L’Afrique lance ses jeux
À six jours de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques et paralympiques de Paris, l’Afrique a inauguré son QG à l’Ile-Saint-Denis, où elle compte non seulement célébrer tous ses champions, mais aussi mettre en exergue les valeurs culturelles ainsi que les opportunités économiques qu’offre le continent.
‘’Ici ce n’est pas Paris, ici c’est l'Ile-Saint-Denis’’. C’est en ces termes que la MC Aissatou, originaire du Mali, accueille les délégations africaines venues représenter leurs pays aux Jeux olympiques de Paris. Samedi, sur l'Ile-Saint-Denis située dans le département du même nom, ils étaient une vingtaine de nations africaines à rivaliser d’ardeur dans la mise en valeur des richesses culturelles et sportives de leurs différents pays. À la tête d’une forte délégation, le coordinateur général des Jeux olympiques de la jeunesse (Dakar-2026), Ibrahima Wade, a été au cœur de l’érection de cette cité Afrique, avec les deux principaux initiateurs que sont le maire de l'Ile-Saint-Denis, Mohamed Gnabaly, et le président de l’Association des comités nationaux olympiques d’Afrique (Acnoa) Moustapha Ferrat. Une grande fierté, selon lui. ‘’C’est le 28 septembre 2023 que le président de l’Acnoa m’a connecté avec Mohamed (maire de l'Ile-Saint-Denis originaire du Sénégal). Ce jour-là, sous une forte pluie, nous avons visité le stade qui abrite cette station et avons été convaincus que c’est l’endroit idéal pour réunir les Africains... Nous y avons cru parce qu’il est important que l’Afrique soit sportivement représentée sur le terrain, mais il est tout aussi important qu’elle le soit dans sa diversité culturelle, dans son savoir-faire, dans son humanisme’’, a déclaré M. Wade qui magnifie l’engagement du maire et du président de l’Acnoa.
Sénégal, l’attraction
Dans cette station située au cœur de l'île, le Sénégal a été l’une des grandes attractions, à l’occasion de cette cérémonie d’ouverture, avec les belles tenues traditionnelles aux couleurs vives qu’arboraient fièrement les hôtesses. Conseillère économique chargée de la promotion des investissements au niveau de l’ambassade du Sénégal à Paris, Fatimata Diaw, également chargée du club Dakar-2026, revient sur les raisons de la participation active du Sénégal : ‘’L’objectif de cet événement, c’est de promouvoir la destination Sénégal, avec notamment sa culture et son artisanat. On aura l’occasion, durant ces trois semaines – la durée des JO - de présenter le Sénégal sous toutes ses cultures. C’est aussi une occasion de mettre en avant la diaspora sénégalaise basée en France, mais aussi le savoir-faire des artisans du Sénégal.’’
Au stand Sénégal, sont ainsi exposés différents produits faits par des artisans du pays, notamment Djilène créations qui fait différentes chaises et tables de jardin fabriquées avec des filets de pêche... Outre ces beaux articles d’art, c’est aussi la beauté des hôtesses plastronnant dans leurs magnifiques boubous traditionnels qui attirent le plus les visiteurs. Lesquels ne cessent de s’exclamer devant leurs jolis sourires et de solliciter quelques clichés pour immortaliser le moment.
Chef du service commercial à l’ambassade de Côte d’Ivoire à Paris, Koné Idrissa a fait un tour avec ses camarades pour immortaliser ces moments. Face à ses amis qui le taquinent en lui demandant s’il veut prendre une deuxième chez les Sénégalaises, il rétorque dans une ambiance bon-enfant. ‘’Je pense que vous là vous voulez me créer des problèmes. Même si je reconnais que les femmes sénégalaises sont très belles et ont la réputation de bien s’occuper de leurs hommes’’, sourit-il. Monsieur Koné de magnifier l’initiative de la station Afrique et des relations solides d’amitié entre son pays et celui de la ‘’teranga’’.
‘’C’est donc, dit-il, un grand plaisir d’avoir cette opportunité d’immortaliser ce moment avec les sœurs du Sénégal, un peuple ouvert, solidaire, avec lequel on partage beaucoup de choses en tant qu’Ivoiriens’’.
Fortement mobilisée dans le cadre des JO de Paris, la délégation sénégalaise prépare ainsi activement les Jeux olympiques de la jeunesse programmés en 2026 dans la capitale sénégalaise. À ce titre, Dakar semble être en stage à Paris pour réussir son événement. ‘’Nous sommes également là pour promouvoir les Jeux olympiques de la jeunesse qui vont avoir lieu pour la première fois sur le continent africain, en 2026. Ces jeux que nous allons organiser ne le seront pas que pour le Sénégal. Ils seront les jeux de l’Afrique organisée par le Sénégal, comme aime à le dire le coordinateur général’’, indique la chargée du club Dakar-2026. Fatima Diaw : ‘’Il y a beaucoup de choses qui se font entre les deux équipes (Paris-2024 et Dakar-2026). Ces échanges nous permettent un peu de vivre les jeux de manière continue, de vivre les jeux dans leur technicité ; c’est pour faire face à certaines situations qui peuvent toujours se présenter’’, renseigne Mme Diaw qui revient sur l’une des grandes orientations de Dakar en matière de construction d’infrastructures. ‘’Nous avons mis l’accent sur la rénovation, l’adaptation, plutôt que sur la construction. C’est aussi de créer une chaîne de valeur ; la dynamique autour des jeux’’.
