Publié le 13 Sep 2014 - 01:04
SOCIETE

La Chronique du Kankourang

 

Nichée entre Korité et Tabaski, cette édition 2014 du Kankourang organisée par la collectivité mandingue de Mbour est partie pour battre des records d’affluence. Une période idéale qui donne le tempo de vacances à inscrire sur les lignes blanches du livre d’or de la cité côtière. Discrètes et hautement mystiques, les sorties nocturnes du Kankourang, en semaine, n’intéressent que les puristes, les ritualistes et les initiés de premier ordre.

Des ‘’juju’’, les chants mélancoliques des ‘’kasak’’, comme des complaintes, s’échappent. Les tambours en sourdine accompagnent les petites voies des circoncis transis d’émotion. Parfois la mélodie et le rythme changent de ton, et de joyeux concerts égaillent les soirées estivales.

Un simple avant-goût, en prélude à la grande messe du week-end en point de mire. La température monte dès vendredi quand affluent des myriades de visiteurs. Les Mbourois accueillent, dans leurs concessions, amis et voisins qu’ils ont côtoyés dans leurs univers scolaires ou professionnels.

Les dames de la cité qui ont eu le toupet d’épouser des Sénégalais d’autres contrées désertent à l’amiable les maisons conjugales et retrouvent le bercail avec leurs progénitures. Autrement, impossible de les retenir, elles vous cherchent des noises et sont prêtes à mettre le divorce sur la table pour goûter aux délices carnavalesques du Kankourang. Les jeunes filles snob et abonnées aux sulfureuses nuits dakaroises reprennent le visa pour la Petite Côte. Elles retrouvent un zeste d’originalité en regagnant, le temps des vacances, l’ambiance conviviale de familles qui ploient dans une promiscuité structurelle.

Le fastueux dîner du samedi est offert aux visiteurs au grand dam des poulets victimes d’un sacrifice béni par le ‘’Kewoulo’’, au grand bonheur des gourmets. La veillée du samedi de septembre est sacrée. Les noctambules ignorent les chaudes boîtes de nuit et ingurgitent dans cette nuit blanche d’ambiance, du lait chaud à la menthe, concentré de fromage. Le ‘’mbourou’’, pain chaud et croustillant tartiné au beurre ou la ‘’balbina’’, pain au lait, sucré et tendre, tiennent la dragée haute aux beignets et autres victuailles qui prolongent les retrouvailles dans la fraîcheur des terrasses ou aux devantures des maisons. Dans l’attente de la sortie du Kankourang, les connaisseurs prêtent l’oreille au tempo des tambours qui accompagnent les chants des initiés.

Le protecteur des circoncis passera à l’aube après quelques fausses alertes qui ont semé de belles confusions et des frayeurs : les croustillantes anecdotes de la présente saison qui alimenteront longtemps les conversations à venir. Au soleil levant, le Kankourang s’exhibe enfin avec son bataillon d’initiés.

Le fameux ‘’jeumbo-jeumbo’’ du petit matin est, pour les puristes, le clou de la fête, le moment le plus exquis. Le tambour-major, comme inspiré par une muse, assène un rythme venu d’ailleurs, qui déchaîne littéralement la foule qui a triomphé de la nuit pour ce moment de jouissance. Une belle occasion de danser, de chanter et de se défouler à satiété avant de retrouver les couchettes pour un sommeil lourd qui se prolonge en grâce matinée.

Au réveil, le ‘’mono’’ du dimanche, bouillie de mil version ‘’fondé’’ est servi dans les calebasses. Une bonne dose vous dope pour une journée qui sera forcément mouvementée. ‘’Mono’’ est aussi exquis que la viande du mouton de Tabaski ou le ‘’ngalax’’ de Pâques. Que seraient devenus les Socés sans le ‘’mono’’ qui rassasie à moindre coût ? A quand la prochaine récolte de mil dans une ferme de la collectivité mandingue ?

Dans l’après-midi, à ‘’Bayal’’ Santessou ou à ‘’Kogne’’ Dialma, l’ambiance carnavalesque est indescriptible. Les nuées de spectateurs disséminées en ville prouvent la popularité démentielle d’un mythe incomparable. Les styles vestimentaires et les performances chorégraphiques comblent une foule en quête perpétuelle de loisirs.                      

MADOU ENAK

 

 

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