Nadal et les autres tyrans de l’histoire du sport
Qui peut battre Rafael Nadal sur terre battue ? Pas grand-monde. L’Espagnol est à ranger dans la catégorie des invincibles. Il n’est pas le premier dans l'histoire des sports individuels. Sélection.
Rafael Nadal, l’ogre de l’ocre
S’il fallait associer une couleur à Rafael Nadal, ce serait évidemment l’ocre. Dimanche à Roland-Garros, Rafael Nadal a remporté son huitième titre du côté de la Porte d’Auteuil. Une première dans l’histoire du tennis. Au-delà de la domination statistique de l’Ibère durant les Internationaux de France, il y a cette impression de puissance et d’invincibilité ultime dégagées par Rafa, qui n’a perdu qu’un match dans sa carrière à Roland-Garros et qui en a gagné plus que quiconque (59). A 26 ans. Mais le bilan "terrien" de Nadal dépasse les frontières de Paris puisque l’ancien numéro 1 mondial terrorise les terres battues du monde entier et les imprudents qui se dressent sur son passage depuis 2004 : Quarante-deux tournois remportés (sur 57), un bilan surréaliste de 93,3% de victoires sur cette surface (292 victoires contre 21 défaites)… Ajoutez à cela que le Majorquin est resté invaincu durant deux ans sur terre (81 matches, entre 2005 et 2007) et vous avez ce qui ressemble le plus à un épouvantail.
Joe Louis, une ceinture collée à ses hanches
Invincibilité et boxe sont deux termes que des milliers de pratiquants du noble art ont tenté d’associer. Rocky Marciano a réussi. Floyd Mayweather, jusqu’ici, y parvient. Mais il y aurait beaucoup à redire quant aux adversaires que l’Américain se choisit. Sugar Ray Robinson, lui, a perdu une rencontre dans sa carrière pugilistique professionnelle (131 combats). Quant à Joe Louis, il est allé jusqu’à perdre à trois reprises ! Pour autant, peu de boxeurs ont laissé cette impression d’invulnérabilité dans l’histoire. C’est sûrement lié au fait que le "Brown Bomber" a été détenteur du titre mondial des lourds durant 11 ans, 8 mois et 8 jours (1937-1949). Personne n’a porté la prestigieuse ceinture plus longtemps que Louis. Durant cette période, le natif de LaFayette en Alabama a défendu son titre vingt-six fois. Appelé sous les drapeaux en 1942 en pleine seconde Guerre Mondiale, Louis, icone de la population afro-américaine au même titre que Jesse Owens, dût mettre sa carrière professionnelle entre parenthèses. Quand il revint, en grande partie pour des raisons financières, le charme était rompu. Pas la légende, définitivement ancrée dans l’histoire du sport et de l’Amérique.
Lewis, soixante-cinq longueurs d’avance
Carl Lewis fut le roi du sprint. Mais c’est à la longueur que le pensionnaire du Santa Monica Track Club s’est montré le plus implacable durant sa carrière. Ses triomphes olympiques ininterrompus, de 1984 à 1996, en sont la preuve la plus évidente. Pas certain que cela soit la plus exceptionnelle car l’Américain possède également la particularité d’être resté invaincu sur les sautoirs du monde entier durant une décennie. Soit 65 concours d’affilée que King Carl a remportés. Le soixante-sixième ? Carl Lewis l’a disputé à Tokyo le 30 août 1991. Et perdu face à Mike Powell, dans ce qui restera le concours le plus célèbre de l’histoire avec un record du monde à 8,95 mètres. Vous avez dit cruel ?
Schumacher, la machine à gagner
Un homme. Une monoplace. Rarement, voire jamais dans l’histoire de la Formule 1, un pilote et une voiture ont fait corps à ce point. Pour le meilleur. Rarement pour le pire. Déjà auréolé de deux titres (1994, 1995) avant de rejoindre la Scuderia, Michael Schumacher devient un véritable dictateur en Championnat du monde, décrochant la timbale à cinq reprises de suite entre 2000 et 2004. Durant cette période, le Baron Rouge aura décroché 48 succès en Grands Prix, soit trois de moins qu’Alain Prost durant toute sa carrière. Son chef d’œuvre : 2004. Treize victoires, dont douze lors treize GP initiaux.
Merckx, l’affamé
Cannibale. Le surnom d’Eddy Merckx suffit à poser le personnage. Parmi les invincibles, le Belge tient une place de choix. Il fut un temps, la simple présence de Merckx au départ d’une course pouvait suffire à décourager ses adversaires, ces derniers préférant s’abstenir plutôt que se coltiner le plus grand coureur de tous les temps et prendre une tannée. On exagère ? A peine. Merckx a remporté 525 courses sur route en treize ans de carrière (soit 40 de moyenne par saison). Et, évidemment, pas les moins prestigieuses puisque le Cannibale a décroché cinq Tours de France entre 1969 et 1974 (ndlr : il n’a pas pris part à l’édition 1973) et autant de Tours d’Italie de 1968 à 1974. Ajoutez à cela 19 Monuments dans les classiques. De Vlaeminck (11 victoires) le « suit » de loin. Très loin.
