Publié le 3 Jan 2024 - 01:02
RÉTRO ÉCONOMIE 2023

Les chantiers de la relance

L'économie sénégalaise qui était toujours dans une phase de reprise économique post -COVID 19 a été frappé de plein fouet durant l’année 2023 par la crise russo-ukrainienne et renchérissement des prix des hydrocarbures. Les retards dans l’exploitation pétrolière et gazière initialement prévue en cette fin d’année 2023 ont aussi impacté le Produit Intérieur Brut (PIB) avec une croissance économique qui devrait atteindre 4,7 % pour 2023.
Mamadou Makhfouse NGOM

L’année économique 2023 a été marquée au début du mois de janvier par la baisse des subventions sur les carburants et l’électricité. Cette baisse de subventions a entraîné une inflation du prix des denrées de première nécessité et de l’électricité. Le gouvernement sénégalais espère réduire l’enveloppe des subventions à 1% du PIB fin 2024, avant de les supprimer d’ici 2025. Cette décision permettra de réaliser une économie d’environ de 240 milliards FCFA, en 2023, sur la subvention à l’énergie, alors que les projections font état de 800 milliards de FCFA de subventions cette année.
En effet, la subvention sur le secteur énergétique s’élevait à 731 milliards FCFA en 2022. Une somme qui a profondément creusé le déficit budgétaire et alourdi la dette, selon les experts économiques. Les prix du super et du gasoil ont ainsi été augmentés dans les proportions suivantes : une hausse de 100 francs sur le prix du litre de gasoil, qui passe de 655 à 755 francs, soit le même niveau d’augmentation que le litre de supercarburant, qui passe de 890 à 990 francs CFA. Par ailleurs, l’électricité a aussi connu une hausse, notamment la seconde tranche et les compteurs Prépayés déclenchant une levée de boucliers au sein de l’opinion publique et des associations qui ont dénoncé le renchérissement du prix de l’électricité.
Pour éteindre l’incendie, la Senelec avait demandé aux consommateurs de déposer des réclamations auprès des agences pour revoir leur tarification.

Exploitation pétrolière et gazière : Retard à l’allumage !

Quant à l’exploitation pétrolière et gazière prévue en fin d’année 2023, elle a accusé du retard. Le gisement gazier Grand Tortue Ahmeyim (GTA) dont l’exploitation devait démarrer initialement au dernier trimestre 2023 a vu son calendrier décalé avec un démarrage effectif de l’exploitation prévue pour le premier trimestre 2024. La compagnie pétrolière britannique BP qui détient 61 % du champ gazier a expliqué ce report par l’indisponibilité de l’unité flottante de production, de stockage et de déchargement (FPSO).
Par ailleurs, les mauvaises nouvelles ont continué à s’accumuler sur le front de l’exploitation pétrolière. En octobre 2023, le major britannique s’est désengagé du champ gazier Teranga Yaakar a cédé ses parts à l'opérateur américain Kosmos Energy. Si d’un côté, ce désengagement va permettre à la société nationale, Petrosen, possédant 10%, d’augmenter sa participation au sein de l’exploitation du champ gazier jusqu’à 20%, lors de la première phase de développement, d’un autre côté, elle risque de retarder un peu plus la mise en service de Yakar Teranga dont les premiers mètres cubes de gaz sont attendus à 2027. Les réserves sont estimées à 854 milliards de mètres cubes.

Le Sénégal compte s’appuyer sur les champs Yakaar/Teranga, pour renforcer son tissu industriel en valorisant localement le gaz naturel. Ainsi, une partie du gisement doit être directement injectée dans l'industrie locale, via un pipeline. L'autre sera transformée en gaz naturel liquéfié et exportée dans la région.

A la suite d’un Conseil présidentiel sur le projet de loi relatif à la répartition et à l’encadrement de la gestion des recettes issues de l’exploitation du pétrole et du gaz, au Cicad de Diamniadio en septembre 2023, le chef de l’Etat Macky Sall a adopté un certain nombre de mécanisme visant à conforter la transparence dans la gestion des ressources gazières et pétrolières à travers des dispositifs du COS-PETROGAZ, du ministère de l’Energie et de la Petrosen.
En outre, en ce qui concerne les recettes attendues dans l’exploitation du gaz et du pétrole, évaluées à près de 700 milliards de francs CFA, la manne sera répartie comme suit : « Un maximum de 90% destiné au budget annuel, un minimum de 10 % destiné au fonds intergénérationnel ». Par ailleurs, la part destinée au fonds de stabilisation sera établie par le Cos-Petrogaz.

