Publié le 19 Jun 2018 - 12:29
DURCISSEMENT POLITIQUE MIGRATOIRE DE ROME

Italie, le paradis perdu de l’immigration

 

Le pays de Dante n’est désormais plus la destination de rêve pour les migrants. Au-delà des circonstances non encore élucidées du crime crapuleux sur Assane Diallo, samedi dernier à Milan, c’est le durcissement de la politique migratoire du nouveau gouvernement d’extrême droite qui interpelle.

 

On prend les mêmes et on recommence. Le communiqué du ministre sénégalais des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur, Me Sidiki Kaba, sur la mort d’un compatriote est comme un mantra que ressassent les autorités à chaque drame qui secoue la diaspora. Compatissant, condamnant, s’indignant et par-dessus-tout demandant que la lumière soit faire sur les ‘‘causes et les circonstances de la mort d’un Sénégalais’’.

Après Idy Diène tué en Florence en mars dernier, le cas est toujours irrésolu malgré le ferme engagement pris en son temps par le ministre. En Espagne aussi, Magatte Fall à Almeria, Mor Sylla à Salou, Abdoulaye Mbengue à Palma de Mallorca, El hadji Ndiaye à Pampelune, Mame Mbaye Ndiaye et Ousseynou Mbaye à Madrid font partie de la liste macabre de Sénégalais de la diaspora tués dans des circonstances pas toujours éclairées. Au-delà de ces morts, c’est la radicalisation des politiques migratoires en Europe, en Italie plus particulièrement.

 Après les attentats de New-York en 2001 et la crise économique et financière de 2008, l’éclosion des droites et extrêmes droites dans le Nouveau monde et dans le Vieux continent ont mis en avant la question de l’immigration au-devant de la scène.

Dans les années 1990, friande d’une main d’œuvre pas chère, La Botte a été une destination de choix des ‘‘modou-modou’’. Le pays de Dante est actuellement la troisième économie de la zone Euro. En mars dernier, lors de Législatives, les Italiens, à l’image des Britanniques sur le Brexit, faisaient le choix du repli identitaire en portant la droite et l’extrême-droite et les partis populistes au pouvoir. Lors de ces élections, à Milan, ‘‘D'abord les Italiens’, ‘‘Stop à l'invasion’’, ont été les slogans qui ont barré les posters de campagne au siège de la Ligue dans cette ville.

En dehors de la coalition formée par Forza Italia de Silvio Berlusconi de la Ligue et de Frattelli d’Italia, ce sont  surtout des partis populistes qui ont la charge de gérer les affaires de cette nation pour les quatre années à venir. Il n’a pas fallu longtemps pour que les lois de l’Union européenne sur l’immigration, très permissives au goût de la droite, en prennent un coup.  Au début de ce mois de juin, le pays a refusé d’accueillir le navire Aquarius, avec 629 migrants à son bord, qui se dirige vers Malte qui refuse à son tour, condamnant les migrants à une errance d’une semaine dans la Méditerranée avant que l’Espagne ne se propose comme solution.

‘‘Le bon temps pour les clandestins est fini : préparez-vous à faire vos valises (...), aucun vice-passeur ne doit accoster dans les ports italiens’’, avait lancé le leader de l’extrême droite italienne et par ailleurs ministre de l'Intérieur, Matteo Salvini, le 3 juin dernier en Sicile, faisant référence aux  ONG humanitaires comme des  vice-passeurs. Pour ne laisser aucun doute à ceux qui s’attendent à un quelconque infléchissement de sa politique, Salvini d’ajouter que ‘‘des milliers de gens sont dans l’illusion  qu’à Catane, en Sicile, et dans toute l’Italie, il y a le logis et le travail pour tous. (...) Il n’y a pas assez d’habitations et de travail pour les Italiens à plus forte raison pour la moitié du continent africain’’.

Situation d’irrégularité : le gouvernement italien prévoit d’expulser 500 000 personnes...en un an

En Europe, l’afflux de la population de migrants subsahariens est estimé à presque un million de demandeurs d’asile (970 000) entre 2010 et 2017, selon le Pew research center.  Au vu de ces chiffres, les partis populistes, de droite et d’extrême-droite dans la péninsule italienne, ont réalisé une percée, comme partout ailleurs dans le Vieux contient, en jouant sur les craintes des populations. ‘’L’Italie a accueilli 690 000 migrants depuis 2013’’, avance le journal Libération. Le gouvernement du nouveau Premier ministre  Giuseppe Conti, via son ministre de l’Intérieur (de droite) Mateo Salvini, se propose le délai surréaliste d’expulser 500 000 personnes en situation irrégulière, en un an, alors que le pays procède actuellement à ces expulsions au rythme annuel de 6 500 migrants (6 514, l’année dernière).

Le programme commun du Mouvement 5 étoiles et de la Ligue (deux partis d’extrême droite) prévoit d’amputer une partie des 4,2 milliards d'euros consacrés chaque année à l'accueil des migrants pour les transférer vers leur expulsion. Ces chiffres manipulés par les extrêmes politiques en Europe sont pourtant relativement bas concernant l’immigration en Europe. Le rapport 2015 d’Eurostat fait état de moins de 7% d’étrangers vivant dans l’Union Européenne sur 507 millions d’habitants. L’Italie, membre fondateur de l’UE, pourrait ne pas être la seule puissance économique à céder aux sirènes populistes. En Allemagne, Angela Merkel a dû ouvrir son gouvernement à ses opposants après qu’elle a été politiquement affaiblie par de vives critiques sur les choix cléments de sa politique migratoire. Le Vieux continent est désormais dur à atteindre.

OUSMANE LAYE DIOP

 

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