Publié le 23 Sep 2022 - 19:26
NOMINATION DANS LE GOUVERNEMENT

Mame Mbaye Niang, le retour du tribun

 

Le retour aux affaires de Mame Mbaye Niang, nouveau ministre du Tourisme et des Loisirs, en a surpris plus d’un. Si ses détracteurs évoquent son absence de représentativité et de légitimité politique, ses partisans saluent un homme engagé auprès de Macky Sall.

 

La surprise du chef. Quand le secrétaire général du gouvernement, Abdou Latif Coulibaly, accompagné du tout nouveau Premier ministre Amadou Ba, s'est avancé au micro situé en contrebas des escaliers pour égrener la liste des 38 ministres du nouveau gouvernement, l'énoncé de son nom en a surpris plus d’un. Mame Mbaye Niang fait son retour sur la grande scène de la politique sénégalaise, comme ministre du Tourisme, après près de trois années de ‘’purgatoire doré’’ au sein du cabinet du président. Il revient aux commandes du ministère du Tourisme et des Loisirs, poste qu’il occupait entre 2017 et 2019.

Le retour au premier plan de ce fidèle du couple présidentiel a surpris plus d’un observateur. Contrairement à Modou Diagne Fada qui, avec sa liste dissidente de War Wi au sein du PDS en 2007, avait un peu bousculé le régime d’Abdoulaye Wade en obtenant trois députés en 2007, sa tentative de ‘’sédition’’ avec sa liste parallèle Sénégal 2035 n’aura pas fait long feu. Celle-ci avait réussi à regrouper l’ensemble des frustrés non investis sur les listes de Benno, pour constituer sa coalition Sénégal 2035.

Certains analystes ont indiqué qu’elle avait été pilotée en sous-main par le palais pour capter les voix des ‘’frustrés’’ et éviter qu’elles ne tombent dans l’escarcelle de l’opposition. Ses détracteurs, eux, se sont interrogés sur la pertinence d’une telle défiance, compte tenu de l’absence de fief et d’une base politique solide de Mame Mbaye Niang dans la capitale.

En effet, dans la commune de Mermoz - Sacré-Cœur, il n’a jamais pu s’imposer devant l’indéboulonnable Barthélemy Dias en 2014 (Locales) et en 2022 (Locales et Législatives).

Le retour aux affaires d’un communicant sans base politique

Néanmoins, dans ce gouvernement de combat qui a pris forme le 17 septembre dernier, ce cadre de l’aviation civile, qui avait été en charge du ministère de la Jeunesse, de l’Emploi et de la Promotion des valeurs civiques, ne dépareille pas. Car il s’est toujours révélé comme un redoutable combattant qui n’hésite pas à monter au front pour brocarder l’opposition.

Après les élections locales du 31 janvier 2022, le fils de l’ancien député imam Mbaye Niang, leader du Mouvement de la réforme pour le développement social (MRDS), n’a pas manqué de dénoncer les ‘’inepties’’ et les tricheries de la coalition de l’opposition Yaw qui, d’après lui, ne peut même pas avoir 30 députés. ‘’Ils ne peuvent pas avoir la majorité. Ils sont libres de raconter des chimères’’, disait-il. Non sans ajouter : ‘’Il (Sonko) promet de diminuer le coût de la vie en prenant l’exemple du riz, alors que ce produit consommé par 80 % des Sénégalais n’est pas taxé.’’

Suffisant pour signaler : ‘’On ne peut pas être ignorant, imposteur et de mœurs légères et aspirer à nous diriger.’’

En franc-tireur, l’ancien président du Conseil de surveillance de la Haute autorité de l'aéroport Léopold Sédar Senghor s’est aussi fait remarquer par son culot et sa pugnacité. En 2016, il n’avait pas hésité à ‘’flinguer’’ sur la place publique Aliou Sall, frère du président Macky Sall et président des maires du Sénégal qu’il accusait d’être un opportuniste profitant du pouvoir de son frère pour s’arroger une place au soleil.  Une sortie qui avait fortement déplu dans les cercles proches du palais de la République. 

Ce tribun hors pair ne manque jamais d’aller au casse-pipe, face aux opposants du régime. C’est ainsi que sa caravane s’était fait caillasser par des jeunes socialistes à Grand-Yoff, fief d’un certain Khalifa Sall alors déchu de son mandat de maire de Dakar, en 2017. Sans oublier ses invectives et bagarres contre les jeunes de la Cojer, en 2017. 

Ce proche indéfectible du patron de l’APR n’hésite, par ailleurs, pas à se mouiller sur la question du 3e mandat. ‘’Macky Sall peut bel et bien briguer un troisième mandat. Le référendum du 20 mars 2016 a déjà réglé la question’’, a-t-il déclaré à la veille du remaniement ministériel. 

La réhabilitation de ce communicant ne sera pas de trop dans la future bataille communicationnelle qui s’annonce avec l’opposition galvanisée autour d’Ousmane Sonko.

Selon Moussa Diaw, Docteur en sciences politiques à l’UGB, le retour de Mame Mbaye Niang ne peut être jugé qu’à l’aune d’une volonté du président Macky Sall de privilégier l’option jeunesse et d’un engagement indéfectible sur la personne du président. ‘’Mame Mbaye Niang bénéficie de solides relations au sein du pouvoir. Une situation qui lui a permis de bénéficier du rajeunissement de l’équipe gouvernementale et d’un engagement sans faille envers le chef de l’État. Je pense aussi qu’il bénéficie d’un certain flou concernant les critères de nomination comme ministre de la République. Des promotions qui sont difficiles à analyser, répondant seulement aux désirs du prince’’, affirme l’universitaire.

L’engagement auprès de Macky Sall comme seul critère de légitimité

Selon le journaliste Ibrahima Bakhoum, le critère de légitimité politique acquise à travers des élections est à relativiser pour justifier ou non la présence d’une personne au gouvernement.  En effet, ajoute l’analyste politique, le président est le seul référentiel dans notre République et qu’il est l’unique détenteur de la légitimité politique. ‘’La légitimité est portée par le président tout seul qui la projette sur ses subordonnés. Il te met en avant, tu es légitime et il cesse de le faire, tu perds ta légitimité’’, dit-il d’entrée.

Selon l’ancien directeur de publication du quotidien ‘’Sud Quotidien’’, ce constat peut s’appliquer à Mame Mbaye Niang qui, certes, n’est pas porteur de voix, mais possède un haut niveau d’engagement auprès du chef de l’État.  ‘’Il y a des gens qui n’ont pas de base politique qui est révélée par des résultats électoraux. A partir de ce postulat, on peut indiquer que Mame Mbaye Niang n’est pas très représentatif, politiquement. Mais c’est un fidèle du président et on parle de gouvernement de combat qui sous-entend un combat communicationnel. Sur ce plan, il a un discours, qu’on l’aime ou pas. En outre, on a longtemps reproché aux hommes du président leur absence de prise de parole dans la presse et dans le débat public. Et Mame Mbaye Niang pourra combler ce vide dans la perspective des prochaines échéances de 2024’’, indique-t-il.

MAKHFOUZ NGOM

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