Publié le 16 Apr 2020 - 21:04
SOUPÇONNEE D’AVOIR LE CORONAVIRUS

Mme Croquette du journal ‘’le Soleil’’ licenciée 

 

Soupçonnée d’avoir le coronavirus, pour avoir éternué devant ses collègues, Fatou Ly Sarr Croquette, la cheffe adjointe des Grands Contrats du ‘’Soleil’’, a été licenciée par le DG Yakham Mbaye, après bien des péripéties qu’elle raconte. Elle dénonce ainsi une stigmatisation et compte saisir l’inspection du travail.

 

Tout est parti d’une simple blague. Le 23 mars dernier, alors qu’elle entrait dans son lieu de travail, Fatou Ly Sarr Croquette tombe sur la femme de ménage qui s’active à nettoyer la salle. Allergique à la poussière, elle commence à éternuer. Aussitôt, la collègue d’à côté en rigole et dit en blaguant : ‘’Mme Croquette a le corona.’’ Ainsi, entre collègues, elles commencent à en rigoler et à chantonner : ‘’Mme Croquette a le corona.’’ En ce moment, la cheffe adjointe du Service des grands contrats était loin d’imaginer que certains de ses collègues prenaient la blague au sérieux et en ont averti le directeur de l’administration. Quelques minutes plus tard, elle reçoit l’appel de celui-ci qui lui demande d’aller se faire consulter, car le personnel a peur.  

‘’On en plaisantait en chantonnant : ’Oui, c’est le corona, Mme Croquette a le corona. Elle tousse, elle éternue.’  Ensuite, en travaillant, on a commencé à plaisanter sur WhatsApp, en répétant la même chose. Tout d’un coup, j’ai reçu un coup de téléphone du directeur de l’administration, M. Abdoulaye Ly, qui m’a informée que mes collègues l’ont appelé pour lui dire que je présentais tous les symptômes du coronavirus. Je lui ai répondu que je n’avais pas la Covid-19, que c’était juste des blagues. On plaisantait et puis c’est fini’’, raconte-t-elle. Mais le directeur de l’administration a insisté, en multipliant les appels téléphoniques.

Elle a décidé finalement d’aller vérifier sa température corporelle. Elle est allée à la clinique Oasis d’à côté. Le thermo-flash de la réception de la clinique a affiché 36.3°. Mais pour en avoir le cœur net, elle a demandé à voir le médecin pour une consultation approfondie. ‘’J’ai expliqué au médecin ce qui s’est passé. Il croyait que je rigolais. Il m’a dit : ‘Pour vous rassurer, je vais enlever mon masque et mes gants pour vous montrer que vous n’avez aucun signe de coronavirus.’ Après, il m’a examinée et m’a dit de rentrer au bureau, car je n’avais rien et ne présentais aucun symptôme. Il m’a, ensuite, demandé si, dans l’entreprise, il y a un dispositif de prévention et je lui ai dit que, personnellement, on ne m’a pas donné ni gel ni masque et on n’a pas de thermo-flash pour l’entreprise. Il y a des employés qui ont reçu des gels et masques, mais il y a deux à trois personnes qui n’ont pas reçu et j’en fais partie. Ainsi, avant de quitter, le médecin m’a demandé de dire à notre directeur de l’administration de l’appeler’’, narre-t-elle.
Comme convenu, à son retour, Mme Croquette passe un coup de fil à M. Ly pour lui dire d’appeler le médecin.

À en croire l’ancienne directrice commerciale du journal, après avoir contacté le docteur, M. Ly lui a téléphoné de nouveau pour lui signifier qu’il y avait plus de peur que de mal et qu’elle pouvait maintenant continuer son travail.

Considérant que l’affaire est close, elle s’est remise au travail, avant d’être perturbée à nouveau. On lui a demandé, cette fois-ci, de quitter l’entreprise, car des collègues se plaignaient. Ce qu’elle a tout simplement refusé. On a averti le directeur général du journal pour lui signifier qu’il y avait un cas de coronavirus dans les bureaux de la VDN. ‘’Au même moment, j’ai appelé mon directeur général, dans le cadre du travail et on a parlé travail. Quand on a fini de parler au téléphone, je l’ai dit : M. le DG, rassurez-vous, je n’ai pas le corona. Je n’ai aucun signe de coronavirus’’, souligne-t-elle.  

