible, à la recherche, presque incertaine du mouton de Tabaski, ce, dans le seul souci de ne pas décevoir la progéniture.  

Ils ont en face des vendeurs qui semblent avoir une pierre à la place du cœur. Ici, la poussière soulevée par les troupeaux de moutons est mêlée  aux excréments et aux bruits des camions débarquant le bétail. Elle est là, la masse des clients, qui tourne en rond toute la journée durant, inutilement, respirant l’air crasseux, toussant, se faufilant entre les bêtes, mais, hélas ! ne trouvant pas leur compte.  ‘’Les moutons sont extrêmement chers. L’année dernière, c’était cher, mais cette année, c’est encore pire, car le mouton que j’avais acheté à 70 000 F Cfa,  cette année, il est proposé entre 130 000 F Cfa et 140 000 F Cfa’’, s’étrangle presque un client, les sandales éclaboussées par les excréments des animaux.

La soixantaine révolue, une corpulence moyenne, Vieux Cheikhna Ndiaye, un fonctionnaire à la retraite, n’arrête pas de fulminer.  Comme lui, la plupart des clients croisés au foirail de Séwékhaye râlent dès qu’on avance un chiffre.

‘’Je suis venu en compagnie de ma sœur pour acheter trois moutons à 75 000 F Cfa l’unité, soit un total de 225 000 F Cfa. Je suis  là depuis deux heures à faire le tour des lieux, mais je n’arrive pas à avoir un mouton convenable, à portée de bourse’’, gémit Abdoul Dramé.  A l’image de ce jeune homme, la dame Fanta Sidibé, ménagère, vit la même crainte de rentrer bredouille. ‘’D’habitude,  ici, il y avait des moutons pour tous les portefeuilles. Mais cette année, les plus petits moutons coûtent dans les 70.000 F Cfa. Franchement, je n’ai pas cette somme en poche’’, nous lance-t-elle au visage. 

’Entre la Mauritanie et le Sénégal, on paye cinq taxes’’

Chaque année, plus de 150 000 moutons sont écoulés. Il y en avait pour toutes les bourses. Cette année, la donne a changé. ‘’Les prix ne varient qu’entre 70 000 F Cfa et 195 000 F Cfa’’, confie le président du Conseil national des éleveurs du Sénégal, Cheikhna Siby. Aux yeux de notre parent mauritanien, ‘’il y a une différence entre l’année dernière et cette année. La vie est chère et les taxes sont multiples. Rien qu’entre la Mauritanie et le Sénégal, on paye cinq taxes’’. Interpellé sur une probable pénurie de moutons, Cheikhna Siby qui se veut bref et précis de rassurer : ‘’Il n’y aura pas de pénurie de moutons cette année. Les camions se trouvent au niveau des frontières. Ils attendent seulement de régler le problème des taxes’’.

Cependant, le Président du Conseil national des éleveurs du Sénégal ne manque pas de s’offusquer du douloureux et épineux problème de l’insécurité accentuée par le vol de bétail et l’électrification du foirail de Séwékhaye. ‘’Il y a un sérieux problème d’insécurité au niveau de ce point de débarquement, lié surtout au phénomène du vol de bétail. Le foirail n’est pas électrifié. Il n’y a pas d’eau, non plus. Alors qu’il se trouve être le numéro 1 au Sénégal. Tout le monde vient s’approvisionner ici pour les besoins de la Tabaski. C’est tout ce qui nous inquiète. Mais pas une probable pénurie de moutons’’, dira-t-il d’un ton ferme.

NDEYE FATOU NIANG THIES

 

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