Les producteurs bandent les muscles et menacent
Depuis quelques semaines, dans la zone de Ross-Bethio et environ, les agriculteurs et les éleveurs se regardent en chiens de faïence. Les producteurs accusent ces derniers d'être responsables des multiples divagations dans leurs périmètres rizicoles. Une situation qui peut dégénérer à tout moment, si les autorités locales et sécuritaires ne réagissent pas vite. D’ailleurs, les présidents des 18 unions paysannes du delta de la vallée ont fait face à la presse pour alerter avant que l'irréparable ne se produise.
Le département de Dagana est le théâtre de vives tensions entre agriculteurs et éleveurs, en raison des multiples divagations qui touchent les périmètres irrigués. Cette situation a créé un climat de méfiance et d'hostilité entre les deux factions. Une bombe pouvant exploser à tout moment, si des mesures ne sont pas prises par les autorités.
Excédés par l’ampleur des dégâts et les énormes pertes financières subies en peu de temps, les producteurs avertissent et mettent les autorités locales devant leurs responsabilités. Pour le porte-parole du jour, Pape Seck, les divagations dans les périmètres ne peuvent plus rester impunies. “Ce que font les bergers n'est rien d'autre que du banditisme et de la lâcheté. Imaginez, un agriculteur qui s'investit financièrement et physiquement pendant des mois dans son champ et un troupeau rafle tout en une nuit. Comment peut-on appeler cet acte, si ce n'est de la lâcheté et du grand banditisme ? Il y a moins de 48 heures, en une nuit, un troupeau de vaches a réduit à zéro des centaines d’hectares dans la cuvette de la grande digue Télèle de Ross-Bethio. Un forfait qui a anéanti les fruits de durs labeurs de plusieurs mois de travail d'un brave père de famille. De tels faits ne peuvent plus rester impunis. C'est pourquoi nous invitons les autorités locales, administratives et sécuritaires à prendre leurs responsabilités. Sinon, nous appliquerons la loi du talion pour protéger nos biens et nos familles”, a martelé Pape Seck.
Il a également dénoncé les agressions dont les agriculteurs sont victimes quand ils s'opposent aux troupeaux en divagation. “Il y a un mois, un collègue producteur a été sauvagement agressé dans son champ à la cuvette de la grande digue Télèle. Il a passé plusieurs jours aux urgences de l'hôpital régional. Quand la nouvelle a circulé, ses camarades producteurs se sont organisés et ont investi les périmètres rizicoles à la recherche de l'auteur du forfait. Heureusement pour lui, après l'agression, le berger a fui laissant derrière lui un troupeau en divagation. Mais le mal était déjà fait parce qu’il a été blessé et a perdu sa production de plusieurs hectares”, a fustigé M. Seck.
Pour les responsables des 18 sections paysannes du delta de la vallée du fleuve Sénégal, leur principale préoccupation dans cette histoire, c'est le manque de réactivité des autorités. “Les producteurs de la zone ont assez subi. Tout ce que nous devions faire a été fait dans les règles de l'art. Nous avons interpellé tout le monde, même les chefs religieux. Maintenant, nous invitons les autorités à jouer leur rôle. Malheureusement, depuis lors, nous avons constaté qu’elles trainent les pieds et on ne sait pour quelles raisons. Pourtant, par une petite réaction seulement, elles peuvent apaiser la tension et dissuader les éleveurs. En tout cas, la balle est dans leur camp avant que la situation ne soit plus contrôlable”, a averti le porte-parole du jour des producteurs.
Toutefois, les agriculteurs du Walo n'ont pas manqué de donner quelques pistes nécessaires pour prévenir un affrontement potentiel. Pour eux, les autorités compétentes doivent mettre en place des mesures concrètes pour limiter la divagation d’animaux et protéger les périmètres rizicoles. Des réglementations claires et des contrôles efficaces peuvent aider à prévenir les conflits liés à ce problème récurrent. Mais les autorités sécuritaires ont aussi un rôle déterminant à jouer dans ce face-à-face. Elles doivent surveiller la zone et agir de manière dissuasive en cas de signes de tensions.
“La prévention des conflits et la protection des communautés doivent être une priorité pour éviter des situations irréparables. Le dialogue, la régulation, la sensibilisation et la présence sécuritaire sont des éléments clés pour prévenir un affrontement et favoriser une cohabitation pacifique entre producteurs et éleveurs. Il est crucial d'intervenir rapidement pour éviter que la situation ne dégénère et ne cause des dommages irréparables”, a déclaré Pape Seck.
Il faut signaler que la cuvette rizicole de grand-digue Télèle de Ross-Bethio s’étend sur 3 600 ha.
IBRAHIMA BOCAR SENE (SAINT-LOUIS)