Publié le 9 Dec 2022 - 16:31
APPUI BUDGETAIRE, SECURITE, EDUCATION, AGRICULTURE…

Le Sénégal demande encore un secours à la France

 

Après deux ans de sevrage, la France et le Sénégal ont tenu, hier, le 5e séminaire intergouvernemental. Sentiment anti-français, appui budgétaire direct de l’ordre de 100 milliards F CFA ; la migration et la question des visas… Voilà, entre autres questions au cœur des discussions entre les deux gouvernements, en sus de la jeunesse, de la formation et de l’insertion professionnelle qui était le thème principal.

 

Le sentiment anti-français, ça n’existe pas au Sénégal. C’est en tout cas la conviction du Premier ministre Amadou Ba, exprimée hier à Paris, lors de la conférence de presse tenue à la fin des échanges entre les deux gouvernements, dans le cadre du 5e séminaire intergouvernemental franco-sénégalais. Répondant à la question d’une consœur, Amadou BA s’est voulu on ne peut plus diplomatique. Il déclare : ‘’Au Sénégal, nous n’avons pas de sentiment anti-étranger. C’est peut-être la chance que nous avons. Ce n’est pas pour rien que les joueurs de nos équipes nationales sont appelés  des Lions de la Téranga, c’est-à-dire des Lions de l’hospitalité. Cette hospitalité est dans notre ADN, nous n’avons vraiment pas ces considérations. Aussi, l’excellence des relations entre la France et le Sénégal est connue de tous et respectée par toutes les obédiences’’.     

Cette précision faite, Amadou Ba note qu’il existe néanmoins quelques difficultés et que les deux gouvernements s’emploient, ensemble, à y trouver des remèdes appropriés. ‘’Maintenant, il y a quelques difficultés, notamment au Sahel… Nous nous entendons bien sur la démarche à mettre en œuvre pour qu’il y ait un climat de paix, de la sérénité, pour qu’ensemble, non seulement les peuples sénégalais et français, mais aussi les autres peuples de la sous-région, qu’on puisse aspirer à la démocratie et à l’émergence. Mais au Sénégal, nous n’avons pas du tout ce problème’’, a assuré le Premier ministre qui en veut pour preuve la tenue de ce 5e séminaire intergouvernemental.

‘’Le seul problème entre nos deux pays, insiste-t-il, se tournant vers son homologue qui le fixe des yeux, c’est qu’il n’y a pas de problème. Il n’y en a aucun’’, s’est-il répété.

Malgré ce discours qui tient à minimiser, voire ignorer certaines critiques et récriminations, les deux gouvernements semblent conscients des défis à relever pour parer à certaines éventualités. Dans cette perspective, la jeunesse, qui était au cœur de ce 5e séminaire intergouvernemental, va jouer un rôle important, a informé la Première ministre française Elizabeth Borne. ‘’Notre première priorité, dit-elle, c’est la jeunesse, car c’est bien elle qui construira l’avenir de notre relation ; l’avenir de la relation entre le continent africain et le continent européen… Agir pour notre jeunesse, c’est aussi écouter ses aspirations et y répondre. Hier (avant-hier), un séminaire a rassemblé de jeunes Sénégalais et Français. Ils ont pu échanger au sujet de leurs espoirs, de leurs craintes et de leurs propositions. Ils nous ont fait part d’une série de recommandations dont  nous allons nous saisir’’.

De l’avis de Mme Borne, des actions concrètes sont ainsi en vue, pour être à la hauteur des aspirations des jeunes et des deux peuples. Dans cette optique, l’éducation, la formation, l’insertion professionnelle, le sport et la culture vont être des axes privilégiés.

Le sentiment anti-français n’existe pas au Sénégal

Dans le domaine de l’éducation, les deux gouvernements encouragent les échanges universitaires entre la France et le Sénégal, promettent la mise en place d’une école franco-sénégalaise ; une possible hybridation des programmes scolaires, en sus du Campus franco-sénégalais qui compte déjà 1 200 étudiants inscrits dans 25 formations dispensées par 35 établissements français et sénégalais. ‘’Notre objectif, c’est une proximité plus forte entre nos systèmes éducatifs’’, a renchéri Elizabeth Borne, qui informe qu’un accord sur la formation professionnelle a par ailleurs été signé mardi à Dakar, entre le Campus franco-sénégalais et une trentaine d’entreprises françaises en matière de formation, d’apprentissage et d’employabilité des jeunes.  

Toujours au chapitre de la jeunesse, la France et le Sénégal se sont entendus pour promouvoir l’engagement citoyen. La France, soutient Borne, continuera à appuyer les initiatives du Consortium Jeunesse Sénégal. Car, selon elle, fortifier les relations entre les deux pays, les deux jeunesses, c’est aussi favoriser toutes les initiatives des jeunes pour échanger, mieux se connaitre et se comprendre. Et cela passe notamment par la culture et le sport. ‘’Le Sénégal et la France, affirme la Première ministre française, partagent une forte tradition de création artistique. Nous voulons favoriser la circulation des œuvres, les partenariats entre nos musées, les projets d’exposition, mais aussi des échanges en matière de productions audiovisuelle et musicale. Cela passe aussi par le sport. Comme l’a rappelé le Premier ministre Ba, deux échéances importantes nous attendent avec les JO de Paris de 2024 et les JOJ au Sénégal en 2026’’.

