Publié le 29 Mar 2015 - 11:19
SUREXPLOITATION, COMPENSATION, MANQUE DE VISION…

Le Gaipes liste les péchés des accords avec l’UE

 

L’un après l’autre, Adama Lam membre du Gaipes a écaillé les points des accords de pêche avec l’Union européenne. C’était au cours d’une rencontre organisée hier par le Propeller club.

 

Le Propeller club qui est une organisation qui s’intéresse à tout ce qui tourne autour de l’activité maritime a organisé hier l’évènement phare de ses activités, le maritime Day. Au cours de cette rencontre, les intervenants ont exposé autour du thème ‘’enjeux actuels de l’économie maritime sénégalais : pêche, transport et pétrole. Adam Lam membre du Gaipes a axé son intervention sur les accords de pêche entre le Sénégal et l’Union européenne. L’administrateur, directeur général de Société de pêche et d’armement sénégalais (SOPASEN), a démontré pourquoi lui et ses collègues se sont opposés aux accords. Selon M. Lam, la contradiction dans ces accords est que l’Union européenne affirme vouloir aider les pays comme le Sénégal à créer de la valeur ajoutée dans l’exploitation de la ressource, mais en même temps, elle veut maintenir une flotte importante dans les eaux de ces dits pays.

A propos des accords proprement dit, ils se portent sur deux espèces que sont le thon et le merlu. Or, d’après M. Lam, la convention de 1982 exige que tout pays dispose d’abord d’un excédent de ressources que les nationaux ne peuvent pas utiliser avant de signer des conventions. Ce qui n’est pas forcément le cas pour le Sénégal, puisque l’exposant affirme que ‘’les entreprises sénégalaises n’ont que le thon et le merlu pour se développer’’. Des espèces qui d’ailleurs sont très prisées en ce moment. ‘’En 2 ou 3 ans, les prix du thon ont doublé sur le marché’’, révèle-t-il.

L’autre problème est que les accords sont intervenus à un moment où l’Etat et les nationaux sont en train de chercher les voies et moyens d’une utilisation rationnelle des ressources. C’est ainsi que le code de la pêche est en cours d’élaboration. Une série de réformes est aussi entamée pour avoir un outil global systémique. Dès lors, Adam Lam dit ne pas comprendre ‘’pourquoi on se précipite et s’obstine à signer des accords de 5 ans’’, au lieu de terminer d’abord le processus entamé.

Sur la préservation des ressources, cet acteur dans le secteur depuis 25 ans constate que les navires européens disposent de ce qu’on appelle le dispositif de concentration de poissons (DCP) qui sont des GPS permettant de localiser les concentrations de poissons. Or, rien n’interdit aux navires de les utiliser. Par conséquent, ceux-ci peuvent se livrer à un ‘’massacre’’ des ressources, surtout qu’il n’existe pas de limitation dans la capture. Pendant ce temps, l’Etat a fait preuve de laxisme sur l’obligation de chaque navire d’avoir à bord un observateur. Même les opportunités qu’il y avait de trouver du travail à des marins sénégalais ont été négligées, car les textes parlent d’employés d’origine sénégalaise et non de nationalité sénégalaise, ce qui, en droit, est une différence de taille. L’autre aberration à ses yeux est que les bateaux qui avaient l’obligation de débarquer au port de Dakar en sont désormais dispensés. Ils peuvent se limiter en rade.

Amender la loi

Sur le plan de la compensation, Adam Lam réfute la somme de 9 milliards de F CFA comme compensation versée dans les caisses de l’Etat pendant les 5 ans que durent les accords. Il soutient que les 5 millions d’euros qui sont des licences de pêche sont à retirer de cette somme. Et pour démontrer davantage que les ressources ont été bradées à l’Union européenne, l’exposant relève le paradoxe qui existe sur le lien entre la compensation et la capture. ‘’Il n’existe pas de limitation de capture en termes de prélèvement, mais la compensation financière elle, est limitée’’, s’étonne-t-il.  Pour toutes ces raisons, et compte tenu du fait que les accords sont déjà signés, il appelle à ce que la loi, une fois à l’Assemblée nationale, soit suffisamment amendée par les députés, afin de préserver les intérêts de l’Etat.

Elimane Mbengue, directeur exploitation de Senstock

‘’Les cessions et rétrocessions dans le domaine pétrolier est de l’ordre du normal’

Le Sénégal a récemment découvert du pétrole au large de ses côtes. Une découverte qui a été accompagnée de beaucoup de polémiques du fait du transfert des blocs d’une société à une autre. Pourtant, un expert en la matière, directeur d’exploitation de Senstock, déclare que cela n’a rien de nouveau dans le secteur du pétrole. ‘’Les cessions et rétrocessions dans le domaine pétrolier est de l’ordre du normal’’, affirme Elimane Mbengue. Il l’a fait savoir hier à l’occasion d’une rencontre à l’initiative de Propeller club.

A en croire l’ancien chef de division technique de Total/Sénégal, cela s’explique par le fait que les majors ne s’impliquent pas trop dans la recherche de pétrole. Ils attendent que de plus petites compagnies fassent le travail. Et une fois un gisement découvert, ils interviennent pour l’acheter. D’ailleurs, il a attiré l’attention des autorités sénégalaises sur les risques liés à la spéculation. Selon ses dires,  certaines sociétés peuvent acheter à un prix et chercher à avoir le triple ou le  quadruple. Le temps de trouver un preneur, elles vont empêcher l’Etat d’exploiter sa ressource. Il suggère ainsi que celui-ci signe des accords avec les majors pour éviter le passage des blocs d’une société à une autre, ce qui ne fait qu’augmenter les risques de la spéculation.

Ce pétrole constitue un atout majeur pour le Sénégal, car pouvant permettre de réduire la facture pétrolière qui est de 12% du PIB et 45% des importations. Cependant, hormis les risques de conflit et de corruption comme on en a vu dans plusieurs pays, il y a surtout la baisse continue du prix du baril qui peut être une menace. De 127 dollars en janvier 2014, le baril est passé aujourd’hui à 50 dollars. Ce qui pourrait rendre les investissements non rentables. L’autre frein est la capacité de raffinage de la Sar. Celle-ci est de 1,2 million m3 (49%), alors que les besoins sont évalués à 2,3 millions m3. Il y a donc nécessité de doubler les capacités de la SAR, si le Sénégal ne veut pas céder la plus-value du raffinage à d’autres pays. 

BABACAR WILLANE

 

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