‘’Ce n’est pas une question de maladie, mais de méchanceté’’

Elle croyait, dit-elle, que tout était rentré dans l’ordre. Mais quelques minutes plus tard, elle a reçu un autre coup de téléphone du directeur de l’administration. C’est pour lui demander d’aller à l’Institut Pasteur de Dakar se faire dépister. Elle n’en revenait pas. Elle dénonce une stigmatisation et de la méchanceté.

‘’A 17 h, M. Ly m’a rappelée pour me dire d’aller prendre un certificat médical. A 17 h 30, je suis repartie chez le docteur qui m’a dit que c’est M. Ly lui-même qui a parlé du certificat médical. J’ai alors paniqué. Le médecin m’a conseillée d’aller me reposer pendant 5 jours et qu’à mon retour, ils sauront que je n’ai pas le coronavirus. J’ai envoyé le certificat médical à M. Ly par WhatsApp. Ensuite, j’ai voulu quitter Dakar et aller voir ma famille à Saly, pour être plus à l’aise avec cette histoire. Mais, en cours de route, les appels téléphoniques ont commencé à se multiplier de partout, me disant d’aller à l’Institut Pasteur, car j’avais le coronavirus. Des employés du ‘Soleil’ qui viennent de mon village ont averti les gens et tout le village m’appelait pour me dire que j’avais le coronavirus. Là, j’ai compris que ce n’est pas une question de maladie, mais de méchanceté et de stigmatisation. On ne peut pas coller à une personne une maladie qu’elle n’a pas’’, se désole-t-elle.

Dépassée par la situation, elle est retournée chez elle pour y voir plus clair. Trois jours plus tard, le 26 mars, elle a reçu, souligne-t-elle, d’un huissier de justice, une lettre de licenciement, avec comme motif ‘’faute lourde et insubordination’’, parce que n’ayant pas été à l’Institut Pasteur pour se dépister. Elle dit ne rien comprendre, car n’ayant jamais eu de problème avec sa hiérarchie.

‘’Je n’ai jamais eu de problème avec Yakham Mbaye‘’

‘’Je n’ai jamais eu de problème avec Yakham Mbaye, parce que je ne le connais pas bien.  La première fois que je l’ai vu, c’était lors de sa passation de service avec Cheikh Thiam, notre ancien directeur, il y a deux ans. A part ça, je ne l’ai jamais vu et on ne partage pas d’amis en commun.  Quant à M. Ly, j’ai eu à travailler avec lui, de 2003 à 2008. Ensuite, je suis partie en France. On a cheminé ensemble pendant longtemps. Je n’ai pas de problème avec lui, non plus. Je retiens juste une personne qui m’a dit, il y a de cela un an et demi : ‘Mme Croquette, vous êtes une bonne personne par rapport aux activités que vous êtes en train de mener.’ Je n’ai pas de problème et je ne peux pas en avoir avec ces gens-là, parce qu’on ne se fréquente pas, à part dans le cadre du travail’’, indique-t-elle.

Toutefois, selon elle, lorsque Yakham Mbaye a été nommé directeur général du ‘’Soleil’’, il a supprimé le poste de responsable des grands contrats qu’elle occupait pour créer le service contrats et grands contrats. A en croire toujours Mme Croquette, le nouveau DG a ensuite nommé la femme de son ami Thierno Birahim Fall de l’APS, pour occuper le poste de cheffe du Service des grandes contrats et elle est devenue cheffe adjointe du service.

Jugeant que son licenciement est abusif et relevant de la stigmatisation, Mme croquette dit être prête à saisir, dans les prochains jours, l’Inspection générale du travail. Elle a pour le moment le soutien de ses collègues. Joint par ‘’EnQuête’’, le délégué du personnel a informé qu’il est actuellement en dialogue avec la direction pour faire revoir la décision. ‘’Depuis que nous avons été informés de cette décision, nous avons entrepris des démarches pour faire revenir le directeur général sur cette décision que nous avons jugée illégale.  Nous sommes pour l’instant dans une dynamique de dialogue qui est en bonne voie, pour trouver une solution à cette affaire. De toute façon, nous nous sommes inscrits, d’abord, dans une démarche de dialogue social pour régler cette affaire. A défaut, nous serons à côté de notre collègue pour défendre ses droits’’, a fait savoir le journaliste Oumar Ndiaye, délégué du personnel. 