MOHAMED GNABALY, MAIRE DE L’ÎLE-SAINT-DENIS ‘’Nous avons voulu avoir une maison pour célébrer et valoriser l’Afrique’’ Sénégalais par ses origines, le maire de l’Ile-Saint-Denis, Mohamed Gnabaly, est largement revenu sur les raisons d’être de la station Afrique. Maire de l’Ile-Saint-Denis depuis 2016, alors qu’il avait seulement 31 ans, Mohamed Gnabaly a exprimé toute sa fierté et toute sa joie d’accueillir le village Afrique aux JO. Pour lui, c’était un challenge loin d’être évident. ‘’C'est avec beaucoup d'émotion que j'ouvre cette station. Cela est parti d'une idée simple : avoir une maison du continent pour valoriser les peuples et les pays d'Afrique’’, a-t-il souligné. Au début, beaucoup de voix, souvent de bonne foi, avaient émis des doutes sur la pertinence de l’initiative, d’autant plus que le maire lui-même est aussi originaire d’Afrique. Ils avaient, en effet, peur que cela soit mal vu par certains. Monsieur Gnabaly : ‘’D’aucuns ont essayé de me dissuader en disant que c’est compliqué, c'est trop difficile ; d'autres m’ont dit que ce n'est pas valorisant pour l’image de la ville. Il y en a aussi qui me disaient que ça ne peut pas réussir parce que de toute façon tu n’as pas d’argent et eux non plus ils n’ont pas d’argent.’’ D’autres, en revanche, y ont cru et ont soutenu l’initiative. Parmi eux, les plus hautes autorités de la République française, dont la ministre des Sports et des Jeux olympiques, Amélie Oudéa-Castéra qui a tenu à assister à la cérémonie d’ouverture de la station Afrique. Pour la valorisation des athlètes, des artistes, des cultures de l’artisanat, de l’Afrique… Petite ville de 8 000 habitants, l'Ile-Saint-Denis compte ainsi jouer sa pleine participation dans ces Jeux olympiques. En sus de la station Afrique, elle va abriter beaucoup d’infrastructures dont une partie du village des athlètes. Grâce aux jeux, explique le maire, la ville a gagné au moins 10 ans de progrès dans la construction d’infrastructures sportives et sociales. La vision, selon lui, a toujours été de faire en sorte que les jeux soient un moyen pour aider les gens à vivre mieux. ‘’Voilà huit ans que nous travaillons sur l’accueil des Jeux olympiques et paralympiques sur notre île, notre département et notre pays, avec une vision, une promesse : réussir les jeux de Paris-2024, pour améliorer la vie des gens. Aujourd’hui, l’accueil des jeux a accéléré et bonifié notre projet de ville. Avec les jeux, nous avons gagné 10 ans, au moins’’, s’est-il félicité. Né en 1985 en France de parents sénégalais, Mohamed dirige la mairie de l’Ile-Saint-Denis depuis 2016. Président de l’Association des maires de Saint-Denis, vice-président de l’Association des maires de France, il a réussi à placer sa commune au centre des jeux, notamment en ce qui concerne la participation de l’Afrique. ‘’L’idée de cette station, souligne-t-il, est partie d’une idée simple : ériger une maison de célébration autour du continent africain, pour promouvoir et valoriser les athlètes, les artistes, l’art, la culture, l’artisanat et plus largement les peuples et les pays d’Afrique. Une maison de célébration qui valorise aussi la ville de l’Ile-Saint-Denis, son département et ses habitants’’. Présent à la cérémonie d’ouverture, l’ancien international sénégalais de football Diomansy Camara magnifie l’initiative et l’engagement du maire. ‘’Si nous sommes là, c’est surtout pour soutenir le maire. Non seulement parce qu’il est d’origine sénégalaise, mais aussi parce que c'est un jeune qui se bat énormément, qui fait beaucoup d’efforts pour faire bouger les lignes. Aussi, nous sommes fiers que cette station ait été érigée dans sa ville’’, a-t-il réagi aux remerciements du maire. Pour lui, il est important d’avoir un lieu de rassemblement pour les Africains. ‘’On est panafricain, on aime être ensemble et avoir un lieu où l’on pourra célébrer nos athlètes ; c’est très important. Je pense que c’est une excellente initiative que l’on doit pérenniser’’, plaide l’ancien international. DIOMANSY CAMARA SUR LES DIFFICULTÉS DES ATHLÈTES AFRICAINS ‘’Le problème, c’est le manque d’infrastructures’’ Malgré un potentiel énorme, l’Afrique peine toutefois à briller dans les compétitions internationales, en particulier aux Jeux olympiques, à l’exception de quelques disciplines où les Kenyans et les Éthiopiens règnent en maîtres. Interpellé sur cette problématique, Diomansy Camara ne cherche pas midi à quatorze heures. ‘’Le manque d’infrastructures, c’est clair. On a des athlètes de très haut niveau. Regardez les équipes de France, il y a beaucoup de personnes d’origine africaine qui font d’excellentes choses. Simplement parce qu’ici, il y a des infrastructures de qualité, ils travaillent dans d’excellentes conditions. C’est pourquoi ils performent. Ce n’est pas le cas dans les pays africains’’. Prenant exemple sur le Sénégal, il invite les autorités à construire encore plus d’infrastructures pour permettre le développement du sport et augmenter les chances des pays dans des compétitions comme les JO. Selon lui, il faut plus de pistes de qualité, plus d’infrastructures pour augmenter les chances de médailles africaines. ‘’On voit que les politiques sont en train de faire des efforts et pour le Sénégal, on espère qu’avec les Jeux de 2026, on fera des efforts. Il faut que nos pays se mettent aux normes, parce que les qualités intrinsèques on en a énormément’’. |
MOR AMAR (Envoyé spécial à Paris)