Publié le 23 Dec 2023 - 08:57
DIAOULÉ

Une révolution verte en gestation au cœur du Sine-Saloum

À Diaoulé, l’ambassade de Pologne au Sénégal appuie l’Association des cadres ressortissants du village dans un ambitieux projet dénommé ‘’Diaoulé vert et résilient’’ qui vise, outre le verdissement du terroir, l’autonomisation des femmes et la lutte contre les changements climatiques.

La soixantaine révolue, Mamadou Talla est natif de Diaoulé, située à une trentaine de kilomètres de Fatick. Il y a quelques années, alors qu’il venait fraichement d’être recruté dans la Fonction publique comme instituteur, il a été affecté dans la verte Casamance, plus précisément dans la région de Kolda. Très vite, il tombe sous le charme du romantique terroir dont la végétation luxuriante tranche d’avec ses terres natales quasi désertiques dans le Sine-Saloum. Pour autant, Mamadou reste très attaché à son terroir et envisage le retour après 15 ans de bons et loyaux services. Dans sa tête, le sexagénaire nourrit un rêve intense : rendre à Diaoulé sa verdure d’antan. Il déclare : ‘’Quand on était enfant, on n’osait pas se rendre dans la forêt, parce qu’il y avait beaucoup de grands arbres. Si notre milieu est devenu aussi désertique aujourd’hui, il y a bien sûr les périodes de sécheresse, mais c’est surtout à cause de l’homme. En revenant de la Casamance après plus de 15 ans de service, nous avons nourri l’ambition de bâtir un village à l’image de ce que nous avons vu là-bas. Nous sommes convaincus que c’est possible...’’

Depuis, le vieux Talla œuvre dans cette dynamique, malgré les montagnes de difficultés. Aujourd’hui, grâce à la mobilisation des cadres ressortissants du village et un important financement de l’ambassade de Pologne, le rêve est en train de devenir réalité. Sur place, se développe une véritable culture de l’écologie et du développement durable. Pour réussir le fou pari, l’Association pour le développement de Diaoulé, communément appelée ‘’Diaoulé d’abord’’, mise sur les femmes et les jeunes.

Coordonnateur de la structure, Mamadou Ngom Touré précise : ‘’Ce projet – Diaoulé vert et résilient financé par l’Aide polonaise - fait suite à un autre projet d’installation d’une ferme agroécologique mise en œuvre par la commune. On s’est rendu compte qu’après avoir mis en place cette ferme, qu’il fallait développer des activités pour rendre le village beaucoup plus résilient face au changement climatique, en engageant les jeunes et les femmes. C’est dans ce sens que nous avons proposé ce projet à l’Aide polonaise qui a bien voulu nous accompagner…’’

La nouvelle vie des femmes
Au niveau du périmètre qui fait près de 2 ha, la joie se lit sur le visage des femmes spécialement mobilisées pour les besoins de l’accueil. À l’unanimité, elles saluent le projet qui, en plus de rendre leur vie moins pénible et leur cadre plus attrayant, les occupe presque à plein temps. Aissatou Barry est une preuve éloquente du regain de vie chez les femmes du village. Elle affirme : ‘’Avant, je n’avais aucune activité, si ce n’est les tâches ménagères et les causeries entre femmes à travers l'Avec (Association villageoise d’épargne et de crédit). Grâce au projet, nous n’avons plus de temps à perdre à la maison. Chaque jour, on s’efforce de terminer tôt certaines tâches pour regagner le périmètre. Surtout quand on annonce que le vieux (Mamadou Talla) va venir. Tout le monde est là pour apprendre de son expérience. C’est une formation très utile. Nous apprenons beaucoup avec lui.’’

