Publié le 27 Apr 2024 - 16:48
BIENNALE DE DAKAR 2024

Les contours du report

 

Initialement prévue du 16 mai au 16 juin 2024, la 15e édition de la Biennale de l'Art africain contemporain, DAK'ART se tiendra finalement, du 07 novembre au 07 décembre prochain. Quelles sont les véritables raisons de ce renvoi ? Quelles en sont les conséquences ? Et qu'en pensent les artistes et acteurs ?

 

Des contraintes et les aléas induits par le contexte national et international, mais surtout une volonté  des nouvelles autorités en charge du secteur d'organiser la Biennale dans ‘’des conditions optimales, à la hauteur de son envergure et de sa réputation de rendez-vous historique des amateurs d'art du monde’’. Telles sont les raisons évoquées par le ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Culture qui a fait part du report de la 15e édition de la Biennale de l'Art africain contemporain, DAK'ART.  Initialement prévue du 16 mai au 16 juin 2024, elle se tiendra du 07 novembre au 07 décembre 2024. Un report de 6 mois.

‘’Malgré ces incertitudes, le report de la Biennale pourrait s'avérer bénéfique. Le choix du mois de novembre, période favorable au tourisme culturel au Sénégal, pourrait attirer un public plus large et contribuer à l'essor de l'événement’’, a commenté, sur sa page Facebook, la responsable culture et communication à Hahatay son risas de Gandiol, responsable des Arts visuels et chargée de communication-Marketing à l’Institut français du Sénégal à Saint-Louis, Aissatou Diop.

Cependant, note-t-elle, des questions subsistent quant aux raisons précises du report. ‘’Des contraintes financières, logistiques ou organisationnelles ont-elles joué un rôle ? Si tel est le cas, la transparence est de rigueur pour lever les doutes et rassurer les parties prenantes’’, dit-elle.

En effet, ce que les autorités n’ont pas dit, c’est que la véritable raison est liée au manque de financement. En effet, sur le budget d’1,5 milliard de FCFA prévu par l’État, moins d’un tiers serait actuellement disponible.

Maintien du OFF demandé

Sans doute, ce report aura des conséquences sur les acteurs du monde de l'art. Mme Diop souligne que des artistes, commissaires, galeristes et autres professionnels avaient déjà investi du temps, des efforts et des ressources pour participer à l'événement initial. ‘’Des mesures d'accompagnement sont indispensables pour soutenir ces acteurs et minimiser les perturbations causées par le changement de dates’’, estime-t-elle.

Toutefois, elle précise qu’au-delà des questions logistiques, le report de Dak'Art offre l'opportunité de renforcer la mobilisation et l'engagement du public. Elle fait partie de ceux qui réclament le maintien du OFF. ‘’Des campagnes de sensibilisation, des programmes éducatifs et des événements culturels en amont de la Biennale et le maintien du OFF dont le financement ne dépend pas de la Biennale, peut favoriser une participation plus large’’, déclare-t-elle.

En effet, aujourd'hui, avec ce report, un Hastage ‘’TheOFFisON’’ ‘’TheInisOUT’’ est lancé. D’ailleurs, juste avant l’annonce du rapport, dans une tribune, la galeriste Astou Sall déclarait : ‘’Et, si le In n’est pas capable de se tenir, le OFF est prêt’’. Pour la curatrice indépendante et fondatrice Jendalma Art design, si la Biennale n’est pas totalement aboutie du moins pour sa partie officielle, ‘’nous ne pourrons pas en vouloir au nouveau pouvoir d’avoir un In au rabais: il vaut mieux qu’un tel événement se tienne plutôt que de le reporter, voire pire l’annuler’’! Elle dit qu’à l’image des précédentes éditions, les OFF devront faire sortir l’Art de l’académisme et faire briller les propositions créatives les plus audacieuses !‘’Grâce au OFF, la Biennale des arts de Dakar ne sera jamais une Biennale au rabais, comme certains voudraient le faire croire, car elle ne s’arrête pas au seuil de l’ancien Palais de Justice, élitiste, confidentiel voire même ‘has been’ à l’heure du digital’’, écrit-elle dans la tribune contre le report.

Communication tardive

Il faut dire que le principal souci réside au niveau de la communication tardive du report de cet événement de renommée mondiale. Étant donné que les acteurs avaient déjà dépensé de l'argent et planifié leur participation. Il a fallu que plusieurs voix inquiètes se lèvent pour que les autorités en charge de la Biennale se prononcent, ce 24 avril, sur la tenue ou non de l'événement.  