À côté de la thématique principale qui tournait autour de la jeunesse, de la formation et de l’insertion professionnelle, d’autres thématiques ont également été abordées par les deux gouvernements. Du côté du Premier ministre sénégalais, on semble surtout accorder une attention toute particulière à l’appui budgétaire promis par la France. A ce titre, le moins que l’on puisse dire, c’est que certains choix du gouvernement comme les subventions distribuées à tout va n’ont pas manqué de produire des effets pervers. Et c’est le Premier ministre lui-même qui l’avoue devant son homologue français à qui il demande un secours. Amadou Ba : ‘’Nous avons sollicité un soutien pour appuyer le Sénégal dans sa gestion budgétaire et nous avons eu un écho très favorable. Les modalités pratiques vont être mises en œuvre par les ministres en charge des Finances.’’

Une expérimentation de l’hybridation des programmes scolaires en vue

Lors de l’échange avec les journalistes, le Premier ministre sénégalais y est revenu en détail : ‘’Nous avions besoin d’un soutien budgétaire direct pour soutenir notre économie. On ne parle pas de prêts projets, mais d’un soutien budgétaire direct. Et la France accepte de mettre à notre disposition une enveloppe assez substantielle qui devrait permettre, à mon avis, de soulager l’économie sénégalaise. On parle de 100 milliards F CFA, soit 150 millions d’euros. Les modalités pratiques sont en discussion.’’

A entendre Amadou Ba, cette difficulté de trésorerie qui a poussé à solliciter à nouveau la France s’explique notamment par la politique des subventions de l’État pour aider les populations à faire face à la crise. Le PM assume cette posture que certains pourraient qualifier gabégique et de somptuaire pour un État qui vit de l’aide étrangère. ‘’Nous avions beaucoup de projets qui avaient ralenti, compte tenu du fait que l’option du gouvernement du Sénégal a été de soutenir les populations les plus démunies à travers une politique de subvention qui crée tout de suite un effet d’éviction sur les autres dépenses et à terme, peut créer aussi des problèmes…’’.

Outre ces thématiques, le séminaire a aussi été l’occasion de discuter des questions d’agriculture, de sécurité, de transition écologique et de migration. Sur cette dernière question, la Première ministre française, interpellée sur les lenteurs dans la délivrance des visas aux Sénégalais, confirme et tente de rassurer : ‘’Il y a eu effectivement un allongement des délais pour l’obtention des visas pour les citoyens sénégalais qui veulent venir en France. Mais de façon générale, avec la covid-19, on a une désorganisation d’un certain nombre de nos postes, mais on s’emploie à y remédier. On a déjà des résultats très concrets pour retrouver une qualité de service à la hauteur.’’

Sur ce même chapitre, il est ressorti des propos du PM sénégalais qu’ils sont 15 000 étudiants sénégalais à vivre sur le territoire français et que leurs conditions ont également été posées sur la table.

Un appui budgétaire de l’ordre de 100 milliards F CFA promis par la France

Dans un contexte marqué par l’insécurité au Sahel et dans la sous-région, la question sécuritaire a également été abordée. A cet effet, alors que dans la sous-région, ils sont nombreux à remettre en cause l’implication de la France, le PM sénégalais, lui, a surtout salué le soutien de la France dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Dans la même veine, il a confié que les échanges ont également mis l’accent sur l’agriculture, l’agroalimentaire, le numérique, le soutien au secteur privé, l’investissement…

Ce séminaire, selon la Première ministre française Elizabeth Borne, est un symbole fort de la relation qui unit la France et le Sénégal. ‘’Il n’y a pas, souligne-t-elle, tant de pays avec qui la France tient des séminaires intergouvernementaux. Et le Sénégal est le seul pays d’Afrique subsaharienne avec lequel nous le faisons. Cela témoigne de la solidité des liens qui unissent nos deux pays et de l’excellence des relations que nous entretenons au quotidien, des relations denses, dynamiques, empreintes d’une confiance et d’une amitié historique. Cela témoigne aussi d’un regard commun sur l’avenir, sur les défis face à nous et d’une volonté commune de les relever’’.

Au total, cinq feuilles de route ont été adoptées et six accords signés entre les deux gouvernements. ‘’Ces accords marquent une convergence de vues et une amitié entre nos deux pays. Ils sont aussi le fruit de la dynamique portée par les présidents Emmanuel Macron et Macky Sall pour renforcer encore les liens entre la France et le Sénégal’’, s’est félicitée la Première ministre française.

Sur la période 2019-2023, a-t-elle rappelé, la France apporte une contribution à hauteur  de 1,5 milliard d’euros à la politique d’émergence du Sénégal. Ce qui en fait le premier pays contributeur au développement pour le Sénégal.

MAR AMAR

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