Sur place, tout se fait avec beaucoup de minutie. Grâce aux cours du vieux Talla, les femmes savent désormais la distance réglementaire entre deux plants, la distance entre deux planches ; combien mesure la largeur d’une planche… ‘’Pour ce qui est de la longueur, il n’y a pas de limites. Mais pour la largeur, c’est 1,20 m ; alors que la distance séparant deux planches doit être de 50 cm. On nous montre également la profondeur pour enfouir la plante ; comment humidifier le sol… Vous savez, la plante, c’est comme l’être humain. On aime se coucher sur un lit doux ; la plante aussi a besoin de douceur pour s’épanouir. Nous nous efforçons de respecter les consignes. Et nous avons vu les résultats avec les gombos que nous avons récoltés au bout de 43 jours seulement. Nous avons aussi vendu au prix fort sur le marché’’, récite Aissatou Barry très joyeuse, jetant de temps en temps un regard fier sur les champs de piment, d’oignon vert, de tomate, entre autres variétés.
Cette première opération avec le gombo a permis de réaliser un bénéfice de 200 000 F CFA, selon la trésorière Ndèye Sène qui, en bonne argentière, pense déjà à diversifier les projets pour fructifier ces revenus : ‘’Nous les épargnons pour le moment dans le but de les investir. Comme vous le savez, le projet nous a permis d’acquérir des fourneaux améliorés. Pour faire fonctionner ces fourneaux, on se rend dans des villages voisins, souvent à des kilomètres, pour acheter du charbon. Nous envisageons d’installer un dépôt ici à Diaoulé pour rendre accessible le produit, en même temps en tirer profit.’’
Dans le même sillage, la présidente du GIE des femmes, Ndèye Khady Ndiaye, est revenue sur l’importance des fourneaux dans la vie des femmes de Diaoulé. ‘’Avant, on était obligé d’aller dans la forêt pour chercher du bois. Avec les fourneaux, il suffit de 500 g de charbon pour faire la cuisson. C’est économique et c’est moins fatigant’’, renchérit-elle.

Retour sur les trois composantes du projet

Le projet Diaoulé vert et résilient comporte trois axes. D’abord, l’augmentation de la productivité de la ferme écologique. Ensuite, la réduction de la pression sur les ressources végétales à travers notamment la distribution de fourneaux améliorés. Enfin, un important programme de distribution de biogaz. Dans cette optique, le financement polonais a permis la réalisation d’un puits moderne alimenté à l’énergie solaire, la distribution de 500 fourneaux améliorés (fourneaux Jambar) aux femmes du village, enfin le projet de distribution de biogaz pour éradiquer définitivement le charbon.
En ce qui concerne le périmètre agricole, il est exploité par un GIE de 250 femmes réunies autour de 12 Avec. Chaque Avec est attributaire d’un certain nombre de planches dans chaque variété de légumes. Pour la pastèque, l’exploitation se fait collégialement.
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Les nouveaux défis de Diaoulé

Depuis l’aménagement et l’équipement du périmètre, Diaoulé renoue avec l’espoir. Présidente des femmes, Ndèye Khady Ndiaye est revenue sur les principaux défis des groupements.
D’abord, c’est de contribuer à l’autosuffisance en légumes du village. ‘’Nous voulons que toute la communauté se sente dans ce projet. Cela passera par la prise en charge de ses besoins. Nous pensons que ce champ doit contribuer à l’autosuffisance en légumes du village. Notre objectif est donc de faire toutes les variétés : carotte, navet, salade, concombre, piment. Et ce sera dans le respect de l’environnement…’’

Dans cette optique, les femmes espèrent plus d’accompagnement de la part des partenaires. Il faudrait, à leur avis, deux nouveaux puits pour renforcer les capacités du périmètre. ‘’Pour permettre au projet d’être pérenne, il faut qu’il génère des revenus. Nous comptons sur la culture de l’oignon pour relever ce défi. C’est dans la même logique que s’inscrit la culture des arbres fruitiers, en particulier la mangue’’, a précisé l’encadreur des femmes, M. Talla, qui a insisté sur le projet ‘’1 ménage 3 arbres fruitiers’’ lancé par l’association.

Avec les retombées du périmètre, Diaoulé rêve très grand. En sus des projets susvisés, les responsables misent également sur la diversification des activités, avec la mise en place d’une mutuelle d’épargne pour les femmes, l’investissement dans d’autres secteurs comme l’aviculture, l’élevage et l’apiculture, entre autres.

Dans le très court terme, il s’agit surtout d’aménager et de charger le dépôt de charbon. ‘’Maintenant que nous avons des fourneaux améliorés, nous avons estimé qu’il nous faut ce dépôt. Cela va permettre non seulement d’éviter les longs déplacements, mais aussi de fructifier nos revenus’’, a renchéri la présidente de l’association, par ailleurs point focal de Diaoulé d’abord.
Pour sa part, la représentante de l’ambassade, Majsnerowicz Agata, est fascinée par l’élan de développement communautaire et le souci du développement durable. ‘’Ce qui m’a le plus impressionnée, c’est la volonté des femmes de changer leur vie quotidienne et de contribuer au développement de leur terroir. Elles veulent changer non seulement pour elles-mêmes, mais pour la future génération. J’ai vu qu’ils (les habitants du village) ont beaucoup d’idées dont la réalisation ne demande pas beaucoup d’argent. Ce sont des projets à moyen et long terme, et cela m’a beaucoup séduite’’, a-t-il souligné.

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