Les artistes et commissaires d’exposition étaient perplexes face au mutisme. ‘’À moins d’un mois de l’ouverture de la 15e édition, je ne comprends pas le silence de l'État sénégalais. Avec tout ce que cela demande comme organisation et travail, le report est inévitable. Il est vrai que les autorités sortantes ont laissé le ministère dans une situation inextricable et malveillante, mais les autorités actuelles doivent communiquer. Si elle est reportée, ce sera à quelle date ?’’, s'interrogeait l’ancien SG de la Biennale de Dakar, Babacar Mbaye Diop.

Aujourd'hui, c’est un ouf de soulagement pour lui et bon nombre d'acteurs. La plus grande crainte serait de voir ce grand événement annulé. Heureusement pour eux, il ne s’agit que d’un report. ‘’Une annulation serait une catastrophe. Il y a déjà beaucoup d'engagements’’, souligne M. Diop. ‘’Enfin, nous aurons la Biennale’’, a réagi l’artiste Paskal Nampémanla Traoré.

Les enjeux socio-économiques de la Biennale de Dakar

Au-delà des enjeux artistiques, il y a des enjeux socio-économiques. La Biennale de Dakar accueille plus de 350 000 visiteurs, dont près de 50 000 étrangers, un budget de près d’un milliard (1 625 022 dollars US), plus de 10 000 professionnels, et plus de 3 000 créateurs (dans le IN et le OFF). Pour éviter des problèmes économiques, M. Diop demande l’autonomisation de la Biennale pour sa pérennité.

Aujourd'hui, le succès de Dak'Art 2024 dépendra d'un dialogue ouvert et transparent entre le ministère et les différentes parties prenantes, d’après Aissatou Diop. ‘’Ce report peut se transformer en une occasion de repenser Dak'Art et d'en faire un événement encore plus inclusif et indépendant des circuits habituels. Le ministère et l'ensemble des acteurs du monde de l'art peuvent transformer ce report en une expérience positive et pour tous, c'est le moment de tenir des assises et revoir ce secrétariat qui n'a plus sa raison d'exister. Pensons à donner cette Biennale à des mécènes et directeurs artistiques capables d'organiser la Biennale et de créer des liens entre elle et les autres du monde pour le bien de notre diplomatie culturelle’’, suggère-t-elle.

‘’Si le report de Dak'Art 2024 est une déception pour beaucoup, poursuit-elle, il n'est pas synonyme de renoncement à la culture et à l'art africain !’’

Le report, une demande (des artistes) controversée

Les autorités étaient sans doute dans l'hésitation. Car, le rapport était aussi une plaidoirie de  quelques artistes et acteurs demandant un audit de la Biennale et une meilleure préparation. Ce qui a mis d’autres, à l’image de la curatrice indépendante Astou Sall, dans tous leurs états. ‘’A 3 semaines d’un tel événement, il s’agit de se faire respecter, d’être digne et fier de notre Biennale, en un mot d’être professionnel à la fois sur le terrain artistique et… dans son expression publique. L'intérêt général prime sur tout autre intérêt’’, déplorait-elle, soulignant que l’heure des comptes n’a pas sonné et les règlements de comptes personnels ne font pas bon ménage avec l’intérêt général.

‘’Comment vouloir porter atteinte à l’image d’un événement d’une telle envergure en demandant un report maintenant, le 22 avril ? Qui a parlé de problèmes d’organisation avant ces derniers jours ? Qui a parlé de la compétence ou non de telle ou telle personne au moment de sa nomination voire au moment des sélections, c’est-à-dire il y a plusieurs années ou mois ? Pourquoi un tel mutisme à ce moment et pourquoi s’offusquer aujourd’hui ?’’, poursuivait Astou Sall.

Ainsi, cette 15e édition se tiendra autour du thème général ‘’The Wake’’, l'éveil, le sillage’’ avec les deux pays mis à l'honneur que sont les Etats-Unis d'Amérique et la République de Cabo Verde. Le Gouvernement, à travers le ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Culture, réaffirme son engagement en faveur des arts et de la culture et marque sa volonté d'’’offrir une expérience artistique exceptionnelle qui célèbre la créativité, la diversité et le dialogue’’.

BABACAR SY SEYE

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