Publié le 16 Aug 2012 - 22:35

Sale temps !

Ça patauge et c’est le cas de le dire. Cinq mois sont passés et le nouveau régime affronte ses premières difficultés. Les uns penseront que c’est un impondérable, la météo, qui est à l’origine des morts et sinistres causés, dans la nuit du lundi au mardi dernier, par les fortes pluies sur Dakar et sa banlieue (Dalifort, Cambérène, Thiaroye…), ainsi qu’à Bambey et Touba où, fait rare, Serigne Bassirou Abdou Khadre Mbacké, l’influent porte-parole du khalife général des mourides, est monté au créneau pour dénoncer l’inertie du gouvernement face aux problèmes d’assainissement dans la ville sainte.

 

 

Les autres rappelleront que ces fortes pluies étaient attendues. Que les inondations ne sont plus conjoncturelles, mais plutôt assez récurrentes pour figurer dans l’agenda des difficultés à affronter chaque année. Comme la rentrée des classes. Or, qu’a-t-on vu ? Le gouvernement, comme les sinistrés, n’a pu que constater les dégâts après seulement 92 mm de pluie. Neuf morts suite aux trombes d’eau. Inondations, effondrements de bâtiments, une autoroute principale fermée, la découverte de la mauvaise qualité des ouvrages de BTP comme l’autoroute à péage, du tunnel Can IV angle Route de Ouakam….

 

Naturellement, en costume-cravate, le ministre de l’Intérieur, Mbaye Ndiaye, est monté au créneau, en compagnie de son collègue de l’Hydraulique et de l’Assainissement, Oumar Guèye, pour annoncer la compassion du gouvernement, des plans directeurs et, surtout, une…pluie de milliards pour trouver (enfin) une solution à cette équation.

 

Un gouvernement en vacances –le terme officiel est «dans la tenue des conseils des ministres-, un président de la République et son Premier ministre tous deux absents en même temps du territoire national, ainsi que le président du Sénat, Pape Diop, lui aussi parti effectuer la Oumrah en terre sainte d’Arabie Saoudite : en termes de représentativité institutionnelle, cela ne volait pas haut et ce fut sans doute une première…

 

C’est comme si le ciel avait voulu, dans ses caprices, ramener les Sénégalais sur terre ; eux et leurs dirigeants. Pas une explication irrationnelle près, beaucoup avaient vu dans la pluie fine qui a toujours accompagné Macky Sall dans son installation sur le fauteuil présidentiel un bon signe du destin : une ondée avait en effet arrosé beaucoup de villes du pays ce 25 mars décisif ; le jour de sa prestation de serment ; sur le perron de l’Elysée pour sa première grande sortie en Occident…

 

Aujourd’hui, c’est cette même pluie, mais cette fois grosse et massive, destructrice, qui impose un premier test majeur à l’équipe de Macky Sall. Et c’est le ministre de l’Intérieur, Mbaye Ndiaye, qui a dû tenir le gouvernail alors que les tuiles tombaient de plus en plus dru sur la tête d’un gouvernement qui les attendait pas aussi tôt. Alors que les sinistrés se comptent par milliers –les inondations ont lieu dans les sites à plus forte densité de population au Sénégal-, le plan ORSEC n’a pas été déclenché.

 

Un rageant sentiment d’abandon et d’absence a habité nombre de nos compatriotes quand le gouvernement a communiqué sur le sujet. Ce fut sur un air déjà entendu, il n'y a pas longtemps d’ailleurs. Sans doute, à la décharge des autorités, les fonds de l’Etat prévus pour lutter contre les calamités (parmi beaucoup d’autres) ont disparu lors des derniers exercices budgétaires de l’ère Wade, les scandales qui se révèlent au compte-gouttes expliquant a posteriori à quoi ils ont servi ; la gestion du «Plan Jaxaay» illustre idéalement cette situation.

 

Macky Sall ne pouvait pas être absent du sommet de La Mecque en sa qualité de président de l’Organisation de la Conférence Islamique alors que les dossiers libyens, la guerre civile en Syrie, l’après-printemps arabe (Egypye, Tunisie), l’invasion du Nord-Mali, le terrorisme sont autant de sujets brûlants. Revenu dare-dare à Dakar, le Premier ministre Abdoul Mbaye a sitôt convoqué mardi dernier un conseil interministériel sur la question. Rattrapage. Mêmes promesses, mêmes annonces fermes : «Ce sera un mauvais souvenir en février 2013», dixit le ministre Oumar Guèye…

 

La rentrée gouvernementale risque d’être agitée. D’ici la fin des grandes chaleurs, les coupures d’électricité persisteront à moins d’un miracle. Le Sénat restera tel quel avec 55% de ses membres désignés par le président de la République ; cela fera grincer des dents, voire plus, du côté des animateurs des «Assises nationales» et de leurs puissants relais ; le lifting de l’image du chef de l’Etat, la construction d’un appareil pour l’Apr, le parti présidentiel ; la gestion des alliés pour consolider «Benno Bokk Yaakaar» ; mais aussi les pressions et arbitrages inhérents à la distribution des postes dans les différentes structures relevant de l’Etat : voilà, jusqu’ici, ce qui avait accaparé l’énergie présidentielle. Voici venu le temps des incompressibles demandes. Il est temps pour lui de se…jeter à l’eau.

 

ABDOU MBAYE

 

 

 

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