REPONSE DU DG YAKHAM MBAYE                                                 

’Quoi qu’il puisse advenir, rien ne me fera reculer sur cette décision’’

‘’Quoi qu’il puisse advenir, absolument rien ne me fera reculer sur cette décision, si ce n’est qu’une décision de justice. Je suis insensible à toute forme de distraction. Elle est coutumière des faits, dans l’insubordination, dans le manquement à la hiérarchie et à l’autorité du DG. Je ne reculerai pas d’un seul pas. Si elle pense qu’elle peut profiter de l’ambiance coronavirus où il y a des mesures étatiques pour dire stop au licenciement, mais, sauf faute lourde… Elle doit savoir qu’elle a commis une faute lourde’’, se défend le Dg du Soleil Yakham Mbaye, dans le cadre du licenciement de la dame Fatou Ly Sarr Croquette.

Revenant sur les faits, le DG du quotidien national indique que l’employée est venue au travail, en manifestant un état grippal, avec des toux et une température élevée. Ce qui a fait paniquer ses collègues qui ont saisi, dans un premier temps, la direction générale, verbalement, ensuite, par écrit. Celle-ci a demandé à la concernée, à défaut d’aller se faire consulter, de prendre la mesure de sauvegarde et de retourner chez elle, jusqu’à ce que les symptômes s’arrêtent. Ce qu’elle a refusé. ‘’Elle est restée au bureau jusqu’à l’heure de la descente à 17H. C’est à 18 h 41mn qu’elle est allée chercher un certificat médical qu’elle a envoyé au directeur de l’Administration Générale dans sa boite WhatsApp. Le monsieur lui a dit qu’il ne peut pas réceptionner le certificat médical, parce qu’on n’envoie pas un certificat médical, 2 heures après la descente, dans le WhatsApp de quelqu’un. Et à partir de ce jour, elle a disparu’’, indique M. Mbaye.

Le Dg précise que Mme Croquette n’était pas la seule. A l’en croire, deux autres agents du journal qui manifestaient les mêmes signes 3 à 4 jours auparavant, ont été renvoyés chez eux pour se reposer et ils ont accepté.  

Quid de l’échange téléphonique évoqué par l’employée. Le DG confirme avoir parlé avec elle, mais dans le cadre du travail.  ‘’Elle m’a appelé pour me parler d’un dossier de recouvrement d’insertion publicitaire pour demander mon aide. Je lui ai dit que ce n’est pas de mon ressort. C’est en ce moment même que j’ai constaté qu’elle avait refusé de rentrer chez elle, parce que l’appel est survenu à 16h 35, c’est-à-dire 25 minutes avant la descente’’, souligne-t-il.

Quant à la décision de la dame de porter l’affaire devant l’inspection du travail, le DG du Soleil dit être prêt pour la confrontation judiciaire. ‘’Quand vous considérez qu’on vous a licencié abusivement, on va au tribunal, mais pas dans la presse. Si elle avait été licenciée, abusivement, elle aurait allé saisir les tribunaux et l’inspection du travail. C’est totalement faux de dire qu’on l’a accusée d’avoir le coronavirus. Je l’ai licenciée, le 26 mars et on est aujourd’hui le 15 avril et, depuis lors, elle n’a pas saisi le tribunal du travail, mais se réfugie dans la presse’’, argue le boss du Soleil. Qui martèle : ‘’Je ne reculerai pas d’un seul pas. Elle est licenciée et si elle veut, elle peut saisir le tribunal du travail, l’inspection du travail, jusqu’à la Cour suprême’’.

Yakham Mbaye indique aussi que, quand elle a refusé de rentrer, il lui a envoyé une mise en demeure qu’elle a refusée de prendre.  

ABBA BA

 

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