Publié le 18 Apr 2021 - 04:27
MIGRATION ET LIBRE CIRCULATION DANS L’ESPACE CEDEAO

Dr Amadou Diaw défait ‘’les fantasmes’’

 

La libre circulation dans l’espace CEDEAO n’est pas réellement effective, du fait de plusieurs raisons. Les migrants en souffrent. Le Dr Amadou Diaw, Conseiller technique au Secrétariat d’État chargé des Sénégalais de l’extérieur, diagnostique le phénomène et donne des solutions.

 

Il y a énormément de préjugés sur les migrations africaines. L’atelier de restitution des capsules sonores sur les migrations africaines, initié par le Laboratoire mixte international (Movida), Ipar et la fondation Heinrick Böll, a cherché à les défaire, en mettant en place une boîte à outils. Celle-ci permettra de montrer de façon très parlante et facilement compréhensible en quoi les idées que la migration africaine se dirige surtout vers les pays du Nord sont fausses. Ce projet a aussi permis de valoriser les résultats des recherches sur la migration interne et intra-africaine, en vue de faciliter le plaidoyer auprès des décideurs. L’idée est aussi de faire connaître les questions des migrations et les problématiques des droits humains et de justice économique inhérentes dans l’espace public sénégalais. In fine, il s’agit de collecter des données de terrain pertinentes et de les mettre en forme, afin de créer des outils de sensibilisation efficaces.

Selon le Dr Amadou Diaw, Conseiller technique au ministère des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur, il urge d’avoir toutes les parties prenantes, de travailler collectivement pour faire évoluer la cause et les préoccupations des migrants. Car, assez souvent, dit-il, le débat sur la mobilité et les migrants est empreint de fantasmes, source de polémiques.

En effet, les migrants sont souvent victimes de stigmatisation, d’exclusion sociale… Bref, accusés de tous les maux et qualifiés de tous les sobriquets. ‘’Les migrants sont généralement perçus de manière négative. Les préjugés et idées reçues qui leur sont appliqués sont nombreux et variés. Les idées reçues découlent d’une analyse simplificatrice de la réalité. Dans toute idée reçue, il y une petite part de vérité et beaucoup d’exagération. Elle est répandue dans les milieux où les raccourcis historiques sont courants. Façonnées à partir de représentations sociales déterminées, les idées reçues sur la migration ont tendance à se focaliser sur la figure de l’étranger envahisseur et qui viendrait prendre ou voler le travail de nationaux. Par ailleurs, l’on a plus tendance à se focaliser sur la migration vers l’Europe ou les pays de l’OCDE (l’Organisation de coopération et de développement économique) quand il s’agit d’aborder la question des migrations africaines’’, explique Dr Diaw.

Il rappelle que la majorité des migrants se trouvent dans les pays du Sud. Par exemple, 86 % des plus de 21 millions de réfugiés identifiés par le Haut-Commissariat des réfugiés (HCR), selon lui, se trouvent dans les pays en développement voisins des pays en crise.

Ainsi, en Afrique, les migrants africains sont en majorité sur le continent. Selon l’OCDE, l’immigration rapporterait en moyenne près de 3 500 euros de rentrées fiscales par individu et par an. En cotisant, en consommant et en payant des impôts, les migrants contribuent à l’activité́ économique et aux finances publiques qui, à défaut, subiraient des pertes.

Toutefois, précise-t-il, il convient de relever que réduire les apports des migrants à une question purement économique ou statistique revient à occulter tous les bénéfices immatériels que représente la migration.

Sur les 126 724 individus pris en charge lors de la Covid-19, les 96 466, soit 76,12 %, sont en Afrique

Pour le cas du Sénégal, l’Agence nationale pour la statistique et la démographie (ANSD) déroule un projet de recensement des Sénégalais de l’extérieur, informe-t-il. En attendant d’avoir les quatre résultats de cet important travail pour le pilotage des politiques publiques à l’endroit de la diaspora, si l’on se réfère aux résultats issus de l’exploitation des données de la plateforme qui a été mise en place pour la gestion de l’aide de 12,5 milliards dédiés à la diaspora, dans le cadre de la gestion de la crise de la pandémie liée à la Covid-19.

Selon le Dr Diop, sur les 126 724 individus pris en charge, 96 466 (soit 76,12 %) sont en Afrique ; 26 678 (soit 21,05 %) en Europe ; 1 205 (soit 0,95 %) en Asie et 2 375 (soit 1,87 %) en Amérique. ‘’Cela ne veut nullement dire que 76 % des émigrés sénégalais sont en Afrique et il convient de prendre cette donnée pour ce qu’elle est. Au-delà de ces questions purement statistiques, la question principale est celle de migrations sûres, ordonnées et régulières, quelle que soit la destination du migrant.

Dans l’espace CEDEAO, la libre circulation n’est pas réellement effective, du fait de pratiques au niveau de certains postes frontières régulièrement soulignées par l’Observatoire des pratiques anormales. C’est dans l’amélioration de ces questions que s’inscrit la plateforme MidwaI, le dialogue sur la migration pour l’Afrique de l’Ouest. Cette plateforme a été conçue pour encourager les États membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à débattre, dans un contexte régional, de questions et de préoccupations communes se rapportant à la migration pour lesquelles il pouvait être difficile de trouver des solutions immédiates à l’échelle nationale’’, préconise-t-il.

Le Sénégal a présenté sa candidature pour co-présider le Groupe de travail thématique ‘’Changement climatique, dégradation des sols, désertification, environnement et migration’’, avec l’État de la Sierra Leone. Ceci contribuera au renforcement du leadership de notre pays sur ces questions et enjeux.  ‘’Aujourd’hui, il est fondamental de garantir la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace CEDEAO et, au-delà, sur tout le continent africain, afin de favoriser l’intégration africaine et la solidarité des peuples. Le pari des migrations sûres, ordonnées et régulières doit d’abord être relevé sur notre continent et nos États ont tous intérêt à travailler à sa réalisation’’, conclut le conseiller technique au Secrétariat d’État chargé des Sénégalais de l’extérieur.

CHEIKH THIAM

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