Promotion du mix énergétique pour lutter contre le réchauffement climatique
L’année 2023 sur le plan économique a été aussi marquée par le plaidoyer incessant du président sénégalais Macky Sall pour la poursuite de l’exploitation des énergies fossiles par les pays en voie de développement qui doivent rattraper leur retard. Alors que des associations de défense de l’environnement comme Greenpeace, World Wide Fund (WWF) prônent la fin des énergies fossiles pour lutter contre le réchauffement climatique, Macky Sall au nom de l'équité sociale et de la lutte contre la pauvreté des pays du Sud préconise une solution intermédiaire devant tendre à la fin vers une énergie plus verte, tout en maintenant l’exploitation pétrolière.

Ainsi, il a rappelé ses principes lors du sommet pour un nouveau pacte financier mondial en juin 2023. Toujours lors de cette rencontre dans la capitale française, le chef de l’Etat s’est engagé à développer le mix énergétique dans notre pays avec l’objectif d’atteindre 40 % d’énergies renouvelables à l’horizon 2030 sans renoncer à l’exploitation gazière. Des pays comme la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Canada et l’Union européenne se sont engagés financièrement à hauteur de 2,5 milliards d’euros pour la réalisation de cet objectif. Une somme qui devra permettre à notre pays de réduire sa dépendance aux énergies fossiles et d’aller vers une économie de plus en plus décarbonée.

Un secteur primaire toujours prisonnier de la monoculture arachidière
Le secteur primaire aura connu de nombreux soubresauts cette année. La deuxième phase du Pse PAP II A (2O19 - 2023) avait pour objectif principal de promouvoir un développement endogène, porté par la quête des souverainetés alimentaires, sanitaire et pharmaceutique, avec un secteur privé national plus dynamique. Mais au regard des performances de ce secteur, on semble bien loin du compte. Le secteur primaire a du mal à se diversifier. Elle reste encore dominée par la monoculture arachidière.

La guerre russo ukrainien a accentué les difficultés d’accès pour les engrais, ce qui a largement impacté la dernière campagne arachidière. Malgré l’octroi d’une enveloppe de 100 milliards F CFA pour la campagne agricole 2022-2023, la monoculture arachidière peine à assurer un revenu suffisant pour nos agriculteurs.

L’autosuffisance en riz qui était l’un des priorités du gouvernement est loin d’être atteinte. Les productions horticoles et d’agrumes, qui ont connu d’importants progrès, font face à d’énormes défis structurants : difficulté d’accès au financement, problèmes fonciers, faiblesse du marché intérieur. La raréfaction des ressources halieutiques constitue aussi un énorme défi pour le secteur de la pêche, essentiel pour les exportations sénégalaises.

L’agriculture qui concentre plus de 60 % de la population ne contribue qu'à 17 % au PIB.
L’élevage a aussi connu des réformes majeures dans la mise en œuvre du projet (PRADELAIT) qui doit permettre d’atteindre une population importante de vaches laitières dont environ 50 000 sujets de races pures, afin de stimuler la production locale de lait. Le but de ce programme est de permettre l’autosuffisance en lait et un meilleur soutien à la commercialisation des produits laitiers d’origine animale. Malgré toutes les réformes, la facture laitière de l’ordre de 60 milliards de FCFA d’importations en moyenne par an peine à être résolue.

Le nomadisme reste toujours prédominant dans ce secteur qui peine parfois à se professionnaliser mettant en mal les programmes de promotion et de développement de la filière lait et viande. La pêche contribue à 3,2 % du PIB et 10,2 % des exportations du Sénégal, indique un rapport de 2022 du département américain de l’agriculture. Ce chiffre pourrait revenir à la baisse durant cette année 2023.
Le secteur de la pêche a connu un net recul durant l’année 2023. La cause serait liée à l’activité des chalutiers européens et chinois et des armateurs de la pêche industrielle dont les prises se sont multipliées au large des côtes sénégalaises au détriment de la pêche artisanale. Cette crise a fortement affecté le secteur qui a poussé de nombreux pêcheurs vers l’émigration clandestine.

Le parc industriel de Diamniadio comme instrument d’un renouveau manufacturier
Dans le secteur secondaire, l’année 2023 a été marquée par la volonté de l’Etat de mettre en œuvre le Parc industriel de Diamniadio dont la deuxième phase a été inaugurée, le 6 décembre dernier. Ce projet d’un investissement de 60 milliards FCFA pour 23 000 emplois conforte le Sénégal dans son processus d’industrialisation décliné dans l’axe 1 du Pse.

‘’Cette deuxième phase du parc industriel est bâtie sur une superficie de 40 ha et pourrait abriter une soixantaine d’entreprises et comprend entre autres des hangars, des restaurants, un entrepôt de 1 800 m² et un bâtiment administratif’’, a indiqué le Président Sall, qui a présidé la cérémonie.

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