Moses, 48.800 mètres d’invincibilité
Dans le cercle très ferme des légendes de l’athlétisme, Edwin Moses n’est pas le personnage auquel on pense forcément instantanément. Et pourtant, le hurdler a un palmarès à faire pâlir grand nombre des plus grands athlètes de l’histoire (deux titres olympiques, deux titres mondiaux). Mais, surtout, l’Américain a réussi un tour de force unique sur 400 mètres haies : rester invaincu sur la distance durant dix ans et surtout 122 courses. Imaginez : 122 tours de piste à effectuer, 1220 haies à franchir et 48 800 mètres à parcourir. Danny Harris a mis fin à l’exceptionnelle série, à Madrid en 1987. Mais pas rompu le charme.
Agostini, l’homme qui multipliait les titres
Boulimique comme Agostini, il n’y a pas. Le motard italien, vainqueur de quinze titres mondiaux durant sa carrière (8 en 500 cm³ et 7 en 350 cm³), a fait la pluie et le beau temps sur le Championnat du monde de vitesse moto durant plus d’une décennie. La pluie sur la tête de ses adversaires, le beau temps sous son casque. C’est simple, Giacomo Agostini a quasiment tout raflé en 350 cm³ et 500 cm³ entre 1966 et 1973. Dans les deux catégories, l’homme aux 122 victoires a décroché sept couronnes mondiales de suite (1968 à 1974 en 350 cm³, 1966 à 1972 en 500 cm³) et une dernière pour la route en 1975 (500 cm³). A une époque où l’on pouvait décemment s’aligner dans différentes catégories, l’Italien ne s’est pas gêné. Et a complètement écrasé la concurrence. Imaginez qu’en 1968, Agostini a remporté toutes les courses auxquelles il a pris part, en 350 et 500 cm³. Un invincible. Au sens strict du terme.
Weissmuller, fort comme Tarzan
Johnny Weissmuller est un invincible. Un vrai. Le double champion olympique du 100 mètres nages libre, digne successeur de la légende Duke Kahanamoku, est resté invaincu durant toute sa carrière professionnelle, remportant au passage cinq médailles d’or aux Jeux Olympiques ou décrochant 52 titres nationaux. Impressionnant. Si l’on veut être tout à fait honnête, Weissmuller a quand au moins été battu une fois dans les bassins. C’était en 1924 en demi-finale du tournoi olympique de… water-polo.
Vezzali, de la suite dans les idées
Ça ne s’entend pas tout de suite mais Vezzali rime avec Or. Un peu tiré par les cheveux ? Non. Pas vraiment. Jugez-vous même : Valentina Vezzali est devenue en 2008 la première escrimeuse à décrocher trois titres olympiques de suite lors d’une épreuve individuelle. De Sydney à Pékin, en passant par Athènes, la fleurettiste a régné sur les anneaux et a même ajouté quelques breloques dorées lors des épreuves par équipes (3). N’imaginez pas que l’Italienne s’est arrêtée là. Six titres de championne du monde en individuel, sept par équipes et 11 Coupes du monde, remportées en 1996 et 2010, sont venues donner encore plus de relief à l’incroyable palmarès de Vezzali. "Le problème avec Vezzali, c'est que vous avez déjà perdu avant même l'assaut", confiait il y a quelques années Adeline Wuillème. On n’aurait pas dit mieux.
Björn Borg, Paris - Londres express
Parler de Björn Borg, c’est un peu, d’une certaine manière, l’occasion de boucler la boucle. Parce qu’avant Rafael Nadal, il y eut un autre ogre de l’ocre. Celui-ci venait du nord. Et avait pour autre particularité d’être également un monstre du gazon à une époque où les surfaces n’avaient pas la regrettable uniformité d’aujourd’hui. Björn Borg a mis sa patte et le tennis mondial entre la fin des années 70 et le début de la décennie suivante. Iceborg a remporté Roland-Garros à six reprises, un record que "qui-vous-savez" lui a soufflé l’an passé. Implacable, le Suédois l’a aussi été à Wimbledon où il a réussi le tour de force de mettre All England Club à ses pieds à cinq reprises. Auteur de trois doublés Roland-Garros – Wimbledon de suite (1978, 1979, 1980), Borg reste un cas unique dans l’histoire.
Et aussi…
Vous allez nous dire qu’il manque des champions. On vous dira : vous avez complètement raison. Mais il fallait bien choisir. Mais, oui, on aurait également pu parler de…
- Ingemar Stenmark, huit coupes du monde de géant, autant de slalom et 86 succès en course. Quand même…
- Teddy Riner, 24 ans, cinq titres de champion du monde de suite (et un titre olympique…)
- Martina Navratilova, invaincue durant 74 matches consécutifs.
- Michael Phelps, simplement 18 titres olympiques.
- Sébastien Loeb, nonuple champion du monde en WRC et toujours aussi fort, même en semi-retraite.
- Sugar Ray Robinson, dont on vous a déjà parlé un peu plus tôt (cf Joe Louis) et dont le palmarès (85-0 en amateur; 128 victoires, 1 défaite et 2 nuls en pro) ferait pâlir n’importe qui.
- Serguei Bubka, l’homme aux 35 records du monde, six fois de champion du monde mais uniquement sacré champion olympique en 1988 (on chipote…)
- Michael Johnson, roi du 400 mètres et invaincu durant 58 courses consécutives.
- Pete Sampras et Roger Federer, couronnés sept fois sur le gazon de Wimbledon
- Usain Bolt, dont le seul adversaire semble être lui-même. Rappelez-vous Daegu.
- Stefan Everts, 101 victoires en moto-cross, 10 titres de champion du monde. Excusez du peu…
- Ryoko Tani, judokate "légère" (-48kg) qui est restée invaincue en grande compétition entre 1996 et 2008.