Publié le 27 Jan 2015 - 22:09
VISITE A L’UNIVERSITE ASSANE SECK DE ZIGUINCHOR

L’accueil mouvementé de Mary Teuw Niane

 

En visite à l’université de Ziguinchor, le ministre de l’Enseignement a eu droit hier à un accueil glacial de la part des étudiants et des enseignants affiliés au SAES qui ont arboré des brassards rouges, pour traduire leur mécontentement relatif à leurs conditions d’accueil et de travail.

 

L’université Assane Seck de Ziguinchor a ouvert ses portes en 2007 avec un effectif de 256 étudiants. 7 ans après, elle accueille  4 800 étudiants répartis dans quatre (04) Unités de Formation et de Recherche. Toutefois, les structures d’accueil n’ont presque pas suivi cette évolution. Seuls 80 ordinateurs répartis dans  4 salles informatiques sont disponibles, aujourd’hui. La capacité d’accueil de la seule bibliothèque tourne autour de 15O places. L’université n’a accueilli, depuis 2009, aucune nouvelle construction, excepté celles qui sont en cours. Le restaurant, construit après l’ouverture de l’institution, a une capacité d’accueil de 300 places, tout comme le campus. Par ailleurs, l’institution ne dispose pas de laboratoire fonctionnel. Les conditions de travail des enseignants demeurent aussi précaires. En effet,  75% des enseignants ne disposent pas de bureaux.

Tous ces écueils combinés à d’autres contraintes multiformes engendrent des  manifestations et levées de boucliers récurrentes comme celles notées hier, à l’occasion de la visite du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Mary Teuw Niane s’est rendu à Ziguinchor pour « accélérer » les chantiers qui datent de longtemps et qui tardent à être achevés. D’ailleurs, le ministre a avancé cet état de fait pour « justifier » l’impatience des étudiants qui l’ont accueilli en arborant des brassages rouges et en brandissant des pancartes qui se résument en un seul mot : « Tout va mal. »

Ce port de brassages rouges, après celle organisée, le 19 mars dernier, lors de la venue dans l’institution du président de la République, est légitime, à l’en croire. « Je comprends leur impatience », a déclaré Mary Teuw Niane à la fin de la visite des chantiers. Seulement, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a estimé que ce mouvement d’humeur pouvait être évité, dans le mesure où les préoccupations des étudiants sont en train d’être prises en charge, à travers la construction de deux nouveaux pavillons d’hébergement des étudiants d’une capacité chacune de 208 lits, de la cité des enseignants, d’un nouvel amphithéâtre, mais également de la réalisation d’une faculté de Médecine. « Nous avons hérité de chantiers qui datent de 2008. On manifeste pour des infrastructures qui seront bientôt livrées. C’est un paradoxe. L’Etat est en train de déployer des efforts importants. J’invite les étudiants à la patience », a ajouté Mary Teuw Niane.

De ce fait, le ministre a cité les projets de création d’Espaces Numériques Ouverts (ENO) à Ziguinchor, à Kolda et à Sédhiou, ainsi que la construction d’un Institut Supérieur d’Enseignement Professionnel (ISEP) à Bignona et d’un Centre Délocalisé à Kolda. Autant de structures, selon lui, qui participent de l’accompagnement du Pôle de Développement de la Casamance. A l’en croire, l’Etat va bientôt mettre en œuvre un « gros projet » d’infrastructures  de six (06) milliards, grâce au soutien de la Banque Mondiale pour l’extension des universités de Ziguinchor, Thiès et Bambey.

Après les étudiants, le SAES entre dans la danse !

L’université de Ziguinchor, malgré les résultats satisfaisants obtenus depuis son ouverture, est un terreau fertile de revendications et de mouvements d’humeur divers. Hier,  après les étudiants, le Syndicat Autonome des Enseignants du Supérieur (SAES) s’est invité au « bal », lors du passage du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Alors que Mary Teuw Niane présidait un Comité Local de Développement (CRD) en centre ville, ces derniers, arborant à leur tour des brassages rouges, ont vigoureusement dénoncé « la vision cavalière que le ministre a de la gouvernance des universités », à travers la Réforme universitaire dont la loi-cadre a été votée, le 26 décembre 2014, par l’Assemblée Nationale.

«Nous ne sommes pas contre la Réforme mais contre cette Réforme. Cette loi traduit le mépris et l’infantilisation dans lesquels sont tenus les membres de la communauté universitaire», a déclaré Jean Louis Corréa, le porte-parole du Saes/Ziguinchor. Le Saes, qui souligne que cette loi est « l’œuvre d’une seule personne », se déclare disposé à collaborer pour un changement de la gouvernance des universités, à condition que cette réforme soit portée par l’ensemble des acteurs universitaires et non dictée par le haut. Le Saes a donc demandé à être associé à la réflexion, mais a également invité le président Macky Sall à ne pas promulguer la loi.  

A en croire Jean Louis Corréa, la visite du ministre de l’Enseignement supérieur à Ziguinchor est une « mascarade » qui vise à « légitimer a posteriori  une loi mort-née ».  De l’avis de M. Corréa, les chantiers en cours sont une goutte d’eau dans la mare de difficultés dans laquelle baigne l’institution. « Avant de construire de « vraies universités », pour reprendre les mots d’un ministre de la république, finissez la construction des grands lycées qui n’ont rien de fonctionnel, contrairement à la fausse déclaration de la loi-cadre », a-t-il ajouté.

HUBERT SAGNA (CORRESPONDANT)

 

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